Le mal du siècle
Dans un monde sans frontières, la dissolution de l'état et de la nation nous a conduits au sous-développement. Cette fuite en avant tuera tant que nous n'aurons pas substitué le savoir-vivre écologique au culte du marché.
Àla pandémie qui touche l’europe, les Étatsunis, et devient mondiale, s’en ajoute une autre ; l’épidémie du commentaire. Et chacun d’y aller de sentences définitives, sur le monde, l’europe, la France et nous. Rien ne sera jamais comme avant ! Qui peut y croire ?
La seule certitude, c’est que nous mourrons tous un jour. Cette réalité nous est devenue bien plus qu’inconfortable, insupportable, indécente même ! La mort nous est cachée, et pas seulement par le bruit incessant des portables et des mails. Le rêve de l’immortalité est au coeur de la modernité, il anime l’action transhumaniste en faveur de l’homme nouveau, et de Michael Jackson à Ray Kurzweil, ils sont des milliers à se croire au bord de cette grande séparation qui réalisera enfin le rêve de Pic de la Mirandole ; en finir avec la nature, faire de l’homme son propre créateur. Ce rêve a trouvé un début de réalisation, avec le doublement de l’espérance moyenne de vie en un siècle, et le spectaculaire vieillissement de sociétés dans lesquelles les plus de 60 ans sont deux fois plus nombreux que les moins de 20 ans ! 90 % des décès ont lieu à l’hôpital, l’abattage des animaux est soigneusement caché au public. Et la mort qui était attendue comme moment suprême d’une vie bien réglée n’a plus de place dans le monde merveilleux que le virtuel habite.
La pandémie installe dans les consciences individuelles et dans le débat public bien plus qu’un retour de la mort ; la crainte du recul de la vie. Diabète, obésité, problèmes cardiaques et respiratoires… la grande majorité des victimes du Covid-19 présente l’un ou l’autre symptôme de ces maladies de la civilisation. N’en déplaise aux « écolos », le recul de la vie ne se concrétise pas surtout par la disparition des abeilles ou par ces « printemps silencieux » où plus aucun oiseau ne chante dans les arbres ; le plus grave est la dégénérescence humaine que provoque la société du numérique, des fast-foods et de la processed food (ces choses-là se disent en anglais, elles en viennent !). La misère physique des populations pauvres des États-unis, d’angleterre et d’ailleurs, c’est l’obésité visible, écrasante (à Détroit, un tiers de la population est obèse et diabétique), l’infertilité des jeunes couples (un tiers au Danemark), l’apparition précoce des maladies dégénératives et des cancers, l’incapacité croissante, physique et mentale, au travail. C’est surtout la baisse de l’espérance moyenne de vie, générale aux États-unis, encore concentrée sur les populations les plus défavorisées en Grande-bretagne. Faut-il ajouter que des ruptures d’approvisionnement causées par la pandémie pourraient sauver une partie de la population d’une dégradation physique par la nourriture industrielle, saturée de graisses et de sucres ajoutés, qui, chaque année, tue plus que tout virus ? Peut-être même pourrait-elle lui apprendre à se passer de Coca, de Mcdo et de burgers ? Chacun comprend la panique qui saisit les marchands de mort ; le virus est un concurrent redoutable !
Le choc de la pandémie est d’abord ce rappel : la mort est toujours là, et plus elle est cachée, oubliée, repoussée, plus ce rappel est violent, plus les traits fondamentaux des croyances collectives, des cultures et des civilisations réapparaissent sous la pellicule universaliste. Il est instructif d’examiner les écarts considérables des réactions collectives face au Covid-19. Nulle part en France je n’ai lu l’équivalent de la déclaration de →