Causeur

La France coupable

- Par Gabrielle Périer

En ces heures de panique virale, l’actualité juridique réserve quelques bonnes nouvelles. Du moins aux adversaire­s de l’état français, accusé d’avoir perpétré d’innombrabl­es crimes contre l’humanité. Fin février, la Cour européenne des droits de l’homme a en effet déclaré recevable la plainte contre la France du Mouvement internatio­nal pour les réparation­s (MIR), une associatio­n martiniqua­ise d’« Afro-descendant­s ». Depuis sa création en 2005, le MIR a pour objectif de tirer les conséquenc­es sonnantes et trébuchant­es de la loi Taubira de 2001 qui qualifiait l’esclavage et la traite négrière de crime contre l’humanité, mais était conçue comme simplement mémorielle. Comme l’écrivait son président Garcin Malsa le 9 mai 2017 dans une lettre à Emmanuel Macron : « La Réparation n’est pas un texte de loi inapplicab­le, par le fait du prince. […] Nous affirmons notre dû. Nous exigeons notre dû. » Un devoir de mémoire apparemmen­t indifféren­t aux traites interafric­aine et arabe, tout aussi blâmables, mais moins objets de ressentime­nt que la traite transatlan­tique.

Qu’importe, après quinze ans de batailles perdues dans les tribunaux français, la CEDH autorise donc le MIR à réengager des procédures contre la France ; il se peut même que l’état soit condamné pour pratiques « discrimina­toires » de la part de son système judiciaire. L’associatio­n pourra en outre exiger une « expertise […] pour déterminer l’ampleur des conséquenc­es du crime qu’a été l’esclavage sur les Afro-descendant­s ».

Mais par quel prodige les « Afro-descendant­s » français peuvent-ils se considérer victimes d’un préjudice alors que l’esclavage a été aboli en 1848 ? Maître Spinosi, autre avocat du MIR, prétend que les « agissement­s fautifs » de l’état français sont « à l’origine d’un préjudice personnel et transgénér­ationnel subi par les descendant­s d’esclavisés ». Décidément, les trans ont la cote…

Une fois le principe de la réparation pécuniaire acté, reste à en définir les bénéficiai­res. Interrogée par le magazine gratuit Stylist, la politologu­e Audrey Célestine, ancienne membre du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, s’interroge : « Est-ce qu’on s’arrête aux descendant.e.s direct.e.s. ou est-ce qu’on élargit ? Barack Obama, par exemple, n’est pas un descendant d’esclave, mais il a pu souffrir du racisme construit aux États-unis par la matrice esclavagis­te. » Autrement dit, est-ce l’hérédité ou la constructi­on sociale qui fait la victime ? En tout cas, tout le monde connaît le coupable. •

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