Causeur

Pourquoi le Sud ?

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Pour comprendre la genèse des mafias italiennes, il faut lire Un pouvoir invisible : les mafias et la société démocratiq­ue (2012). Dans cet essai lumineux, l’historien du droit Jacques de Saint-victor lie l’éclosion du système mafieux au maintien de structures féodales en Italie du Sud. Un demisiècle avant l’unificatio­n italienne (1861), le royaume de Naples puis le royaume des Deux-siciles abolissent les droits féodaux puis engagent une révolution agraire. La vente des grands domaines fruitiers de la Conca d’oro, sur une centaine de kilomètres autour de Palerme, enrichit des « barons » alliés aux réseaux locaux de brigandage et à la bourgeoisi­e urbaine (banquiers, notaires, avocats). C’est l’acte fondateur de la mafia sicilienne dont les paysans appauvris seront les hommes de main.

Au sein du nouveau royaume d’italie, qui siège à Turin, le Sud fait figure de parent pauvre préindustr­iel. L’état ne prétend pas y exercer le monopole de la violence légitime. Si bien que la mafia pénètre les notabilité­s politiques, sociales et économique­s nationales, à l’image du baron Turrisi Colonna, sénateur-maire de Palerme et parrain notoire. Au cours du xixe siècle, le crime organisé s’émancipe de ses protecteur­s jusqu’à renverser en sa faveur le rapport de domination entre mafieux et politiques. La Sicile attendra l’après-guerre pour commencer à sortir de la société des notables…

À Naples, alors troisième ville d’europe, la Camorra naît dans les prisons surpeuplée­s dans lesquelles les éléments les plus violents imposent le paiement d’un tribut. Les camorriste­s perçoivent l’impôt de la peur ou pizzo (« petit » en napolitain) qui accorde aux détenus rackettés un modeste lit sur lequel se reposer. Et la Camorra d’infiltrer naturellem­ent les garnisons de soldats, souvent constituée­s d’anciens prisonnier­s. •

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