The Lancet : les tromperies de la renommée
Patatras, quelques heures avant d'envoyer Causeur à l'imprimerie, nous avons appris que The Lancet prenait ses distances avec l'étude qu'elle avait publiée sur la dangerosité de la chloroquine. Il faut dire que malgré sa haute réputation, cette revue scie
Nous n’avons pas été capables de confirmer l’efficacité de l’hydroxychloroquine ou de la chloroquine, utilisée seule ou avec un macrolide. Chacune de ces stratégies thérapeutiques utilisées dans le Covid-19 est associée avec une baisse de la survie à l’hôpital et une augmentation des troubles du rythme cardiaque. » Cette phrase, qui conclut l’étude publiée le 22 mai par Mandeep R. Mehra, cardiologue à Boston et professeur de médecine à Harvard, dans la prestigieuse revue The Lancet, n’est pas la plus simple ni la plus élégante qui ait jamais été publiée, mais elle a eu l’effet d’une bombe. En résumé, elle signifie : le professeur Raoult a tort. Définitivement. Et avec lui, bien sûr, tous ceux qui, de Donald Trump à
Docteur en médecine, Ariel Beresniak est spécialiste en santé publique et médecine sociale et docteur en mathématiques appliquées, habilité à diriger des recherches. Auteur d’ouvrages de référence tels que : Dictionnaire raisonné des termes des entreprises du médicament (Flammarion), Dictionnaire commenté d’économie de la santé (Masson).
Michel Onfray, l’ont érigé en héros du peuple, chevalier du bon sens en croisade contre l’establishment et les « élites ».
L’étude, selon laquelle le traitement à l’hydroxychloroquine associée à un antibiotique accroît le risque de mortalité pour les malades du coronavirus, ne fait pas que conforter le vaste camp des anti-raoult, elle entraîne la conviction de ceux qui n’ont pas – ou ne sont pas supposés avoir – d’a priori idéologiques ou politiques. Or, moins de quinze jours après avoir publié cette étude, la revue The Lancet a elle-même mis en garde ses lecteurs – « d’importantes questions scientifiques ont été soulevées concernant les données rapportées dans l’article » – quant à la validité de ses conclusions. Ce ne sont pas les doutes exprimés le 2 juin et le début de revirement du Lancet qui laissent songeur mais plutôt la vitesse avec laquelle la publication du 22 mai a recueilli l’approbation de L’OMS et du ministère français de la Santé. Ce dernier a quasi immédiatement adopté des mesures en accord avec les conclusions de l’article. Pourquoi une telle précipitation des autorités sanitaires à interdire la prescription de l’hydroxychloroquine sans attendre les audits et éclaircissements méthodologiques demandées ? On peut expliquer ce pouvoir de persuasion par deux facteurs : le nombre de sujets étudiés (96 032 patients !) et la réputation du journal qui l’a publiée.
Pour la première fois, une analyse reposant sur les « big data », l’exploitation d’un nombre considérable de données informatiques, et non sur un véritable essai clinique, aboutit en quelques heures à l’interdiction de prescription d’une molécule présente sur le marché depuis 1949 et à l’arrêt des essais cliniques de cette molécule dans le Covid-19. Ce qui conduit à s’interroger à la fois sur l’effet de sidération produit par les grands chiffres et sur l’effet d’intimidation, exercé tant par ces même grands chiffres que par le prestige de la revue. On croit spontanément que plus l’échantillon d’une étude est vaste, plus il est représentatif, donc, plus l’étude →