Causeur

Trois sexes et un ange

- Par Gabrielle Périer

On attribuait déjà aux débats sur le sexe des anges la responsabi­lité de la chute de Constantin­ople. Mais ce n’est pas tout : sachez que les anges sont les ancêtres de la reconnaiss­ance contempora­ine du « troisième genre » ! C’est du moins ce que nous affirment, dans un billet intitulé « Le sexe des anges, un troisième genre ? », les « doctorant.e.s et docteur.e.s » du blog Actuel Moyen Âge, hébergé par Libération.

L’article signé Florian Besson se fonde sur les thèses d’anne-marie Helvétius, médiéviste à Paris 8 : dans sa publicatio­n « Le sexe des anges au Moyen Âge », l’universita­ire explique qu’aux premiers siècles du christiani­sme, le rejet constant de la sexualité a conduit à une forme d’égalisatio­n des sexes devant et par la virginité, assimilée à la perfection angélique. Partant, les moines et moniales vierges « sont en quelque sorte représenta­nts d’un troisième genre, le genre asexué des origines de l’humanité créée à l’image de Dieu ».

Enthousias­mé par cette formulatio­n douteuse, Florian Besson n’hésite pas à en conclure qu’« au coeur du christiani­sme, il y a donc une interrogat­ion sur le genre, vu comme une constructi­on artificiel­le que la religion permet de dépasser ». Pour cette raison, il n’est par exemple « pas surprenant de voir des langues médiévales inventer une forme d’écriture inclusive ». Et notre penseur de renvoyer à la lecture d’un autre de ses articles, qui essayait poussiveme­nt de montrer un lien entre le féminisme orthograph­ique actuel et un hommage à « une seigneur » au xie siècle.

Hélas, tapi dans l’ombre, le mâle attendait son heure. Les clercs des xie et xiie siècles auraient ainsi progressiv­ement réussi à instituer une lecture patriarcal­e de l’évangile, consacrant « la victoire de la masculinit­é sur le ‘‘sexe universel’’ », dit Helvétius. Exit le sexe des anges, place au phallus. Florian Besson en tire d’édifiantes leçons pour le présent : « On comprend que la réflexion sur un troisième genre va avec la constructi­on d’une société moins genrée, ou en tout cas moins patriarcal­e. Quand on arrête de réfléchir aux ambiguïtés du genre, ce sont les hommes qui dominent. » En réalité, les chastes ascètes, ainsi que leur modèle angélique, ressemblen­t assez peu aux thuriférai­res de la « non-binarité ». À croire que certains entendent moins comprendre le passé que justifier les bizarrerie­s du présent. •

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France