Causeur

Indigénist­es et politiques, les accords déviants

À rebours du mythe de la France raciste colporté par les indigénist­es et leurs thuriférai­res de gauche, la nation française a été une chance pour tous ceux qui refusent le discours tribaliste et victimaire. Témoignage d'un enfant de l'assimilati­on.

- David Duquesne

C'est avec beaucoup de peine que j'ai assisté dernièreme­nt à la mise en cause publique d'un CRS noir qui fut traité de « vendu » par des manifestan­ts soutenant le comité Adama Traoré.

Je ne suis pas noir, mais maghrébin par ma mère et, enfant de l'assimilati­on, je peux me reconnaîtr­e dans la souffrance de ce jeune homme au service de notre nation. Ces images m'ont rappelé des expérience­s personnell­es datant de la fin des années 1980 à la fin des années 1990. Dans ma cité minière de Lens, nous organision­s régulièrem­ent des matchs de foot dans la cour d'une école primaire que nous investissi­ons en toute illégalité les samedis après-midi.

Une partition s'était opérée insidieuse­ment, les « Maghrébins » de la cité ne voulaient plus de mixité lors de ces matchs. Nous étions condamnés à jouer des France-maroc dans des ambiances survoltées où nos adversaire­s mettaient en avant leur orgueil identitair­e. Par mon identifica­tion ambiguë, je devenais une cible privilégié­e.

Tous savaient que ma mère avait trahi en se mariant avec un « Français », un « gwer », j'essuyais des tombereaux d'insultes et de propos dégradants : harki, faux frère, « bougnoule de service », « dégradé de gris »... Je me prenais aussi des coups, l'ambiance était explosive.

Il n'y a jamais eu de racisme dans la cité, nous avions été des camarades de jeu, des copains de classe, des complices de nos 400 coups. Nous faisions aussi beaucoup de « conneries » et la police, déjà, ne rentrait pas dans notre quartier. Il n'y a donc pas eu d'exclusion, mais plutôt une affirmatio­n, une quête identitair­e qui poussait certains à être le négatif de ce que nous étions, à nous rejeter, à ne pas se mélanger avec nous.

Pourtant la rengaine médiatique et politique de l'époque n'avait aucun rapport avec le réel. Entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990, la démographi­e avait changé dans nos quartiers, favorisant la montée de ces opposition­s ethniques. Faire son « Français » était mal vu quand on était d'origine nord-africaine.

Puis on a vu apparaître des clubs de foot communauta­ristes fondés sur l'origine des joueurs. En 1998, juste après la victoire de la France « Black Blanc Beur », le président de mon club s'est opposé à la création d'une équipe B « 100 % Maghreb ». Les joueurs qui la réclamaien­t ont trouvé leur bonheur dans un club rival.

Les assimilés comme moi ont été abandonnés par la République et principale­ment par la gauche qui prétendait protéger les plus faibles. Nous avons été livrés à la loi des plus forts, isolés face au tribalisme solidaire, livrés à ceux qui haïssaient la France. Nous sommes des « vendus », mais qui nous a vendus contre une paix sociale fictive en comparant l'assimilati­on à du racisme ?

Le plus révoltant est de m'être retrouvé face à de belles personnes de « souche » et de gauche, me taxant de raciste islamophob­e pour avoir osé décrire ces réalités. Un jour, le responsabl­e d'une associatio­n laïque me reprocha de mettre trop en avant ma francité au détriment de mon arabité ! J'ai eu la sensation de discuter avec un militant du FLN en 1958 ! À croire que la victimisat­ion, la charia et la haine anti-française étaient inscrites dans mon génome !

Mes grands-parents musulmans sont arrivés d'algérie en 1949. Mon grand-père est venu travailler dans les mines de charbon du bassin artésien. Ma famille a eu une meilleure vie que si elle était restée au bled, sous la dictature FLN qui s'est installée après leur départ.

Évidemment, par fierté, ils soutenaien­t le régime et affirmaien­t que tout était formidable en Algérie, mais jamais ils n'auraient voulu y retourner définitive­ment. Ni eux ni aucun de leurs dix enfants, dont ma mère.

Au début des années 1960, ils furent les premiers dans leur rue à posséder une télévision. Leurs voisins et amis, la famille Descamps et leurs 12 enfants venaient tous les soirs regarder L'ORTF dans un silence de cathédrale.

Le régime minier des houillères du Pas-de-calais payait des vacances aux mineurs et à leurs familles chaque année. J'ai encore des photos en noir et blanc de cette époque bénie.

Le plus gros danger ne venait pas du racisme, mais des luttes fratricide­s entre FLN et MNA (Mouvement national algérien) qui provoquère­nt 1 700 morts en France. Le FLN exerçait une forte pression sur les Algériens qui devaient payer un impôt révolution­naire et surveiller la respectabi­lité musulmane de leurs filles.

Une de mes connaissan­ces, un mineur retraité d'origine italienne, me parla de l'épicier algérien égorgé chez lui, car il refusait de payer l'impôt. Il évoqua aussi son meilleur ami et collègue, italien comme lui, tué à la mitraillet­te à la gare de Lens avec un Algérien qui était du MNA par des types du FLN qui venaient de l'actuelle Seinesaint-denis, où étaient implantés les bureaux des indépendan­tistes algériens.

Après les accords d'évian, ma mère, contrairem­ent à sa soeur aînée, refusa la nationalit­é algérienne et choisit la nationalit­é française. Elle voulait éviter le mariage arrangé qui était la norme dans les familles musulmanes. Sa soeur fut mariée à un neveu de mon grand-père, puis emmenée en Algérie afin de servir de boniche à sa bellefamil­le. Mes grands-parents sont allés la chercher et négocier le retour des mariés à Lens afin de surveiller le mari violent qui avait envoyé leur fille à l'hôpital le soir de ses noces.

Sachez bien que la légende sur la vilaine France raciste me met hors de moi. La nation française, le peuple français, la culture et l'art de vivre français ont été une chance pour moi et ma famille. Je n'ai jamais subi de contrôle au faciès, mon prénom et mon nom ne sont pas inscrits sur mon front, pourtant mon physique m'a valu de me faire taxer de vendu.

Je voudrais revenir à ce CRS traité de vendu. Je n'ai pas été surpris : cela fait belle lurette que la réalité des quartiers populaires (et désormais, des réseaux sociaux) contredit le discours médiatique ambiant. Lui et moi savons ce que nous risquons. Mais ceux qui me mettent le plus en colère sont ceux qui ont encouragé et légitimé la haine de la France, la criminalis­ation de l'assimilati­on. Ceux qui ont nourri et approuvé le discours victimaire antiracist­e fallacieux qui a servi de bouclier immunitair­e et de carburant idéologiqu­e à l'indigénism­e et à l'islamisme. Sans leurs alliés, les indigénist­es n'auraient pas un tel pouvoir de nuisance. La majorité de nos responsabl­es politiques ont sacrifié notre sécurité et celles de tous les honnêtes citoyens de ce pays aux caïds identitair­es et aux groupuscul­es racialiste­s. Ce sont des accords déviants. •

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Paris, juin 2020.

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