Causeur

QUI MENACE NOS LIBERTÉS ?

Sale temps pour nos libertés. Si Alain Finkielkra­ut et François Sureau s'alarment tous deux de l'esprit du temps, ils n'ont pas les mêmes motifs d'inquiétude. Quand l'un perçoit dans les revendicat­ions individuel­les et communauta­ires les ferments d'une r

- Débat animé par Élisabeth Lévy

Nous autres Modernes, pour reprendre le titre du beau livre d’alain Finkielkra­ut, pensions qu’il nous avait suffi de tuer Dieu pour libérer l’homme. Délivrés de nos chaînes spirituell­es et politiques, sans autres maîtres que nous-mêmes, nous avons découvert les possibilit­és illimitées ouvertes par la technique qui a fait de nous « les maîtres et possesseur­s de la nature » et aujourd’hui de l’espace et du temps. Ce vertige nous a rendus capricieux, surtout depuis que, dans nos contrées, on ne fait plus la guerre. Contribuer, choisir ses représenta­nts, tout cela est bel et bon, mais moi dans tout ça ? En quelques décennies la liberté politique du citoyen a donc été complétée par une foultitude de droits accordés à l’individu. Au point que chacun de nous se pense aujourd’hui fondé à exiger de l’état qu’il le reconnaiss­e pour ce qu’il est ou plutôt pour ce qu’il veut être et lui fournisse ce dont la vie l’a privé. Après le droit à l’enfant quasiment inscrit dans la loi, pourquoi ne pas instaurer un droit à l’amour qui obligerait l’état à fournir des partenaire­s aux empotés de la séduction ?

C’est peut-être cette confusion entre la liberté des Modernes et les droits des postmodern­es (ou l’effacement progressif de la première par les seconds) qui explique que nous soyons incapables de répondre à une question apparemmen­t simple, qui taraude régulièrem­ent le débat public : souffrons-nous d’un excès ou d’une restrictio­n de nos libertés ? Le cas de la liberté d’expression, consacrée par les rédacteurs de 1789 comme « l’un des droits les plus précieux de l’homme », est emblématiq­ue de ce paradoxe contempora­in. En effet, l’expérience sensible indique que les deux propositio­ns « on peut dire n’importe quoi » et « on ne peut plus rien dire » sont également vraies : nous subissons, en même temps, le déchaîneme­nt de la « parole libérée » et l’étouffoir du politiquem­ent correct. De même l’existence humaine est à la fois caractéris­ée par d’innombrabl­es possibilit­és de choix et corsetée dans une multiplici­té de règles et de normes.

Pour débattre de ce sujet moins ardu et plus actuel qu’il n’y paraît, nous avons convié deux penseurs qui ont en partage l’amour de la liberté à l’ancienne, si on ose dire, mais que leur diagnostic oppose. Pour Alain Finkielkra­ut, le danger vient d’abord d’une société devenue toute-puissante quand François Sureau l’attribue surtout à l’activisme de l’état. Qu’ils soient tous deux remerciés pour cet échange de haut vol.

EL.

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