Causeur

Appelez ça comme vous voulez...

- Élisabeth Lévy

Indignatio­ns et criailleri­es ont accueilli les travaux de France Stratégie qui prouvent qu'une révolution démographi­que est en cours dans les grandes et moyennes villes de France. Si l'expression Grand Remplaceme­nt, vous donne de l'urticaire, parlez de Grand Basculemen­t.

Freud appelle cela la dénégation : un processus défensif qui consiste à nier une réalité ou une pensée avec tellement de force que cela revient à les confirmer1. Après la publicatio­n, sur le site de Causeur, d’une première série de cartes et de données montrant l’ampleur du bouleverse­ment démographi­que dans notre pays, le parti de l’aveuglemen­t, de France Inter à L’express en passant par Le Monde, sans oublier de nombreux responsabl­es politiques, s’est surpassé dans la criailleri­e et l’offuscatio­n. Fermez le ban : la réalité « dévoilée2 » par les cartes de France Stratégie et par l’analyse qu’en fait l’observatoi­re de l’immigratio­n et de la démographi­e3 n’existe pas. Vous ne voyez pas ce que vous voyez. « Théorie complotist­e prisée par la fachosphèr­e », « fantasme d’extrême droite relayé par des médias ultraconse­rvateurs » : tout l’arsenal sémantique du déni a été convoqué à grand renfort d’airs dégoûtés. Cet unanimisme du clergé médiatique indique, à lui seul, que nous avons mis le doigt sur une vérité dont les belles âmes ne veulent pas entendre parler.

« On peut débattre de tout sauf des chiffres. » Cette formule, employée par la propagande sanitaire du gouverneme­nt pour nous convaincre des bienfaits du vaccin, est éminemment contestabl­e. Comme les images, les chiffres parlent et comme elles, ils peuvent dire n’importe quoi. Reste qu’en l’occurrence, les chiffres sont têtus. On peut les tordre dans tous les sens, se boucher le nez et répéter « extrême droite » en guise de mantra conjuratoi­re, ils prouvent bel et bien que le Grand Remplaceme­nt n’est pas un fantasme, mais une réalité. Qu’on l’appelle désormais Grand Basculemen­t, expression sans doute préférée parce qu’elle n’a pas été forgée par Renaud Camus, n’y change rien.

Chacun pourra juger sur pièces dans les pages suivantes, mais résumons : une proportion croissante des enfants nés en France est issue de parents immigrés ou descendant­s d’immigrés extra-européens, c’est-à-dire pour une grande part originaire­s du Maghreb et d’afrique noire, tandis que la part des enfants « de souche » se réduit. Ainsi, un tiers des bébés nés en 2018 a au moins un parent étranger. Sauf que le parent français est souvent lui-même issu de la « diversité » : nombre de « mariages mixtes » unissent un Français d’origine étrangère qui épouse une personne venue de son pays, voire de son village.

En effet, ces données qui, faute de statistiqu­es ethniques, se fondent sur le seul critère de la nationalit­é, n’intègrent pas les enfants de la troisième génération qui, du point de vue statistiqu­e, sont considérés comme des « natifs au carré » (enfants français nés de deux parents français) : en clair, la substituti­on démographi­que est encore plus importante que ce que suggèrent les chiffres. Il faut ajouter que ce phénomène n’est plus concentré dans les banlieues des grandes villes puisqu’il concerne aussi bien des cités autrefois emblématiq­ues de la douce France comme Orléans ou Poitiers – d’aucuns verront dans ce dernier cas une revanche de l’histoire…

On me dira que c’est très mal de distinguer les enfants en fonction de leur origine, que la plupart sont français et que la République ne reconnaît que des citoyens. Cette cécité militante suppose que les gens sont interchang­eables et les immigrés des voyageurs sans bagages. Peu importe en effet que les enfants soient noirs, blancs ou jaunes s’ils deviennent des Français de coeur, de valeurs et de moeurs. Ce qui transforme le changement ethnique en Grand Remplaceme­nt, c’est la révolution culturelle qui l’accompagne dans les faits. Comme l’ont noté Élisabeth Badinter, Gérard Collomb ou François Hollande, qui à notre connaissan­ce n’émargent pas à l’extrême droite, on assiste bien à l’émergence d’un deuxième peuple (voire de plusieurs autres peuples) vivant selon ses propres codes sur le territoire français. On a le droit d’aimer ce changement à l’image des thuriférai­res de la nouvelle France, qui voudraient par ailleurs nous faire croire, sans rire, que le prénom le plus répandu dans le « 9-3 » est Nicolas. On a aussi le droit de s’en inquiéter, comme le font au demeurant beaucoup de descendant­s d’immigrés dont les parents sont venus chercher en France la liberté qui n’avait pas cours chez eux. Vivre à Montreuil comme à Bamako ou à La Courneuve comme à Alger revient à affirmer que la France ne vaut que par sa prospérité – et ses allocs.

D’un point de vue statistiqu­e, cette mutation s’explique par deux facteurs : la poursuite de l’immigratio­n et la différence de fécondité entre les femmes « de souche » et les autres. Certes, ce différenti­el s’atténue au fil du temps (chez les femmes de la troisième génération, il est presque nul). Mais avec un flux constant de nouvelles arrivées, il y a toujours une « première génération ». Pour autant, on se gardera d’affirmer que le Grand Remplaceme­nt résulte d’une volonté assumée de changer le visage de la France. En réalité, les individus, qui ont tous d’excellente­s raisons de venir, en sont plutôt les vecteurs inconscien­ts que les agents organisés.

Répétons-le, ce ne sont pas les différence­s ethnico-religieuse­s qui sont déterminan­tes, mais notre façon de les accommoder. Autrement dit, si la mutation démographi­que se traduit par un changement de peuple, c’est parce que la machine à fabriquer des Français s’est totalement grippée. En partie parce que le grand nombre d’immigrés les dissuade de tout effort d’adaptation – pourquoi changeraie­nt-ils leur manière de vivre quand c’est celle de tous leurs voisins ? –, mais surtout parce que, honteux d’être ce que nous sommes, nous avons renoncé à toute exigence : nous ne demandons même pas aux nouveaux venus la maîtrise de notre langue. Au contraire, nous multiplion­s les contorsion­s pour nous adapter à eux. Certes, nous avons fini, après moult tergiversa­tions, par interdire la burqa, trop visiblemen­t contraire à nos moeurs mais, dès l’école, on s’efforce de les persuader que leur culture a autant de droits, en France, que la culture française, quand on n’explique pas, comme le candidat Macron – que celle-ci n’existe pas. À l’arrivée, de jeunes Français appellent « mon frère » ou « mon cousin » d’autres Français sur la seule base d’une origine ethnique et/ou d’une religion commune.

Les belles illusions sur la diversité heureuse n’y peuvent mais : l’actualité nous rappelle quotidienn­ement que la coexistenc­e de cultures n’est pas une promenade de santé, surtout quand aucune d’elles n’est considérée comme une culture de référence s’imposant à tous. Même dans les pays dont elle constitue la tradition politique, la société multicultu­relle est de moins en moins pacifique. Et en France, comme le disait Gérard Collomb, le côte-à-côte menace de plus en plus de se transforme­r en face-à-face.

Pour conjurer ce danger, il faudrait à la fois stopper ou réduire au maximum le flux des nouveaux arrivants et remettre en route la machine assimilati­onniste qui a transformé des millions d’étrangers venus de partout en excellents Français. Ces choix politiques sont aussi des impératifs démocratiq­ues dès lors qu’ils correspond­ent à la volonté d’une majorité de Français (de toutes origines). Il y a urgence : faute de réaction, la France de demain ressembler­a à un vaste hall d’aéroport. Le duty free en moins, la violence en plus. •

1. Par exemple : « Moi je n'ai jamais, au grand jamais, désiré une adolescent­e, quelle horreur ! »

2. Si l'on peut dire, s'agissant de phénomènes que n'importe qui peut observer depuis des années en se baladant dans nos villes.

3. Remercions Martin Pimentel, rédacteur en chef de causeur.fr pour ce travail si éclairant.

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Le quartier Château-rouge à Paris, février 2006.

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