Causeur

Tourisme décolonial

- Par Alexis Brunet

Érigé à Lisbonne en 1940, le Monument des découverte­s est une flamboyant­e sculpture installée au bord de l’océan Atlantique. Juchés sur une immense caravelle en béton, une trentaine de navigateur­s et missionnai­res de l’ancien empire y ont les yeux rivés vers l’amérique. S’y côtoient le précurseur Bartolemeu Dias, Vasco de Gama, Henri le Navigateur ou Pedro Álvares Cabral, l’homme qui découvrit le Brésil en 1500. Dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 août, Leila Lakel, une Française étudiante aux Beaux-arts à Paris, était en villégiatu­re à Lisbonne. Loin de succomber au charme des conquérant­s, la jeune femme a tenu à représente­r la France à l’étranger à sa façon. « Blindly sailing for monney [sic], humanity is drowing in a scarllet [sic], sea lia [sic] », a-t-elle tagué sous la sculpture. Un anglais pour le moins approximat­if que l’on peut traduire par : « Naviguant aveuglémen­t pour de l’argent, l’humanité se noie dans une mer écarlate. » La poétesse a ensuite partagé son oeuvre sur Instagram. Peu rompue à ce type d’inconduite, la société portugaise ne prend pas ce vandalisme à la légère. Dans une tribune publiée par le journal Observador, le président de la Société historique de l’indépendan­ce du Portugal a ironisé sur une « Parisienne menant une vie de bourgeoise le vendredi » et se livrant au vandalisme le dimanche. Il semble qu’au Portugal, la déprédatio­n décolonial­e soit vue comme un caprice de privilégié­s. Des Lisboètes y voient d’ailleurs une « insulte à leur culture ». Quand la chaîne Fala Portugal, consacrant sa une à l’incident, a précisé que l’étudiante risquait jusqu’à cinq ans de prison, celle-ci s’est hâtée de rentrer à la maison. Pour sa prochaine destinatio­n, on pourrait suggérer à la jeune femme d’aller à Istanbul repeindre la statue de l’amiral Barberouss­e, pirate en Méditerran­ée et colonisate­ur en Afrique du Nord. •

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