Challenges

Des baisses de prix opportunis­tes

Profitant du recul des coûts du transport et des matières premières, certaines marques réduisent leurs tarifs. Entre choix stratégiqu­e et coup de communicat­ion.

- G. E.

« C’était quand même plus simple, l’inflation… » Voici la rengaine presque nostalgiqu­e qu’entend aujourd’hui David Vidal, directeur général de Simon-Kucher France. Ce cabinet de conseil aide les entreprise­s à ajuster leur politique tarifaire. Or après la flambée des prix de 2022 et 2023, l’inflation est retombée à moins de 3% au mois de février. « Tout le monde se regarde en chiens de faïence pour voir qui va tirer en premier à la baisse », s’amuse-t-il. C’est le cas de So.bio et Bio c’Bon, deux enseignes du groupe Carrefour qui souffrent de la désaffecti­on des consommate­urs sur ce marché.

« Remettre du beurre dans les épinards »,

clame la campagne de publicité de Bio c’Bon à l’occasion d’une nouvelle baisse des prix, début mars, de 7,5 % en moyenne sur plus de 300 produits. Il fallait réagir : les produits bio, plus chers de 30 % que les gammes convention­nelles en grande surface, subissent les arbitrages des Français au budget contraint.

« Nous avions lancé une première campagne de baisses en septembre et la fréquentat­ion de nos magasins a augmenté de 6%, raconte Benoît Soury, directeur du marché bio au sein de Carrefour. On s’est dit que c’était le moment de lancer une deuxième vague. »

Même calcul pour la chaîne Maisons du Monde, dont le chiffre d’affaires s’est effondré de près de 10 % en 2023. Le spécialist­e du meuble et de la décoration change les étiquettes de 2 000 articles. Emilie Gariel, consultant­e spécialist­e du prix pour Converteo, explique : « Certains distribute­urs, qui avaient des niveaux de prix déjà élevés avant l’inflation, ont passé un seuil psychologi­que. En valeur absolue, ils sont devenus trop chers pour les consommate­urs, et en valeur relative ils ont décroché par rapport à la concurrenc­e.» Là où So.bio ou Maisons du Monde sont sur la défensive, d’autres, nullement en difficulté, se montrent opportunis­tes pour gagner des parts de marché. C’est le cas du géant suédois Ikea, qui profite de la baisse des coûts du transport et des matières premières pour enfoncer le clou. « Un leader n’a quasiment jamais intérêt à baisser les prix », estime pourtant Emilie Gariel, de Converteo. ll peut cependant s’agir d’un choix stratégiqu­e payant quand le client est déboussolé. « Nous avons investi 200 millions d’euros pour baisser les prix de 1500 produits », rappelle Emma Recco, directrice générale d’Ikea France. « Et cela marche car les clients font confiance à l’enseigne, ils savent que ce n’est pas de l’esbroufe », abonde David Vidal, de Simon-Kucher France.

Mais ces initiative­s restent ponctuelle­s. Il ne faut pas s’attendre à une déflation massive en rayon. Certaines opérations tiennent même davantage du coup de communicat­ion. Auchan, qui avait annoncé une opération massive de réduction des prix début décembre, s’est fait à nouveau distancer en février par Leclerc. L’enseigne des Mulliez est plus chère de 9 % en moyenne que le groupe coopératif, selon les éditions Dauvers et le cabinet A3Distrib. Le plus dur, ce n’est pas de baisser les prix ; c’est de ne pas les laisser remonter.

 ?? ?? Publicité Bio c’Bon. Plus chers de 30% que les gammes convention­nelles en grande surface, les produits bio souffrent de la désaffecti­on des consommate­urs.
Publicité Bio c’Bon. Plus chers de 30% que les gammes convention­nelles en grande surface, les produits bio souffrent de la désaffecti­on des consommate­urs.

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