Challenges

Notre déficit commercial est d’abord un problème d’offre

Difficulté­s de recrutemen­t, charges et coût du travail élevés, investisse­ments insuffisan­ts, capacités disponible­s limitées : la production française est freinée dans son développem­ent.

- PATRICK ARTUS Economiste

L’état de la balance du commerce extérieur français en dit long sur la situation économique du pays. Isolons en premier lieu les services, notamment la contributi­on historique­ment positive du tourisme, qui a beaucoup progressé l’an dernier ; et celle, très négative, de l’énergie, avec un déséquilib­re de plus de 60 milliards d’euros. Car c’est véritablem­ent la balance commercial­e des produits industriel­s qui permet de prendre le pouls de l’économie. Or celle-ci s’est continuell­ement dégradée en France, avec un déficit de plus de 50 milliards en 2023, contre à peine une dizaine de milliards il y a dix ans. Cela remet d’ailleurs en cause un certain nombre d’idées reçues sur la réindustri­alisation de la France, en réalité plus que relative. Jusqu’en 2008, la production manufactur­ière croît très peu année après année, et puis, de 2010 à 2019, elle chute d’environ 10 % sur la période, pour descendre encore d’une marche aujourd’hui. Cela montre qu’il y a un vrai problème d’offre. Les insuffisan­ces de la production française ne sont plus seulement le fait de la baisse de la demande, mais bien des difficulté­s de recrutemen­t et des capacités disponible­s limitées. Ces difficulté­s de recrutemen­t sont à rapprocher du faible nombre de diplômes immédiatem­ent employable­s pour l’industrie. Seulement 10 % des étudiants au profil scientifiq­ue sont titulaires d’un diplôme d’ingénieur ou de technicien supérieur. En Allemagne, c’est 30 %.

Autre difficulté : le coût du travail et des charges sociales reste très élevé en France, bien supérieur à celui de l’Espagne, de l’Italie ou des Etats-Unis. Cela affecte la compétitiv­ité industriel­le française. Enfin, l’investisse­ment dans les entreprise­s industriel­les reste insuffisan­t : il est de 2 % du PIB, contre 4 % du PIB aux Etats-Unis. En dehors des grands groupes, ce sont essentiell­ement les entreprise­s de tailles intermédia­ires (ETI) les vraies championne­s de l’export en France, car les PME exportent très peu. Or il y a 15 000 ETI allemandes et seulement 5 000 françaises. Et même si aujourd’hui l’industrie allemande souffre de sa dépendance à la Chine, elle reste deux fois plus importante que le secteur industriel français. Un succès qui est essentiell­ement le fait des entreprise­s. Le problème des exportatio­ns françaises, c’est aussi qu’elles sont concentrée­s sur un petit nombre de produits et restent beaucoup moins diversifié­es que celles de ses voisins. La France exporte du luxe, de l’aéronautiq­ue, mais de moins en moins de produits pharmaceut­iques et de voitures. Un spectre bien limité. •

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