Notre déficit commercial est d’abord un problème d’offre
Difficultés de recrutement, charges et coût du travail élevés, investissements insuffisants, capacités disponibles limitées : la production française est freinée dans son développement.
L’état de la balance du commerce extérieur français en dit long sur la situation économique du pays. Isolons en premier lieu les services, notamment la contribution historiquement positive du tourisme, qui a beaucoup progressé l’an dernier ; et celle, très négative, de l’énergie, avec un déséquilibre de plus de 60 milliards d’euros. Car c’est véritablement la balance commerciale des produits industriels qui permet de prendre le pouls de l’économie. Or celle-ci s’est continuellement dégradée en France, avec un déficit de plus de 50 milliards en 2023, contre à peine une dizaine de milliards il y a dix ans. Cela remet d’ailleurs en cause un certain nombre d’idées reçues sur la réindustrialisation de la France, en réalité plus que relative. Jusqu’en 2008, la production manufacturière croît très peu année après année, et puis, de 2010 à 2019, elle chute d’environ 10 % sur la période, pour descendre encore d’une marche aujourd’hui. Cela montre qu’il y a un vrai problème d’offre. Les insuffisances de la production française ne sont plus seulement le fait de la baisse de la demande, mais bien des difficultés de recrutement et des capacités disponibles limitées. Ces difficultés de recrutement sont à rapprocher du faible nombre de diplômes immédiatement employables pour l’industrie. Seulement 10 % des étudiants au profil scientifique sont titulaires d’un diplôme d’ingénieur ou de technicien supérieur. En Allemagne, c’est 30 %.
Autre difficulté : le coût du travail et des charges sociales reste très élevé en France, bien supérieur à celui de l’Espagne, de l’Italie ou des Etats-Unis. Cela affecte la compétitivité industrielle française. Enfin, l’investissement dans les entreprises industrielles reste insuffisant : il est de 2 % du PIB, contre 4 % du PIB aux Etats-Unis. En dehors des grands groupes, ce sont essentiellement les entreprises de tailles intermédiaires (ETI) les vraies championnes de l’export en France, car les PME exportent très peu. Or il y a 15 000 ETI allemandes et seulement 5 000 françaises. Et même si aujourd’hui l’industrie allemande souffre de sa dépendance à la Chine, elle reste deux fois plus importante que le secteur industriel français. Un succès qui est essentiellement le fait des entreprises. Le problème des exportations françaises, c’est aussi qu’elles sont concentrées sur un petit nombre de produits et restent beaucoup moins diversifiées que celles de ses voisins. La France exporte du luxe, de l’aéronautique, mais de moins en moins de produits pharmaceutiques et de voitures. Un spectre bien limité. •