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Le savoir-faire unique de Guerlain fait florès

Créée en 1828, la maison de parfums est championne à l’export. Pour les Japonais, Américains ou Moyen-Orientaux, ses jus d’exception incarnent le luxe à la française.

- Claire Bouleau

Des gestes délicats et très précis. Ce 1er mars, dans l’usine des parfums Guerlain à Orphin, dans les Yvelines, les doigts de fée de Didy Duchesne nous hypnotisen­t. D’une main, elle tient un flacon rose en forme de tortue ; de l’autre, une petite brosse avec laquelle elle peigne doucement la barbiche en fil de soie qui orne la fiole, avant de la tailler aux ciseaux. Son métier? « Dame de table », chargée d’habiller et de sceller minutieuse­ment chaque flacon. « Elles sont six et leur profession n’existe qu’ici », se vante Benjamin Rosart, le directeur de l’usine, la seule au monde à produire les parfums de Guerlain, située dans le triangle OrléansTou­rsChartres, rassemblan­t de nombreux acteurs du secteur. Et de préciser : « Ce parfum ne sera produit qu’en une trentaine d’exemplaire­s. » Une édition limitée, donc, mais bientôt éparpillée aux quatre coins du globe.

Mille huiles du monde entier

Car à presque 200 ans d’existence, la maison rachetée en 1994 par LVMH (actionnair­e de Challenges) est devenue une championne à l’export. Sur les 10 millions de produits qui sortent chaque année du site d’Orphin, seuls 30 % sont destinés à la France. Quelque 20 % atterrisse­nt ailleurs en Europe. Et l’autre moitié dans les salles de bains de

Japonais, Américains ou MoyenOrien­taux séduits par des bestseller­s comme La Petite Robe noire et Aqua Allegoria, ou des fragrances plus sophistiqu­ées, voire sur mesure. Ce qui les motive ? S’offrir le luxe à la française, mais aussi les effluves raffinés élaborés par Thierry Wasser, 62 ans, nez de Guerlain depuis 2008. « Nous travaillon­s avec mille huiles essentiell­es qui viennent du monde entier, toutes stockées ici, s’enthousias­me le Suisse, qui revient tout juste de Sicile où il a déniché des essences d’agrumes. Quand le bois de santal a quasiment disparu d’Inde, je me suis mis à chercher et j’ai retrouvé la même espèce en Australie. »

Grimoire ancestral

Loin du mythe, la ville de Grasse n’a donc plus l’apanage de la production florale. Mais pour toutes les autres étapes, c’est bien dans l’Hexagone que cela se passe. A quelques couloirs des « Dames de table », l’« assembleur » Paulo Dinis, un ancien élève de JeanPaul Guerlain, descendant du fondateur, chapeaute la fabricatio­n et applique scrupuleus­ement les formules de Thierry Wasser, dont certaines s’inspirent du grimoire de la maison (stocké dans un coffrefort), qui a traversé les siècles. Le mélange macère ensuite jusqu’à trois semaines, puis, une fois l’alcool ajouté, jusqu’à un mois supplément­aire. « Beaucoup de maisons ont supprimé ce temps de macération, pas nous », se félicite Benjamin Rosart. Paulo Dinis abonde : « Je n’ai jamais vu Guerlain céder à la facilité. Nous ne fuyons ni les difficulté­s techniques ni les difficulté­s financière­s. Et nous gardons la main sur toute la chaîne de production. »

Une formule gagnante. L’année dernière, le chiffre d’affaires de la maison, d’environ 700 millions d’euros selon nos estimation­s, a encore progressé.

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 ?? ?? Didy Duchesne, «Dame de table» dans l’usine d’Orphin. Sur les 10 millions de produits qui sortent chaque année du site Guerlain, seulement 30% sont commercial­isés en France.
Didy Duchesne, «Dame de table» dans l’usine d’Orphin. Sur les 10 millions de produits qui sortent chaque année du site Guerlain, seulement 30% sont commercial­isés en France.

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