Authenticité inspirée
Exposé en majesté au Collège des Bernardins, François-Xavier de Boissoudy revisite le thème de la crucifixion avec un point de vue original.
Lorsque le Collège des Bernardins propose à FrançoisXavier de Boissoudy une exposition autour du thème de la Croix, pour accompagner Pâques, le peintre catholique se lance corps et âme dans ce sujet « qui le dépasse ». Il fallait quand même un certain culot pour
s’inscrire dans une tradition de crucifixions mémorables qui émaillent l’histoire de l’art : Masaccio, Fra Angelico, Bellini, Rembrandt, Rubens, Dalí, Picasso… et tant d’autres. Jusqu’aux versions les plus contemporaines, subversives ou non. L’authenticité de la démarche de l’artiste resplendit dans ce travail exposé en majesté dans l’ancienne sacristie de l’église médiévale détruite par Haussmann. Boissoudy a médité la devise des Chartreux, « la
Croix demeure, tandis que le monde tourne », et s’est interrogé sur ce « face à face » immémorial. Le résultat est inspiré. La technique utilisée du lavis d’encre sur papier allie légèreté du trait et densité des contrastes. La séquence des visages du Christ souffrant jusqu’à la mort semble prise sur le vif. Quant aux grands formats, ils imposent au visiteur leur architecture complexe : notamment La Ville, où une masse de cubes dessine Jérusalem, sur la droite, tandis qu’au centre apparaît un Golgotha lumineux d’où émerge, vue de haut, une petite Croix. Le point de vue de l’artiste sur la scène fatale est original. « La Croix n’est pas en situation élevée, elle est à hauteur d’homme, une représentation exceptionnelle », explique l’historienne de l’art Paule Amblard dans le catalogue de l’exposition. De même, aucun spectateur ou témoin n’est identifiable dans cette foule stylisée qui rappelle l’art pariétal. « Voici mon travail, comme une boue qui serait visitée par la lumière », présente le peintre. Du bel art sacré qui parle aussi au profane. •
Stat Crux, de François-Xavier de Boissoudy. Au Collège des Bernardins (Paris Ve), jusqu’au 6 avril.