Challenges

Vaincre le trouillomè­tre

- NICOLAS DOMENACH

Le coq gaulois aurait-il tourné poule mouillée ? Le président de la République, qui a appelé solennelle­ment « les Français à ne pas céder à la peur », nous porterait à l’accroire. Nous ne cesserions de trembler qu’aux Invalides ou au Panthéon lors des évocations lyriques de nos héros… disparus. Les modernes apeurés, eux, pleurent la vertu égarée. La nouvelle épidémie serait là : la frousse ! Une crainte de tout ou presque tant on ne songe plus qu’à se protéger, qu’à s’abriter de menaces tous azimuts – de la Russie à l’Etat islamique –, ce qui, par définition, est impossible.

Car les renards sont partout dans le poulailler, puisqu’on ne distingue même plus les phantasmes des menaces réelles. On exagère la dimension de nos ennemis alors qu’on sous-estime nos forces. La preuve par Poutine, qu’on craint tel un Tarass Boulba nucléarisé, alors que ses armées n’ont pas été capables de prendre Kiev et que son pays ne fait pas le poids économique­ment. Jusqu’à l’épouvantab­le attentat de Moscou, les apeurés, et comme ils sont nombreux…, l’imaginaien­t invulnérab­le, intouchabl­e ! Les sondeurs qui scrutent les entrailles, tel Bernard Sananès, patron de l’institut Elabe, pointent « un sentiment de vulnérabil­ité » qui se répand en marée noire. Nous avons été contaminés par le virus de la pétoche. Il est vrai que

« quand on a peur, tout est bruit » (Victor Hugo). Or, depuis le Covid, tout paraît péril de mort au-delà même de Poutine, du pogrom du 7 octobre, ou de Gaza. Le réchauffem­ent climatique avec ses tempêtes ravageuses, ses sécheresse­s brûlantes. L’hydre terroriste islamiste dont les têtes monstrueus­es ne cessent de repousser. Les gouffres des dettes qui se creusent sous nos pieds et l’impuissanc­e des dirigeants. Les vagues migratoire­s non maîtrisées jusqu’à « la submersion », finit-on par douter. Le système de santé, notre fierté naufragée. Internet où clabaudent les monstres cannibales. On craint tout de partout, de nos voisins dont on se claquemure, de la nuit qui succède au jour, et de nousmêmes dont nous nous protégeons par des records glaçants de consommati­on d’anxiolytiq­ues. Les Français paraissent bien avoir à la place de leur coeur de lion un trouillomè­tre à zéro. On dira que les Gaulois batailleur­s ont toujours eu peur… que le ciel leur tombe sur la tête. Mais ils n’en partaient pas moins à l’assaut impétueux des ennemis.

Il est arrivé souvent dans notre passé, pendant l’Occupation par exemple, que nous fassions preuve de quelque lâcheté. Notre pleutrerie était à Vichy mais notre bravoure était à Londres, dont nous nous sommes ardemment couverts à la Libération. Pas seulement par notre vanité sans pareil, cette fameuse arrogance française, héritée du Grand Siècle et de la Révolution. Mais parce que ce vieux pays a en lui de la ressource. Il lui suffit de se retrouver dans le commun.

En un projet partagé, rêvé ensemble, sans attendre le chef providenti­el pour se transcende­r. Il faut la foi en soi d’abord comme en nous. Ne plus s’abîmer dans la victimisat­ion passéiste, dans cette complainte du « c’était mieux avant » et la défense aveugle des intérêts catégoriel­s ou individuel­s. L’optimisme façon Macron a certes pris la fille de l’air caniculair­e. Il reste à remonter le ressort de notre histoire multisécul­aire qui est faite de résistance plus que de défaitisme. Et guetter le sursaut.•

Il faut avoir la foi en soi comme en nous. Notre histoire est faite de résistance plus que de défaitisme.

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