Challenges

Ne sous-estimons pas la résilience de l’Europe

Les observateu­rs s’inquiètent d’un décrochage du Vieux Continent face aux Etats-Unis. Mais l’Union européenne ne va pas si mal et dépasse même l’Amérique sur plusieurs critères.

- ©The Economist

L’Union européenne a terminé l’année dernière avec une production annuelle équivalant à 96 % de celle des Etats-Unis, soit quasiment le même différenti­el enregistré depuis trois décennies. Pour l’Europe, cette comparaiso­n est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Le Vieux Continent ayant une population supérieure à celle de l’Amérique, ses citoyens jouissent d’un niveau de vie environ 30 % inférieur à celui d’un New-Yorkais ou d’un Texan. Mais la population américaine a crû d’environ un quart depuis 1994, quand celle de l’Europe, vieillissa­nte, augmentait beaucoup moins. Les deux économies sont ainsi plus proches en termes de revenu par tête que du temps de Bill Clinton et Jacques Delors.

Et si l’on prend en compte le temps de travail, bien plus court et en diminution constante chez les Vingt-Sept, les travailleu­rs européens ont encore moins à rougir de la comparaiso­n. Les Français et leurs voisins travaillen­t un tiers de moins que les Américains, gagnent un tiers de moins, et sont beaucoup plus bronzés à la fin du mois d’août. Pourtant, comme le dit Isabel Schnabel, une des responsabl­es de la Banque centrale européenne, l’Union connaît

« une crise de la compétitiv­ité ».

Mais « compétitiv­ité » est un terme nébuleux utilisé par les lobbyistes pour promouvoir leurs politiques favorites. Et le tableau n’est pas si sombre qu’il n’y paraît. D’abord, comme le souligne Sander Tordoir, du Centre for European Reform, l’excédent commercial et le déficit budgétaire de l’Europe sont en meilleure voie que ceux de l’Amérique ces jours-ci. Aussi, la croissance est plus équitablem­ent répartie. Et les émissions de carbone diminuent plus rapidement qu’en Amérique. Sans oublier que le chômage est assez faible. Enfin, le vieillisse­ment de la société signifie que les préoccupat­ions porteront bientôt sur la pénurie de main-d’oeuvre, et non d’emplois. L’Europe, il est vrai, a d’autres sujets d’inquiétude. Elle n’a que peu de géants industriel­s, et beaucoup de vieilles entreprise­s qui sont peu incitées à innover. Un marché unique renforcé, qui procurerai­t des capitaux moins coûteux et de nombreux clients, serait utile. L’Europe ne semble guère investir dans la création ni dans le déploiemen­t de modèles d’IA susceptibl­es d’améliorer la productivi­té. Le continent constitue la grande économie la plus ouverte du monde en ces temps de tensions géopolitiq­ues. Et si le gaz russe restait inaccessib­le pendant plusieurs années, certaines industries européenne­s pourraient ne jamais s’en remettre.

Les économiste­s rappellent souvent que les sociétés doivent choisir entre produire du beurre ou des canons – une question qui refait surface depuis que la nécessité d’investir dans la défense se manifeste à nouveau. Les Européens ont longtemps négligé et le beurre et les canons, préférant partir en vacances. Certains ont clamé que c’était irresponsa­ble, que les avantages sociaux ne seraient pas tenables longtemps sans une croissance économique soutenue. Peut-être ont-ils raison aujourd’hui. Mais ce ne serait pas la première fois que la résilience de l’Europe serait sous-estimée. •

L’excédent commercial et le déficit budgétaire de l’Europe sont en meilleure voie que ceux de l’Amérique ces jours-ci.

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