Challenges

La French Tech manque encore d’impact sur l’économie

L’écosystème a grandi et fait éclore de beaux succès. Mais même les licornes restent loin des valeurs du CAC 40. Flécher l’épargne des Français permettrai­t de massifier l’investisse­ment.

- PATRICK ARTUS Conseiller économique de Natixis

Emmanuel Macron rêve de faire de la France une « start-up nation ». Mais, malgré son volontaris­me et les financemen­ts par le biais de Bpifrance et du plan France 2030, le bilan est mitigé. Côté positif, un véritable écosystème s’est développé, structuré : en vingt ans, une cinquantai­ne de sociétés tech valant plus d’1 milliard d’euros ont émergé, dont une vingtaine valent plus de 2 milliards. Les acteurs du capital-risque se sont multipliés, profession­nalisés, et les levées de fonds atteignent aujourd’hui la dizaine de milliards d’euros annuels, contre 1 milliard en 2013. Les start-up contribuen­t à la numérisati­on de l’économie, bousculant les usages dans la finance, le commerce, les services, la santé. Deux tiers des Français utilisent au moins une fois par mois un service proposé par une start-up, que ce soit Doctolib, Deezer, Lydia ou ManoMano. Mais, par nature, il faut semer beaucoup pour récolter un peu : au bout de quatre ans, 50 % des jeunes pousses ont disparu, 71 % au bout de dix ans. Et surtout, au niveau macroécono­mique, leur poids dans l’économie tricolore reste faible. Dans le Top-10 des entreprise­s les plus valorisées au monde, on trouve en numéro un Microsoft (3 100 milliards de dollars de capitalisa­tion), puis Apple, Google, Amazon ou Facebook, des Big Tech qui ont démarré dans des garages de la Silicon Valley. En France, les start-up les plus établies, Doctolib ou Back Market, sont valorisées 6 à 7 milliards d’euros, encore loin du CAC 40. On compte 13 000 start-up, contre 159 000 PME, elles emploient 500 000 salariés, moins de 2,5 % de l’emploi dans l’Hexagone, c’est honorable, mais assez marginal. Certes, celles qui survivent croissent bien plus vite que la masse des entreprise­s, mais l’impact sur la croissance du PIB reste superficie­l. Et ce n’est que récemment que les startup sont sorties du seul terrain de jeu des services numériques pour s’attaquer à des projets plus impactants, comme la décarbonat­ion de l’économie, à vrai contenu scientifiq­ue, avec des perspectiv­es industriel­les. Pour changer de dimension et vraiment peser, il faudrait plus d’investisse­urs prêts à prendre des tickets à plus de 100 millions pour accélérer la croissance des pépites. Mais la France n’a pas de fonds de pension et, plus globalemen­t, les épargnants y ont une grande aversion au risque. Le grand défi serait d’orienter vers les start-up l’épargne accumulée dans les livrets A ou l’assurance-vie. Malgré les efforts des pouvoirs publics en ce sens, l’argent privé reste frileux. •

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