Je est un autre
Située dans un hôpital psychiatrique, la pièce de Yasmina Reza questionne l’identité. Décoiffant.
Sous un titre intrigant, Yasmina Reza – qui met elle-même son texte en scène – surfe sur quelques-unes des problématiques sociétales à la mode, combinant questions de genre et de normalité, de filiation aussi, en un mot d’identité. Créée en France en septembre dernier au théâtre national de la Colline, la pièce est reprise au Théâtre Marigny. Elle mérite mieux que l’accueil mitigé qui lui a été réservé jusque-là. Un point fait toutefois l’unanimité : le jeu exceptionnel et troublant des interprètes.
L’action se passe dans une « maison de repos », euphémisme pour désigner un établissement psychiatrique. Plus sûrement cadre allégorique de la vie ordinaire, avec ses hauts, ses bas et ses fêlures. L’autrice de Conversations après un enterrement et d’Art donne un développement inédit à la famille Hutner issue de son roman Heureux les heureux (2013). On retrouve la mère
(Josiane Stoléru), résolument positive en dépit de tout, et le père (André Marcon), désespéré et touchant, lors des visites successives qu’ils rendent à leur fils interné (Micha Lescot), tombé amoureux, à l’âge de 5 ans, de la chanteuse Céline Dion. Les ayant reniés, Jacob « se présente comme une personne surgie ex nihilo », assure être « Canadienne » et se prend littéralement pour la star. Durant son séjour, il s’est lié d’amitié avec Philippe (Alexandre Steiger), de peau blanche, qui, lui, s’identifie à un Noir… Veille sur ce duo symptomatique une psy déjantée (irrésistible Christèle Tual). Décoiffant. •