La main et la plume
Une formidable galerie de portraits d’écrivains par Hannah Assouline : des visages, des mains et tant d’histoires.
Photographier les écrivains – romanciers, essayistes, poètes et philosophes – depuis trois décennies. Ce fut l’oeuvre majeure de Hannah Assouline pour trois journaux, Les Nouvelles littéraires, L’Evénement du jeudi et Marianne. Portraits d’Umberto Eco, Patrick Modiano, Jacques Derrida, Annie Ernaux, Alain Badiou, tant d’autres, souvent avec Jérôme Garcin, qui lui tenait la plume, auteur d’une somptueuse préface à cette somme. Hannah Assouline est une excellente portraitiste, mais cela lui semblait insuffisant, d’autant qu’il y en a bien d’autres. Alors, de retour d’un reportage parmi des ouvriers dans le Jura, elle eut « l’idée », celle qui transforma son travail de photographe-portraitiste. Les mains. Les mains calleuses, abîmées des ouvriers. Les mains des écrivains, leur instrument de travail à eux aussi. « Les mains, remarque Garcin, disent le bonheur ou la souffrance, la vanité ou l’humilité, la violence ou la tendresse, la grâce ou la grossièreté, l’enfance prolongée ou l’usure des ans. Elles ne mentent jamais. »
Il y a ceux – Patrick Modiano, Edgar Morin ou Elie Wiesel, lequel dans son portrait offre d’abord… ses mains – qui s’emparent d’un stylo, comme inséparables de leur outil ; ceux – Elisabeth Badinter ou Amos Oz, le romancier israélien aux mains si tavelées – qui laissent apparaître une bague, une alliance, une montre, un bijou, signes distinctifs ; ceux qui posent les mains bien à plat – le philosophe Emmanuel Levinas ; ceux qui croisent les doigts – Philippe Lançon ; ceux qui se dissimulent dans leur antre pour les montrer – Claude Lévi-Strauss. Des visages, des mains et tant d’histoires.
Des parcours d’écrivains en deux images, mais aussi, mais surtout, le retour sur une vie de lecture, la nôtre. Pour la plupart d’entre eux, ce sont « nos » écrivains. Grâce aux photos de Hannah Assouline, ils nous parlent, renforcent notre envie de les lire et les relire. Salman Rushdie, lui, offre à la photographe sa main, paume ouverte. On y verra mieux qu’un signe, la rencontre entre celui qui écrit et celui qui lit. •