Challenges

Horizon Blanchard

- Avant-propos par Vincent Beaufils

10, 20, 50 MILLIARDS… Les chiffres valsent dès lors que l’on avance les économies à réaliser, selon qu’il s’agit du Budget 2024, de celui de l’année prochaine, ou du montant souhaité par le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. Mais quel doit être l’objectif ? Olivier Blanchard, l’ancien économiste en chef du Fonds monétaire internatio­nal, l’avait clairement indiqué dans nos colonnes, il y a six semaines, à l’occasion de son retour en France : il faut en finir avec le déficit primaire (hors investisse­ment), qui représente environ 3 % du PIB, soit près de 80 milliards d’euros. C’est pour cela que dans notre exercice d’économies-fiction (p. 22),

nous avons choisi le chiffre le plus élevé (50 milliards) parmi ceux évoqués dans le débat public, afin de nous rapprocher le plus possible de la ligne d’horizon Blanchard, en se souvenant de sa méthode :

« Faire des économies de fonctionne­ment, en prenant le temps, avec des mesures identifiab­les. »

Or le vent de panique qui a saisi le gouverneme­nt à l’annonce du déficit réel de 2023 (5,5 % du PIB) fait que les Français assistent, médusés, exactement à l’opposé : un grand ballet où tous les responsabl­es publics sont sollicités, y compris lors d’un dîner raté à l’Elysée, pour lancer, impromptue, une chasse aux milliards. Sans surprise, cela ne débouche sur rien, sinon sur un sentiment que les ministres et élus cherchent à faire les poches de tous les organismes qui ont un peu de trésorerie disponible : l’assurance-chômage, dont Philippe Aghion attaque vertement la nouvelle réforme procycliqu­e (p. 30) ; les caisses de retraite Agirc-Arcco, qui ont le malheur d’être gérées avec un précieux souci d’équilibre ; les institutio­ns trop bien dotées (comme le Centre national du cinéma), sans évidemment que l’on s’interroge sur leur utilité ; pour ne pas parler des entreprise­s et de leurs inévitable­s superprofi­ts, sans que l’on s’arrête sur les raisons qui font qu’ils fondent sur le sol français…

out cela n’est pas sérieux, et Bruno Le Maire le sait parfaiteme­nt, lui qui a identifié dans son dernier livre

(p. 20) les deux pistes qui coûtent, et nous coûtent : le financemen­t des retraites et la couverture des dépenses de santé, témoignage dans les deux cas de la plus grande générosité parmi les pays industrial­isés. Mais chut ! Le président a interdit d’en parler, et le ministre des Comptes publics s’est fait taper sur les doigts pour avoir imaginé déconnecte­r les pensions de l’inflation… Il suffit pourtant de regarder notre tableau (p. 17), où les dépenses publiques de la France sont comparées avec celles de l’Union européenne, pour voir où doivent être prises les « mesures identifiab­les » recommandé­es par Olivier Blanchard. Mais qui aura ce courage ?•

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France