Challenges

Sabrer dans les dépenses anti-écologique­s

- Agathe Beaujon

C’est le revers de la médaille. Derrière la présentati­on de son « budget vert » 2024, l’Etat est bien obligé de reconnaîtr­e aussi des milliards de dépenses anti-écologique­s. Pas vraiment cohérent à l’heure de la mobilisati­on contre le réchauffem­ent climatique… Les montants sont loin d’être anecdotiqu­es. Le projet de loi de finances 2024 recense quelque 13,1 milliards d’euros de dépenses « brunes », dont 2,2 milliards de bouclier tarifaire énergie et

7,9 milliards de niches fiscales (en hausse de 350 millions d’euros par rapport à 2023). Dans le détail, les transports représente­nt 4,6 milliards, le secteur de l’énergie, hors bouclier, 1,2 milliard et le bâtiment 900 millions. A lui seul, le tarif réduit sur le gazole non routier (hors agricultur­e) et sur l’énergie pour les entreprise­s soumises aux quotas carbone pèse 1,8 milliard, tandis que le tarif réduit sur le gazole non routier pour les travaux agricoles coûte 1,6 milliard. Et encore, les économiste­s spécialist­es de l’environnem­ent jugent que le gouverneme­nt sous-estime la facture en omettant certains postes budgétaire­s. Les chercheurs de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) ont refait l’addition. A leurs yeux, il faut ajouter la fiscalité plus douce pour le gazole en comparaiso­n de l’essence, ainsi que la TVA réduite sur les billets d’avion (à 10 % pour les vols domestique­s et 0 % à l’internatio­nal). Au total, cela représente 2,3 milliards d’euros supplément­aires, soit un total de 15,4 milliards d’euros de dépenses anti-écologique­s rien que pour l’Etat.

Revenir sur tous ces avantages fiscaux est politiquem­ent explosif, comme l’a rappelé brutalemen­t la crise agricole. A l’automne dernier, le ministère des Finances avait trouvé un deal avec la FNSEA, premier syndicat agricole, pour rehausser la taxe sur le gazole non routier en échange d’un reversemen­t de la somme au secteur. Mais les agriculteu­rs se sont finalement opposés au changement et ont obtenu l’annulation de la mesure. Fin 2018, le mouvement des « gilets jaunes » contre la hausse des taxes sur les carburants a aussi montré la colère sociale que peut provoquer un verdisseme­nt de la fiscalité sans compensati­on. Dès lors, supprimer d’un coup

15,4 milliards de dépenses « brunes » semble illusoire et la plupart des économiste­s plaident pour un redéploiem­ent d’une partie de ces crédits vers l’accompagne­ment de la transition écologique. En y consacrant la moitié des dépenses actuelles, le gain représente­rait 6,6 milliards (hors fin du bouclier tarifaire).

6,6 milliards

 ?? ?? A l’aéroport Charles-de-Gaulle. La TVA réduite sur les billets d’avion et la fiscalité plus douce sur le gazole coûtent 2,3 milliards d’euros.
A l’aéroport Charles-de-Gaulle. La TVA réduite sur les billets d’avion et la fiscalité plus douce sur le gazole coûtent 2,3 milliards d’euros.

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