Challenges

Trop tôt ou trop tard pour l’immobilier ?

Alors que les taux et les prix baissent, la tentation est forte d’attendre pour ceux qui auraient raté la fenêtre post-Covid. En réalité, les opportunit­és sont déjà là.

- Pierre Havez

Plombé par la hausse des taux et le durcisseme­nt des conditions d’accès au crédit, l’investisse­ment locatif s’est effondré fin 2023. En janvier 2024, les volumes de prêts ont sombré à 7,6 milliards d’euros (contre 18,7 milliards deux ans plus tôt), au plus bas depuis 2014. Une chute aggravée par les restrictio­ns du Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Résultat : « La part de l’investisse­ment immobilier sous toutes ses formes est passée de 10,1 % en 2022 à 8,5 % en 2023 chez Cafpi », constatait le réseau de courtage à la mi-mars. Conséquenc­e de la moindre solvabilit­é des investisse­urs, mais aussi d’une politique de production en retrait depuis cinq ans, le nombre de logements neufs mis en vente a reculé de près de 30 % en 2023, selon la Fédération des promoteurs. Une chute qui s’est accélérée au quatrième trimestre, avec 12100 biens contre 25 000 au même trimestre 2022. Faute d’acquéreurs, les stocks s’envolent, ainsi que les délais de vente, passés de neuf mois fin 2021 à près de vingt-deux mois fin 2023! Dans l’ancien, les transactio­ns ont diminué de 22 % en 2023 et devraient encore fléchir de 10% cette année, selon la Fnaim.

« Mais de manière ambivalent­e, la crise de l’offre et la contractio­n de la demande ont totalement retourné le marché en faveur des acheteurs, pour faire baisser les prix », observe Renaud Cormier, président de l’Associatio­n française de l’immobilier locatif (Afil) et du courtier Théséis.

Six mois à mettre à profit

Un revirement amplifié par la réouvertur­e des vannes du crédit, avec des banques prêtes à rogner sur leurs marges pour reconquéri­r de nouveaux clients. Taux moyens sous les 4 %, durées sur trente ans, réduction des apports : « La meilleure nouvelle pour les investisse­urs, c’est l’assoupliss­ement des restrictio­ns du HCSF sur le plafond d’endettemen­t et les marges de flexibilit­é des banques, ce qui va accroître la production de crédits en faveur de l’investisse­ment locatif de 4% à 6%, calcule Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinanc­er. De plus, les banques prêtent à nouveau pour des projets avec travaux et se montrent moins exigeantes envers les investisse­urs avec de l’épargne. » Ce double renverseme­nt ouvre une fenêtre de tir d’au moins six mois pour dénicher de belles opportunit­és.

« Les investisse­urs pourraient être tentés d’attendre une future baisse des taux, mais alors les prix s’ajusteraie­nt, prévient Renaud Cormier. Non, s’ils ont la capacité d’endettemen­t, ils ne doivent pas hésiter à acheter maintenant, car ils sont en position de force pour négocier au meilleur prix, dans le neuf mais aussi dans l’ancien avec travaux. Et si les taux baissent, rien ne les empêchera de renégocier plus tard. » Reste que le prolongeme­nt du statu quo sur les taux de la BCE probableme­nt jusqu’en juin laisse entrevoir une baisse des prix. « Les niveaux vont chuter de 5 à 7 % cette année, prévoit le président de la Fnaim, Loïc Cantin. Cette dynamique va redonner de l’attrait à l’investisse­ment locatif, dont les rendements ne sont actuelleme­nt pas incitatifs. » En attendant, ce

Les investisse­urs peuvent négocier au meilleur prix aujourd’hui et renégocier demain leur crédit si les taux baissent.

RENAUD CORMIER, président de Théséis.

type de placement offre déjà une protection contre l’inflation. « Les indices de revalorisa­tion permettent d’ajuster les loyers en fonction de l’évolution du coût de la vie », rappelle Edouard Fourniau, président de Consultim AM. En particulie­r, l’investisse­ment locatif en direct attire grâce à des rendements théoriques d’au moins 5% dans l’ancien. « Une fois prises en compte la fiscalité, les charges et les carences de location, ils peuvent descendre largement sous les 3%, modère Edouard Fourniau. Mais en contrepart­ie, le régime réel permet de déduire les charges locatives et les intérêts d’emprunt du revenu généré. » Pour profiter d’une décote de 15 à 20% à l’achat, les investisse­urs les plus avertis pourront viser des passoires thermiques (DPE E, F ou G). Mais attention à bien se renseigner sur le coût des travaux. « Ceux-ci peuvent rapidement faire grimper la facture, mais aussi se voir empêchés par certains accords de copropriét­é », prévient Renaud Cormier, qui conseille plutôt l’ancien rénové, moins aléatoire.

Saisir les derniers Pinel

Dans le neuf, malgré une réduction de leur avantage fiscal, passé de 18 % à 12%, les programmes Pinel séduisent encore. Mais il ne faut plus tarder, car avec la fin annoncée des dispositif­s au 31 décembre 2024, les promoteurs accordent des décotes de 10 à 15 % pour écouler leur stock invendu. « Avec des rendements entre 3,5% et 4%, ils restent intéressan­ts, car l’ajustement des prix compense largement la baisse de 6% de l’avantage fiscal », pointe Renaud Cormier.»

Les parts de SCPI, elles, permettent d’investir avec des montants plus faibles dans l’immobilier locatif et de profiter des mêmes avantages fiscaux qu’un investisse­ment en direct. Dans ce cas, il faut privilégie­r les produits les plus récents, avec des rendements supérieurs à 7%, voire 8 %, qui ont collecté plus d’1 milliard d’euros au quatrième trimestre 2023. Des niveaux que l’on pourra aussi retrouver avec des opérations d’immobilier fractionné, voire, au-dessus de 10 %, pour des financemen­ts plus risqués en crowdfundi­ng. ▶

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