Le private equity est-il fait pour tout le monde ?
A l’origine réservé aux institutionnels, le capital-investissement se démocratise. Mais les produits taillés pour le grand public peuvent être moins performants.
Avec des tickets d’entrée autour de 100 000 euros, le marché du financement des PME non cotées s’adressait essentiellement à une clientèle de particuliers fortunés, de chefs d’entreprise et de cadres dirigeants. « Ce marché était quasi inexistant auprès des épargnants français il y a cinq ans, rappelle Xavier Anthonioz, président d’123 IM. Historiquement, ce sont les institutionnels qui étaient principalement visés, avec des tickets d’entrée dépassant le million d’euros. Progressivement, ces tickets d’entrée ont diminué et la réglementation a évolué permettant aux particuliers de se tourner davantage vers cet investissement dans l’économie réelle », détaille Alexis Dupont, directeur général de France Invest.
Profusion d’offres
Depuis peu, une nouvelle révolution est en marche, poussée par la volonté de l’Etat de démocratiser le private equity. « La loi Pacte de 2019 a rendu plus accessible l’accès aux différents investissements alternatifs : private equity, immobilier, énergies renouvelables, start-up…, explique Nicolas Baboin, directeur général de Tylia. Et le règlement Eltif 2, entré en vigueur cette année, renforce encore l’ouverture du private equity via l’assurancevie. » S’ajoute à cela un contexte favorable du côté des épargnants : « Ils recherchent du concret et de la transparence pour l’investissement qu’ils font,
poursuit Nicolas Baboin. Ils veulent que celui-ci ait du sens, génère un impact positif et s’inscrive dans l’économie réelle. » Conséquence, « l’offre se structure, et le développement est très marqué depuis trois ans », indique Alexis Dupont. Un dynamisme que souligne aussi Xavier Anthonioz, d’123 IM : « Les fonds à destination des particuliers sont nombreux. C’est même un peu la jungle ! »
Bpifrance a montré l’exemple fin 2020 en lançant le fonds de fonds Bpifrance Entreprises 1, accessible dès 5 000 euros, pour une durée de vie de six ans. Depuis, deux autres fonds ont suivi, dont le Fonds commun de placement à risques (FCPR) Bpifrance Entreprises Avenir 1, un fonds de fonds primaire accessible à partir de 1 000 euros, dont la durée de vie est de dix ans (renouvelable deux fois un an), avec un objectif de rendement net annuel d’environ 8 %. Parmi les acteurs qui se tournent vers la clientèle privée, « on constate l’arrivée de sociétés de gestion qui ne faisaient que de l’institutionnel », précise Jean-David Haas, cofondateur et directeur général de NextStage AM.
Frais supérieurs
Mais les faits sont là : « Il y a un écart en matière de performance et de diversification entre les fonds institutionnels et les fonds privés », prévient Souleymane-Jean Galadima, cofondateur et directeur général de Sapians. Pour permettre un peu de liquidité et atténuer la courbe en J du capital-investissement (après un long blocage, la performance ne vient qu’à la fin), les gérants sélectionnent des entreprises matures, aux profils moins risqués, avec, en contrepartie, une performance finale annoncée moins alléchante que celle des fonds institutionnels. Le meilleur des deux mondes n’existe pas. S’ajoute à cela le fait que l’appel de fonds se fait en une seule fois. Il faut aussi surveiller les frais, supérieurs pour la clientèle particulière. Pour JeanDavid Haas, pas de doute, « il faut être bien conscient de l’horizon de placement et du niveau de risque du produit, regarder le track record du fonds et du gérant, et ne pas y placer tout son patrimoine – 5 à 10% maximum ».
Il faut être bien conscient de l’horizon de placement et du niveau de risque du produit, et investir 5 à 10 % maximum de son patrimoine.
JEAN-DAVID HAAS, directeur général de NextStage AM.