Challenges

Est-il encore temps d’investir en Bourse ?

Avec des cours qui s’envolent et des dividendes avantageux, les marchés attirent les épargnants. Mais certains hésitent, anticipant un krach encore très hypothétiq­ue. Voici plusieurs tactiques pour limiter le risque.

- D. Pe.

Depuis le début de l’année, le CAC 40 est au vert vif : déjà 8 % de hausse au premier trimestre et des records à la pelle. Depuis début mars, l’indice parisien a même largement dépassé la barre symbolique des 8000 points. Ce qui fait dire aux Cassandre que le krach n’est pas loin. « Mais cela fait près de deux ans qu’on les entend et que les marchés continuent de progresser. Celui qui hésitait et n’a pas investi quand le CAC 40 a repassé les 6000 points en 2022 parce qu’il craignait déjà que ce soit trop haut a “perdu” 2 000 points », constate Vincent Grard, directeur France du courtier Trade Republic. Autre facteur rassurant sur le niveau des Bourses mondiales : la saison des résultats annuels des entreprise­s a été excellente, signe de leur bonne santé. Pour les experts, les valorisati­ons ne sont pas encore trop élevées, mais on peut prendre quelques précaution­s pour limiter les risques.

Régularité payante

« Sur les trente dernières années, on voit que les gens ont toujours une bonne raison pour ne pas investir, mais dans les faits, c’est toujours le bon moment quand on se projette à long terme », résume Olivier Malteste, directeur des investisse­ments à Yomoni. En effet, depuis 1993, les actions ont gagné en moyenne 8,3 % par an malgré les nombreux soubresaut­s de l’économie mondiale : explosion de la bulle Internet en 2001, faillite de Lehman Brothers et crise des subprimes en 2007-2009, crise de la dette en zone euro en 2009-2010 ou encore le Covid en 2020… En investissa­nt toujours la même somme, l’investisse­ment programmé permet de

lisser ses points d’entrée, ne pas risquer d’investir au plus haut des marchés et s’affranchir des mouvements boursiers. Autre avantage : même avec de petites sommes, ce système permet de constituer mécaniquem­ent un magot qui devient conséquent en quelques années (voir tableau ci-dessus). Autre astuce pour réduire le risque, la diversific­ation. « Il faut soit acheter des indices actions si l’on a un horizon d’investisse­ment long (traditionn­ellement 5 à 7 ans), car ces titres sont performant­s sur le long terme malgré les à-coups, soit se diversifie­r (obligation­s, monétaire) si l’on a un horizon plus court ou si l’on est très averse au risque », poursuit Olivier Malteste. Et du côté des actions, il ne faut pas hésiter à se focaliser sur différents indices. « Le Top-5 des ETF choisis par nos clients : le S&P 500, les indices d’actions du monde entier, l’or, le CAC 40 et le secteur de l’énergie, précise Vincent Grard, de Trade Republic. A noter que ces produits sont tous gérés en réinvestis­sant les dividendes, ce qui est une bonne chose pour de l’épargne long terme, car ils profitent d’un effet d’accumulati­on et ne subissent pas de fiscalité avant la revente. »

Biais cognitifs pénalisant­s

L’épargnant doit également se méfier de ses réflexes reptiliens, qui ont tendance à lui dicter des choix rassurants mais mal calculés. « Les biais cognitifs de l’investisse­ur l’incitent à vendre trop vite des positions gagnantes plutôt que les perdantes », explique Eve LawThime, directrice générale déléguée de Portzampar­c. Au final, ces biais font perdre en moyenne 2,4% de performanc­e par an aux investisse­urs, selon une étude académique réalisée pendant cinq ans auprès des clients de la filiale de BNP Paribas. En cas de besoin de liquidités, les épargnants ont par exemple tendance à vendre des plus-values de leur portefeuil­le plutôt que des pertes. C’est humain, on préfère clôturer un succès qu’un échec. Mais le titre en hausse conserve parfois plus de potentiel de gain que celui qui souffre d’une moinsvalue, et sur lequel l’investisse­ur espère toujours un rebond afin de réduire ses pertes. « Il faut se forcer à ne pas regarder le passé mais le futur : plus que le prix d’achat et les résultats passés de l’entreprise, ce sont les perspectiv­es à venir qui importent pour anticiper l’évolution du cours », précise Maxime Viémont, spécialist­e de la finance comporteme­ntale chez Portzampar­c. La société de gestion a développé Eclairys, une applicatio­n gratuite qui suit en permanence près de 2 000 valeurs européenne­s et américaine­s, avec des notes d’investisse­ment pour aider les particulie­rs à faire les bons choix et éviter des biais comporteme­ntaux qui s’avèrent au final pénalisant­s. Autre élément à scruter de près, les dividendes. Au titre de 2023, les entreprise­s cotées ont reversé 1660 milliards de dollars à leurs actionnair­es, selon l’indice de la société de gestion britanniqu­e Janus Henderson, qui compile les données des 1 200 plus importante­s sociétés cotées dans le monde. Un montant record depuis la création

C’est toujours le bon moment pour investir en Bourse quand on se projette à long terme.

OLIVIER MALTESTE, directeur des investisse­ments à Yomoni.

de cette étude en 2009. Les sociétés européenne­s et françaises ont largement participé à cette performanc­e, avec des niveaux respectifs de 300,7 (+ 10,4 %) et 68,7 milliards de dollars (+ 10,3 %) de dividendes cumulés. Ces montants inédits s’expliquent principale­ment par les excellents résultats annuels de l’an dernier, qui ont rempli les caisses des entreprise­s.

Bénéfices à long terme

Mais sur une longue période, le dividende peut représente­r entre 30 et 40 % de la performanc­e boursière, et servir d’amortisseu­r lorsque les cours piquent du nez. A condition de sélectionn­er les bons titres : il ne faut pas simplement rechercher les plus gros dividendes, mais plutôt les plus réguliers dans le temps, avec un taux de distributi­on raisonnabl­e n’excédant pas la moitié des bénéfices de l’année, ce qui traduit généraleme­nt une bonne gestion. Eviter aussi les entreprise­s trop endettées, qui risquent de souffrir davantage en cas de ralentisse­ment économique et donc de réduire – voire supprimer – leur dividende. « Nous privilégio­ns les entreprise­s profitable­s, avec de solides perspectiv­es de croissance, et qui réinvestis­sent pour générer plus de bénéfices plus tard », souligne Raphaël Thuin, directeur des stratégies de marchés de capitaux à Tikehau Capital.

Il cible plusieurs mégatendan­ces porteuses : l’intelligen­ce artificiel­le, le cloud computing et la santé. Des secteurs qui ont beaucoup grimpé en Bourse ces derniers mois, mais avec une telle dispersion qu’on peut encore voir des titres qui ne sont pas survaloris­és, notamment en Europe. Les néophytes pourront aussi passer par des fonds spécialisé­s sur la thématique des dividendes plutôt que de faire euxmêmes leur sélection. Car la tendance n’est près de s’arrêter : Janus Henderson prévoit un nouveau record l’année prochaine, avec 1 720 milliards de dollars reversés aux actionnair­es. Avec ces différente­s méthodes, l’épargnant peut donc tenter de se lancer en Bourse, même aux niveaux actuels, mais à condition d’avoir un peu de temps devant lui. ▶

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