Ecrin de saveurs
Le changement de mains de la luxueuse adresse parisienne n’a en rien entamé ses qualités et sa splendeur.
Adeux pas des Champs-Elysées, un fantastique brouillon ébouriffé de nature, apparemment incongru de nos jours, signe l’approche de l’Apicius. Table de haute volée au bout d’un étonnant sentier bucolique. Etrange continuité écolo : 2 000 pieds d’arbres y avaient été greffés en 1640 pour y assurer la pérennité de pépinières royales, disparues depuis. Le comte d’Artois – frère de Louis XVI – songea à y faire bâtir un quartier anglais dit « La Nouvelle Londres » : la Révolution coupa le projet. Un château-château pourtant s’affirme, noblesse oblige, bâti au XIXe en style Louis XV par un Schneider, maître de forges. Luc Besson y installa un temps sa société de production. Le chef Jean-Pierre Vigato en fit un somptueux et fameux restaurant… à la hauteur des plafonds! Mathieu Pacaud, fils de l’immense Bernard Pacaud, associé à Laurent de Gourcuff, le réinvente d’une cuisine de belle envergure. Crabes et morilles : petit farci au crémeux de tourteau, févettes à l’estragon. Carottes blanches (suisses), émulsion (le mélange est abouti) de verveine. Foie gras de canard : tranche grillée au cédrat confit (osé), anguille fumée et mousseline (un zéphyr) d’herbes potagères. Rouget : grillé, légumes printaniers, bouillabaisse suggérée, infusée au basilic et safran soufflé. Langoustines : meunières au lait d’oignons doux (ne nous roulent pas dans la farine), petits pois vivifiés aux agrumes, sauce velours aux sucs de pinces. Agneau de lait : carré et selle aux coquillages et salicornes (exploit terre-mer), petites pommes de terre de Noirmoutier et saucisse à l’ail noir. Pigeon de La Guerche : rôti au poivre noir, rhubarbe confite à l’angélique officinale, jus corsé aux abattis (leur compte est bon). Chocolat : soufflé (bien joué), sorbet cacao. •