Scupture-dessin Univers du Bronze
Muséales Deux signatures
Mardi 23 février 2016, au rondpoint des Champs-élysées, depuis 14 heures il est procédé à la vente d’une collection impressionnante. Dans le catalogue de cette vacation menée par Artcurial, il est précisé : « La plupart des bronzes de cette vente ont été acquis par Pierre Hebey auprès de la galerie l’univers du Bronze. Les précieux conseils d’alain Richarme et de Michel Poletti lui ont permis de constituer cet ensemble d’une exceptionnelle qualité. » Étonnant, ces deux personnalités, pétries de culture, que je rencontre dans leur antre à Paris, ne s’abîment pas dans l’arrogance que la connaissance autorise d’ordinaire chez beaucoup. Mieux. Elles sont doublées d’une exquise délicatesse. Tous deux sont, rien moins, “les” spécialistes des bronzes des XIXE et XXE siècle. Leur foi inébranlable leur a permis de modeler un savoir savoureux au griffon, à la mirette, au rifloir, à la spatule… comme l’artiste, le sculpteur. Septembre 1983, Alain Richarme (à droite sur la photo) et Michel Poletti ouvrent un stand d’antiquités au marché Serpette à Saintouen. Sept ans plus tard, ils créent une galerie, l’univers du Bronze, ici même, au 27-29, rue de Penthièvre dans le VIIIE parisien. «À l’époque, il y avait François Fabius, Patrice Bellanger, Pierre Dumonteil. Nous avons été les premiers à ouvrir une galerie de peinture sculpture de figure et d’art animalier », me sourit Alain Richarme. En 1990, l’accès à la documentation se révélait plus complexe, des témoignages disséminés, des archives en ordre dispersé, peu de photos, pas de data base, pas d’internet. Tous deux se retroussent les manches et procèdent à un travail d’enquêteur et d’expertise. Sur les traces de Barye, Mêne, Fratin, Carpeaux, Righetti et Busato, ils vont mettre en oeuvre pas moins de sept catalogues raisonnés, ouvrages, monographies ! Sept joyaux tout en continuant à nourrir le fond de leur galerie. L’implication est totale, l’investigation méticuleuse.
Depuis quelques minutes, j’observe le geste des mains d’alain Richarme qui soutiennent son propos. Tout à l’heure quand je lui demanderai de m’accorder un peu de temps sur une Tête de lionne de Guyot, une Panthère se frottant à l’arbre de Becquerel, les Deux Fennecs assis de Sandoz – autant d’oeuvres s’inscrivant dans l’exposition-vente de Pompon et les animaliers de son temps qui s’est tenue cet été –, je serai fasciné par le doigt qui désigne la précision de l’oeil de la Poule cayenne de Pompon, le plat de la main à la surface polie de sa Panthère noire, l’envolée encore des deux mains afin de désigner le mouvement aérien de la Panthère tête levée de Guyot. Ce soin à magnifier l’oeuvre pour mieux la comprendre est la marque d’un profond respect qu’il voue aux maîtres. Et qui demeure un filtre contre l’insulte de la contrefaçon qui sévit parfois en toute impunité. Contre laquelle il a appris à se prémunir. Son oeil aigu et son expérience lui permettent aujourd’hui de la repérer. L’observation, plus fine, de la fonte, de la ciselure et ensuite du pedigree de l’oeuvre sont autant de gages afin de l’authentifier.
Après le marché et ses jeux de boursicotage, nous évoquons la création animalière contemporaine puisqu’elle a aussi sa place à la galerie. Un trio est ici représenté par Jivko, Umberto et Judith Devaux, dans une « version classique », précise Alain Richarme.
La création s’ordonne autour de quatre composantes : celle de Barye, celle de Pompon, celle de Rembrandt-bugatti et enfin celle décorative de Lalanne. Michel Poletti ajoute qu’aujourd’hui la représentation animale artistique a perdu de son essence car elle est très souvent mise en oeuvre à partir d’image. Manque de culture, d’exigence, exécutée d’un premier jet, elle a été statufiée dans des allures très conventionnelles. Elle a ses aficionados qui sont différents des collectionneurs de bronzes classiques. Ces derniers fréquentent certes les salles des ventes, mais sont aussi assidus aux salons auxquels Univers du Bronze répond présent. Cet automne-hiver, elle exposera à Antica Namur, à Fine Arts Paris puis à la Brafa à Bruxelles. À ces rendez-vous, elle a décidé d’ajouter des expositions focus à la rentrée avec Chana Orloff, puis Jivko.
Alain Richarme et Michel Poletti ont ouvert un laboratoire de recherche artistique en 1990. Ils estimaient que la sculpture animalière avait tant à dire, offrait tant à découvrir. L’ouvrage, intact et scrupuleux, est toujours en cours.
■
Michel Poletti & Alain Richarme