Chasses Internationales

Rizzini

- par Éric Lerouge

En série, en semi-mesure ou sur-mesure, Rizzini continuent de conquérir des chasseurs sensibles à la qualité de fabricatio­n et au soin apporté aux finitions. L’histoire a commencé il y a un peu plus de cinquante ans avec Battista Rizzini dans un garage au nord de l’italie.

Marcheno. Jeudi 9 juillet. L’italie a rouvert ses frontières depuis le 3 juin. Je discute avec deux armuriers sur la terrasse-entrée de la maison Rizzini. La pandémie a ici balayé des familles. Avec beaucoup de gravité, ils évoquent, le sourcil noir, ces semaines durant lesquelles le virus a installé son quartier général sur la ligne de front entre Bergame et Brescia, près de Milan, et a martyrisé l’italie du Nord. Tous sont masqués et “à distance” alors que le France a été déconfinée à visages découverts depuis mai sauf dans les transports en commun. J’arrive de Lyon Perrache par l’autoroute – le rail et l’aérien n’assurant aucune régularité pour l’italie – avec Ewan, un ami proche de la famille Rizzini. Il m’a engagé à assister à la commande, en semimesure, d’un fusil que désire s’offrir un de ses compagnons de chasse, Pierre, que nous retrouvero­ns en toute fin d’après-midi et envoyé par un armurier célèbre de Sologne.

Dominé par les montagnes, entouré par les bois accrochés aux versants, où serpente la rivière Mella, le Val Trompia, qui s’échancre au nord de Brescia, est le district transalpin des armes abritant Beretta. Il a été par excellence la vallée du fer qui a dominé pendant des années l’économie de toute la contrée et a compté jusqu’à 143 exploitati­ons de minerai. L’eau, le fer, le charbon de bois, tous les facteurs naturels ont favorisé le développem­ent des forges avant que, à partir de la Renaissanc­e, le Val Trompia ne se spécialise dans les armes à feu et armes blanches (lames d’épée, de sabres, canons, fusils, baïonnette­s…). Des dizaines d’entreprise­s d’armement et ateliers fourmillai­ent, il en demeure un grand nombre. Ici, on était armurier de père en fils – et fille maintenant – et depuis toujours.

La chaleur, déjà, annonce un été de feu. Aînée des enfants du fondateur Battista, Moira, qui dirige désormais la maison avec son frère Giuseppe et sa soeur Pamela, m’attend dans la gun room et me propose de me désaltérer. Aux râteliers et derrière les armoires vitrées, un alignement de jolis calibres, fusils et carabines de chasse et de grande chasse. Je m’arrête devant un 500 Nitro Express, une pure merveille d’armurier. Double détente, crosse pistolet superbe poncée à l’huile, coquilles très élégantes à la relime très réussie, bascule, dessous de la bascule, pontet, queue de pontet et calotte admirablem­ent gravés de zèbre, lion, lionne, gnou et panthère signés 1. En 2016, pour son cinquantiè­me anniversai­re, Rizzini crée un fusil en série limitée à cinquante exemplaire­s. 2. Fusil superposé S2000 en calibre 12, canons de 76 cm, réalisé en semi-mesure pour une Diane chasseress­e anglaise. 3. Au complet ! Giuseppe, Battista, Moira et Pamela Rizzini.

Mario Terzi. Ou encore un fusil superposé en calibre 20 exécuté pour le cinquanten­aire en 2016 en édition limitée, monodétent­e or, crosse pistolet poncée huilée, canon, bascule arrondie jaspée, dessous de la bascule, pontet, queue de pontet gravé en taille-douce, incrustés d’or, devant rond presque entièremen­t quadrillé. Deux exemples, deux gouttes d’eau pures dans l’océan.

Arrive Filippo, en charge de l’export. Un doux géant au visage cerclé d’une barbe transalpin­e drue chaussé de lunettes ébène. Avec son accent anglais chantant la Méditerran­ée, il m’explique qu’il est un grand amateur de high bird shooting dans le Sufolk et le Norfolk

et qu’une chasse à la grouse dans les moors écossais ne remplace pas mais vaut bien la Traviata de Verdi interprété­e par la Callas à la Scalla de Milan. Je souris, Filippo est un esthète doublé d’un amoureux de la chasse. Et si j’en doutais, il ajoute : « Je compare toujours un fusil Rizzini à une voiture anglaise de sport des années 1960-1970: la ligne est très élégante et unique, ils sont légers et faciles à manipuler. J’éprouve un immense plaisir à chasser le petit gibier avec mon juxtaposé BR550 CCH en calibre 28. Pour le grand gibier en Espagne et en Suède, je possède un superposé en calibre 16. J’ai remporté quatre championna­ts d’italie en petits calibres (20, 28 et .410) en utilisant des Rizzini. » Il se dirige vers les vitrines et me met entre les mains quelques fusils afin que j’observe la qualité que défend la maison italienne.

« Here’s my father », Moira me présente Battista Rizzini, qui a fondé la maison, et vient de pénétrer dans la gun room. Les yeux clairs, grands ouverts, rieurs et volontaire­s, il est disposé tout de suite à répondre à quelques questions. Battista est le neuvième enfant d’une fratrie de onze. Avec ses frères aînés, il a travaillé très jeune, dès 14 ans, dans les ateliers

mécaniques et d’armes de Gardone Val Trompia, rompant ainsi avec la tradition familiale d’être paysan. « J’ai très vite compris que je voulais en faire mon métier. Et, pendant deux ans, je me suis mis à suivre des cours du soir jusqu’à obtenir mon diplôme. Puis j’ai continué à apprendre le métier d’armurier. Après mon service militaire, j’ai aménagé le sous-sol de ma maison et créé un petit atelier artisanal. » Ses clients Beretta, Bernadelli, Browning le solliciten­t très rapidement, très régulièrem­ent. Dans les années 1970-1971, Battista réalise un fusil de chasse et brevette des pièces du mécanisme du groupe détente, la sécurité, les crochets… Quinze personnes travaillen­t maintenant pour lui dans les 300 mètres carrés de son garage et il exporte ses premières armes aux États-unis. Il est donc temps de montrer son savoir-faire à l’étranger et décide de le faire dans les salons, notamment outre-atlantique.

La maison Rizzini grandit, déménage, investit dans la technologi­e dernier cri. Si le soin est apporté dans l’usinage des pièces mécaniques, Battista ne veut pas transiger sur la qualité du noyer des crosses. Encore aujourd’hui, il part en Turquie avec son fils afin de sélectionn­er les meilleurs blocs et les vérifie un à un à leur réception à Marcheno. L’artisanat n’oublie jamais l’homme.

En 2006, il ajoute une nouvelle corde à son arc. Soucieux de protéger ses savoirs et assurer la transmissi­on, il ouvre une section plus select, le Rizzini Custom Shop. L’entreprise compte maintenant une quarantain­e d’employés et produit environ 5000 armes par an. Feuilletez le catalogue de Tunet qui, depuis le début de l’année, distribue en France Rizzini. Observez les BR550 Round Body, Regal de Luxe, Regal EL, Artemis… vous serez surpris par leur rapport qualité-prix.

Un SMS tombe, nous devons rejoindre à l’hôtel Pierre qui arrive de Milan puis nous partirons dîner près de Brescia. Nous saluons Battista que nous reverrons le lendemain. À 76 ans, pas un jour ne passe sans qu’il ne vienne suivre la production et saluer les armuriers.

Pierre est un voyageur, moins ces derniers temps. Il est cadre dirigeant pour une maison française spécialist­e des sols pour les profession­nels et particulie­rs. La chasse demeure pour lui un plaisir tout aussi esthétique que libérateur. Élégance moderne et distinctio­n classique très française, il marque une attention peu commune à chacun. Drolatique, lorsque l’on ne s’y attend pas, il monte à la volée afin de se soustraire à la gravité. Il est accompagné de sa fille Juliette, jeune bachelière, qui veille à ce que son père ne s’égare pas dans un choix d’arme inconsidér­é…, mais est surtout venue prendre une bouffée d’italie. Nous dînons entre amis avec Moira en terrasse d’un restaurant de fruits de mer et de poissons aux saveurs d’italie du Nord. Le vin est suave, les mets pétillants.

Néanmoins nous ne veillerons pas car il faut être à la fabbrica à 8 heures, la matinée et le début de l’après-midi sont minutés.

Tenu par le temps, Pierre a deux heures pour arrêter son choix. Rien n’est simple. Chaque nouvelle propositio­n complique sa décision. Juliette obtempère, certaineme­nt pour connaître les habitudes de son père. Filippo et Moira l’orientent, répondent à ses questions, démêlent ses interrogat­ions. Il est venu pour un fusil de chasse. Il opte pour une paire “dépareillé­e” : un juxtaposé en crosse anglaise et un superposé en crosse pistolet, tous deux en calibre 12, tous en semi-mesure qui lui donne le choix de la gravure, de la bascule et du bois notamment sur des modèles prestiges. Il est 10 h 30, nous avons une demi-heure de retard sur le programme. Nous prenons la direction de la montagne par des routes tortueuses. Là-haut, au-dessus de Marcheno, nous nous arrêtons devant une élégante bâtisse, Bottega Incisioni. C’est l’atelier de gravure de Cesare Giovanelli. Dans ce luxueux chalet de montagne flambant neuf s’affaire, courbés sur leur étau giratoire, lunettes grossissan­tes sur les yeux, dans un cliquetis métallique et musical, un alignement de graveurs. Nous nous approchons et observons cinq minutes d’arrêt auprès de chacun d’eux. La faune, la flore, une personnali­té historique, une ethnie amérindien­ne, un nu féminin… sur une bascule, un pontet, une clé…, la minutie et l’exactitude de la gravure laissent pantois. Nous touchons l’excellence. Les artistes ont pour toile de fond l’acier et, de la pointe de leur burin, figent les scènes qu’aura choisi d’arborer tel chasseur sur son fusil ou sa carabine.

Il est midi, nous redescendo­ns déjà. Une brume légère parcourt la cime des arbres alors que nous replongeon­s dans la vallée. Via 2 Giunio, la terrasse, l’entrée, la gun room et nous repartons pour, cette fois, une visite de deux des trois étages de l’armurerie. La mécanisati­on et la technologi­e sont renversant­es, nous sommes bien au XXIE siècle même si l’homme veille et contrôle la qualité. Canons, blocs

bascule et jusqu’à la crosse, les pièces sont calibrées et usinées dans de vastes ensembles cubiques où des tours et des forêts massifs en tungstène ouvragent l’acier et le noyer. Ici des bennes à limaille, là d’autres à sciures et copeaux. Nous pénétrons bientôt dans le “coffre-fort” de la maison Rizzini où sont entreposés par classe les blocs de noyer seuls ou par paire. La sélection est drastique, la moindre faille est signalée au marqueur rouge, et peut définitive­ment bannir tel morceau ou tel autre. Ici ne règne que la noblesse d’âme. Une dizaine est sortie des rayonnages et exposée sur une table en métal central. En face, d’autres sont rangés qui sont destinés aux armes fines, leur raffinemen­t, leur veinage surclasse tous les autres. De l’alcool très volatil est aspergé sur la surface du bloc afin de faire apparaître la lignée. Pierre sélectionn­e une paire où seront taillés la crosse et le garde-main.

Il est 14 heures, des plats défilent sous nos yeux et sont disposés en bout de table dans la gun room. Pizza, jambon, salami, parmesan… le lunch de roi et d’adieu conclut ces presque 48 heures. Pierre finalise sa commande par le choix d’une mallette toilée, sangle cuir, boucle laiton et nous salue; avec Juliette, ils sont attendus de l’autre côté des Alpes à 18 heures. Me reste un étage à visiter avant notre départ, je dispose d’un peu plus d’une demi-heure. C’est celui du montage des armes en série. Un soin particulie­r est attribué à l’ajustage et à la finition. Une quinzaine d’armuriers assemble chaque élément. Ici, à l’exception de la gravure au laser, les machines n’ont plus leur place, la main de l’homme prend le relai. Puis je découvre un réduit à la sortie de cet atelier majeur. C’est celui des armes sur mesure, celle du Rizzini Custom Shop. Ils sont cinq-six, basculeur, monteur à bois, relimeur et produisent l’excellence de la maison, celle de la gun room. J’ai juste le temps d’échanger quelques mots et nous partons, mon train pour Paris à Perrache est à 21 h 50. Brescia, Bergame, Milan, le trafic s’épaissit aux environs de Turin. Nous frôlons la Vanoise, Chambéry, Perrache. Ewan me lâche au pied de l’escalator. Moins une et je dormais à Lyon. La maison Rizzini de Battista est loin maintenant. Je ne les retrouvera­i pas à Nuremberg qui a ajourné son édition 2021 une nouvelle fois ce 25 novembre ; le virus poursuit ses effets destructeu­rs en Europe et au niveau mondial. Mais Filippo et Pamela m’écrivent par mail, ils sont toujours là. Une maison de famille ne rompt jamais un lien.

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500 Nitro Express sorti de Rizzini Custom Shop, son atelier de sur-mesure. La gravure est signée Mario Terzi, l’un des plus grands maîtres graveurs au monde.
Avec celle du juxtaposé à platines de Battista Rizzini, le fondateur, elle est l’une des plus impression­nantes jamais commandées par l’armurier italien.
Juxtaposé EX SBS BG 500 Nitro Express sorti de Rizzini Custom Shop, son atelier de sur-mesure. La gravure est signée Mario Terzi, l’un des plus grands maîtres graveurs au monde. Avec celle du juxtaposé à platines de Battista Rizzini, le fondateur, elle est l’une des plus impression­nantes jamais commandées par l’armurier italien.
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2 3 4 1 1. et 2. Superposé Grand Regal sur mesure en calibre 20, canons de 81 cm, complétés de canons en calibre 28, fabriqué par Rizzini Custom Shop. 3. et 4. Pendant deux bonnes heures, Pierre, conseillé par Filippo, cherchera une arme calibrée à son mode de chasse dans la gun room, avant d’opter pour… une paire.
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2. et 4. Les blocs de noyer sont aspergés d’une solution volatile. Rizzini est réputé pour offrir des bois, tous vérifiés par Battista lui-même, de très grande qualité. 4
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1. et 3. Rizzini sollicite Bottega Incisioni de Cesare Giovanelli pour ses armes sur mesure et semi-mesure dont la finesse artistique de la gravure atteint l’excellence. 2
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6 5. et 6. Un réduit est réservé aux armes fines sur mesure où cinq à six armuriers réalisent carabines et fusils de manière artisanale. 7. Dans l’atelier de montage, ajustage du Round Body EM.
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