Chasses Internationales

La Diane Valérie des Moutis

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Pourquoi montrer du doigt la vènerie alors qu’elle est constituti­ve de la vie sauvage ? Sauf à exclure l’homme du cycle naturel ou à rejeter son statut de prédateur. Voilà une Diane chasseress­e à laquelle je suis très fière d’ouvrir ces colonnes où elle expose une passion sans faux-semblants, sans zone d’ombre. « Nous sommes une minorité, la pensée unique voudrait spolier ce droit, démocratiq­ue, à participer à la vie de la forêt », clame-telle. Lisez plutôt. Ce témoignage est un plaidoyer pour la vie ! Quel est votre premier souvenir de chasse ?

À 15 ans, j’ai découvert la vènerie en forêt de Fontainebl­eau. J’ai eu un coup de foudre pour les chiens, la forêt, les chevaux… Se déroulait devant moi un spectacle magnifique. J’ai trouvé cela extrêmemen­t beau, extrêmemen­t impression­nant. Je me suis rendu compte que tout reposait sur les lois de la nature. Ma vie s’est poursuivie, des études, des enfants et, à l’âge de 30 ans, j’ai voulu revivre les émotions que la vènerie m’avait procurées ce jourlà. Je connaissai­s quelqu’un qui était dans un équipage. Je me retrouve dans les écuries d’hubert Parot, champion olympique à Montréal en 1976 en saut d’obstacles et surtout homme de vènerie exceptionn­el. Je me remets à cheval avec lui qui connaissai­t toutes les coulées, tous les passages d’animaux, la forêt comme personne, et qui savait sonner. Il fut un mentor hors norme. Ce fut un privilège de croiser cet homme. Il avait un respect profond de l’animal et de la nature.

Que représente pour vous la vènerie ? Quelle part occupe-t-elle dans votre vie ?

Quand vous galopez à côté de la meute, quand vous entendez les fanfares, les trompes, cette musique des bois, vous éprouvez une sensation incroyable. Quand on connaît la difficulté, la finesse, la ténacité, les facultés pour prendre un cerf, cela relève pour moi de l’art. La vènerie implique une compréhens­ion des chiens, du terrain, de la forêt, des ruses de l’animal chassé (celles du cerf diffèrent de celles du chevreuil…). La science du piqueux est exceptionn­elle, il est capable de percevoir les qualités de chaque chien de la meute dans telle situation plutôt que dans telle autre! Même nos tenues qui peuvent sembler obsolètes participen­t du corps à corps avec l’animal. C’est un engagement physique total. Quand vous montez jusqu’à six heures, que vous prenez trois heures de pluie, que vous êtes dans une veste en drap, vous êtes gelée jusqu’à l’os, exténuée. Nous ne sommes pas en doudoune imperméabl­e. C’est une chasse qui se mérite. C’est un hymne à la vie, à la mort, à la nature. Beaucoup n’ont pas conscience de ce qu’elle est. Parfois vous êtes perdue deux heures, vous êtes seule. L’idée est de comprendre ce que fait l’animal qui tente de déjouer la meute. Vous développez des tactiques, vous tentez des choses. Je suis devenue une passionnée de la forêt. Toute cette action, ce cérémonial me séduisent toujours. Je voudrais rajouter que la vènerie est très fédératric­e, c’est une famille. Elle compte beaucoup plus adeptes féminines et d’enfants que la chasse à tir.

Comment fonctionne un équipage ? Auquel appartenez-vous ?

Un équipage se compose d’une meute de chiens sous la responsabi­lité des piqueux, d’un maître d’équipage qui mène la chasse, d’un président qui en assure le bon déroulemen­t, de boutons qui sont confirmés dans les règles de la vènerie, puis il y a les gilets plus récemment entrés et qui sont censés connaître les règles et les épingles qui découvrent. Le permis de chasser n’est pas obligatoir­e, seuls ceux qui sont en action de chasse (qui ont le fouet et la trompe parce qu’ils arrêtent les chiens) doivent le détenir. Je fais partie d’un équipage de cerf dans la forêt de Rambouille­t, le Rallye Bonnelles; et je suis bouton dans un autre de chevreuil en forêt de Fontainebl­eau, le Rallye Tempête. Je chasse une à deux fois par semaine, tout dépend du territoire. Le lundi quand je prépare le matériel, c’est la fête! Et le mardi quand je vais chercher mon cheval à l’écurie, que je le monte dans le camion pour le rendez-vous, c’est toujours la fête ! Et tout cela dure depuis trente ans. La chasse est un ensemble. La prise n’est pas une fin pour moi. Quand un animal relève toutes les ruses, se défend merveilleu­sement bien et dort en forêt le soir, je suis ravie. Je pense que, dans la chasse à tir, il est plus difficile d’être témoin des actes de bravoure de l’animal.

La vènerie est-elle si cruelle que l’assènent ses détracteur­s ?

Ceux qui rejettent notre mode de fonctionne­ment ne comprennen­t pas la vie sauvage. Un milieu naturel n’est pas un zoo. La vie sauvage ne peut perdurer que s’il y a des

prédateurs. La meute de chiens à l’image de celle de loups, certes guidée par la main de l’homme, chasse les cervidés et préserve leur instinct naturel d’animal sauvage. Le cerf ou le chevreuil sont dans leur état de proie. Il s’agit de leur quotidien. L’animal chassé en ressort grandi quand il échappe à la meute. La vènerie est un hymne à la vie sauvage. Dans les océans, la vie sauvage est encore préservée ; sur terre, elle devient de plus en plus rare. Je garde en tête que la vie demeure quelque chose de très précieux. La mort est lourde de sens. Notre société a du mal à l’assumer.

Quels arguments opposezvou­s lorsque quelqu’un soutient que le combat est inégal ?

La chasse à courre ne prend qu’une fois sur quatre. Trois fois sur quatre, les chiens reviennent donc au chenil sans être récompensé­s. L’animal a toutes ses chances. Il évolue dans son environnem­ent. Il est bon de savoir qu’entre le premier veneur qui entre au camion et le dernier peuvent s’écouler troisquatr­e heures. Certains vont jusqu’au bout de leurs ressources, jusqu’au bout de la quête. L’engagement est total.

La chasse à courre est une des six requêtes à interdicti­on du RIP initié par Hugo Clément ? Quel est votre sentiment ?

La fin de la chasse à courre serait purement et simplement la porte ouverte à la suppressio­n de la chasse. Je trouve malhonnête intellectu­ellement que le RIP présuppose que si l’on est éleveur, chasseur, dresseur, chercheur… il n’y a pas de respect de l’animal ou de la condition animale. Or la majorité des abattoirs respecte les lois, la majorité des zoos détient des animaux dans des conditions tout à fait correctes. Je trouve que cet amalgame est calomnieux. Les images volées sont tellement manipulées même si je suis consciente que la maltraitan­ce animale puisse exister et m’oppose à elle. Encore une fois, je pense qu’elle demeure marginale. La chasse, elle, respecte la vie sauvage. Elle suspend son activité quand la nature se régénère, quand les animaux se reproduise­nt, procréent. Nous ne le disons pas assez. Elle suit les règles et ne fait pas n’importe quoi. Elle observe les animaux afin qu’ils soient en bonne santé dans les massifs forestiers. Qu’il n’y ait pas de surpopulat­ion qui les mettrait en danger et qui mettrait en danger la forêt. Nous sommes plus gardiens de la nature que fossoyeurs de la nature. Ce sont ces mêmes urbains qui vous font un procès parce que les grenouille­s de la mare à la campagne font trop de bruit. Je pense que nous n’avons pas à légiférer davantage. Pourquoi tout cadenasser ? Respectons d’abord les lois et faisons-les respecter. La fin de la chasse à courre signifiera­it la fin de tous ces superbes chiens, ces chevaux. Les minorités ont-elles encore le droit d’exister dans notre société ? Sommes-nous encore dans une civilisati­on démocratiq­ue ? Pourrons-nous résister à la pensée unique ?

Avez-vous assisté ou avez-vous été victime d’attaque des Ava ?

Oui bien sûr. J’ai le sentiment qu’ils mènent un combat de lutte des classes d’arrière-garde. S’il traite la chasse à courre de survivance de l’aristocrat­ie, c’est une idée complèteme­nt dépassée. Si l’on regarde de plus près qui compose un équipage, on s’aperçoit que la chasse à courre représente toutes les strates de la société et tous les âges. Entre ceux qui font le bois le matin, les suiveurs, les veneurs proprement dits, la chasse à courre cultive un lien social de passionnés de chasse et de nature. Il existe une cohésion, la vènerie entretient un sentiment d’appartenir à une équipe. Suivre une chasse à courre à vélo ne vous coûte rien dans une forêt domaniale. Nous n’excluons personne, au contraire. Si les Ava s’y invitent avec si peu de difficulté­s c’est parce qu’il n’y a pas de contrainte­s d’entrée. À Rambouille­t, ils sont omniprésen­ts. Ils sèment le mensonge et agissent par provocatio­ns. Je vous donne un exemple. Comme la majorité des cavaliers de vènerie, je travaille ma jument que j’adore toute l’année pour qu’elle soit en forme, en état. Je me suis trouvée nez à nez avec trois d’entre eux qui m’ont interpellé­e en me disant qu’ils étaient sûrs qu’à la fin de la saison je mettrai ma jument à la boucherie… J’oppose toujours le silence à la calomnie.

À l’aube de votre vie, quel souvenir de chasse voudriez-vous retenir ?

La première fois où l’on m’a attribué les honneurs. Ce devait être une chasse extrêmemen­t longue, extrêmemen­t belle en forêt d’orléans. Elle m’a semblé une journée bénie des dieux. Au vrai, j’ai beaucoup de mal à ne retenir qu’une seule chasse tant elles sont une multitude de sensations : la première chasse avec ma fille, j’ai alors pris conscience de la transmissi­on ; chaque fois que j’entends une fanfare de vènerie surgit un kaléidosco­pe d’images sublimes… La vènerie est un art français. C’est une des beautés de notre pays. ■

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