Patrimoine Sophie et Laurent Rousselet
Ce cabinet d’architectes composé d’une équipe de vingt-deux collaborateurs répartie entre Orléans, le berceau, et Paris, est dirigé par trois associés – Sophie et Laurent Rousselet et Sébastien Thouvenin – dont la ligne de conduite privilégie le dialogue. « Chaque projet est une nouvelle histoire », soutiennent-ils. L’humain est au centre de leur réflexion et l’excellence leur pilote. Depuis quand chassez-vous ?
Sophie Rousselet Je suis issue d’une famille de chasseurs. Mes parents étaient agriculteurs et la chasse correspondait à un moment de rencontres et de convivialité. Nous allions chasser afin d’observer la nature, les animaux. J’ai passé mon permis de chasser très tard il y a trois ans. Je ne chasse pas à l’étranger. Je tire peu. Je suis plus dans l’observation. Laurent Rousselet Je chasse depuis l’âge de 18 ans, cette passion m’a été transmise par mon père et mon grand-père. Elle fait partie de notre tradition familiale. Je chasse plutôt le grand gibier principalement en Sologne et le petit gibier en famille dans le Berry. J’ai réalisé quelques périples en Espagne et au Tadjikistan à l’approche des gros Atillas en montagne.
Le chasseur est-il un écologiste ?
L. R. Je me revendique comme un chasseur “écolo”. Bien sûr, nous sommes des acteurs de l’écologie. Nous avons toute notre place dans la nature. Nous consacrons du temps à la gestion de la faune et des écosystèmes. Je prône le dialogue avec ceux communément appelés les “écologistes”. Je suis pour la rencontre de ces deux mondes, pour la concertation. Le monde de la chasse devrait davantage ouvrir sa passion à ceux qui pratiquent la nature et à ceux qui veulent comprendre comment nous fonctionnons. Il y a aujourd’hui un vrai déficit de communication vis-à-vis du grand public. Nous devons amorcer une démarche pédagogique. Quant aux activistes, il me semble qu’il est opportun de débattre avec eux en préférant le dialogue dans la sérénité. Sur les plateaux télé, il est du rôle des journalistes non d’alimenter les rancunes mais d’engager des discussions.
Et cela passe par le choix des invités. Je suis favorable à des actions locales de médiation, à des sorties pédagogiques des écoles organisées par les fédérations locales. Nous devons militer afin que les gens puissent se parler.“le monde de la ville et celui de la campagne s’opposent”, c’est un postulat qui ne me satisfait pas. Je suis persuadé qu’ils peuvent se rejoindre.
S. R. Nous n’arriverons à communiquer ensemble que si nous retrouvons la voie de l’éducation. Elle est la grande oubliée de ces quarante dernières années, tout comme le respect. Nous en payons les conséquences. C’est dramatique. Il est devenu impossible de communiquer sans s’exprimer dans la violence afin de marquer son désaccord. Nous aurions plus à gagner à inviter les gens à venir observer cette nature. Ils comprendraient que la régulation et la gestion des territoires sont essentielles dans l’équilibre. J’ai eu la chance d’être élevé dans un Berry bocageux et d’avoir fait mes études à Paris, je connais donc les contrastes. Cette double perspective me permet de soutenir que, sans pédagogie, point de salut. La chasse réunit autour d’une même passion, gomme la hiérarchie sociale et demeure respectueuse de chaque individu.
A-t-elle sa place aujourd’hui en France, dans le monde ?
L. R. La chasse a plus que sa raison d’être. Nous sommes les héritiers de chasses ancestrales, c’est un fait indiscutable, mais nous sommes aussi des acteurs de la régulation des espèces et favorisons la protection de leurs habitats. Je suis un fervent défenseur de la chasse. Sa pérennité passe par une adaptation, une évolution. Nous devons nous retrousser les manches afin d’aller à la rencontre du grand public. Quant à la chasse à l’étranger, elle est utile, dans un cadre très réglementé, à la conservation de la faune, à la protection des espaces et aux populations pour lesquelles le tourisme cynégétique demeure une ressource.
Contez-nous l’histoire D’AR Architectes ?
L. R. À la fin 1999-2000, à la sortie de mes études à l’école nationale supérieure d’architecture de Versailles, je me suis associé à un agréé en architecture, Jean-marie Asselin sur Orléans. Et nous créons le cabinet d’architecture Asselin-rousselet. En 2005, Sophie, elle-même diplômée de l’école de Versailles, me rejoint et nous lançons AR Architectes. En 2012, AR Architectes s’agrandit avec une nouvelle filiale à Paris. Et, en 2018, nous faisons une croissance externe, rachetons une agence et nous associons Sébastien Thouvenin sur Paris. Nous travaillons sur un secteur qui s’étend à la région Centre, l’île-de-france et, plus largement, sur un axe Nantes-strasbourg. Nos métiers sont liés à l’architecture, de la conception à la réalisation de projets. Tout est intégré, autrement dit nous avons toutes les compétences en interne. Nous comptons vingt-deux collaborateurs répartis entre Orléans et Paris. À Paris, nous travaillons
sur des bâtiments de type haussmannien, sur des bureaux et du tertiaire. En Sologne, nous intervenons sur des constructions neuves et des rénovations. La typologie de nos projets va de la grange dans un bourg à réhabiliter au château. La dominante demeure la réhabilitation et le bâti ancien. Nous sommes acteurs des territoires. Nous ne faisons pas de l’architecture commerciale. Tout cela passe par l’écoute, le dialogue, l’introspection. Nous considérons que chaque projet est une nouvelle histoire.
À quelle hauteur intervenez-vous sur du bâti ancien ?
L. R. Nous intervenons sur des réhabilitations légères. Il s’agit de requalification sans déconstruction importante des espaces, cela vaut aussi pour les façades. Nous pouvons aller jusqu’à des restructurations très lourdes voire des démolitions totales car il faut savoir aussi démolir et aller sur de la reconstruction. Tout cela passe par le dialogue, l’audit de la construction afin d’en déceler le potentiel. Notre capacité nous permet de prendre des monuments inscrits, donc en dessous de monuments historiques. S’il le faut, nous sollicitons un ACMH (architecte en chef des Monuments historiques).
Qui pousse la porte de vos cabinets ?
L. R. Notre clientèle vient par connaissance, par notre présence sur le Net, sur les réseaux sociaux mais aussi grâce au Game Fair. En Sologne, nous sentons une montée en puissance depuis cinq ans. Ce sont principalement des propriétaires entre 40 et 60 ans qui nous sollicitent. Nous notons chez eux une démarche environnementale. Nous proposons des réflexions globales. Il ne sert à rien de mettre un système de chauffage performant si la construction ne bénéficie pas d’une isolation performante. Il y a d’abord à travailler les porosités des façades, des menuiseries et des sols, à l’origine des mauvais bilans énergétiques. Le vrai problème réside dans l’entretien des bâtiments. S’ils ne sont pas chauffés, ils se dégradent d’une façon exponentielle. Nous avons mis en place des programmes pluriannuels de rénovation dans cette optique. La démarche environnementale passe par le bon sens : nous travaillons avec des entreprises locales, qui ont des bilans carbone faibles.
Parlez-nous du réagencement ?
L. R. Nous sommes des concepteurs d’espace, autrement dit nous prenons en compte l’organisation des lieux, la gestion des flux, le travail sur la lumière, sur la vue, le rapport au volume, au sol, au bâti… Depuis peu, nous avons intégré une architecte d’intérieur au sein de notre équipe. Cette nouvelle mission participe d’un tout si l’on veut réussir un projet, la déco va avec l’agencement des pièces. Le choix de la table, du canapé, de la cheminée peut conduire à la requalification des espaces, au recalibrage du repositionnement des cloisons, à une ouverture différente afin de recadrer une vue depuis une salle à manger afin de créer des perspectives sur l’extérieur.
En quoi consiste la restauration de biens dont la vocation est cynégétique ?
L. R. Notre passion pour la chasse nous permet de répondre plus facilement en termes d’architecture au rituel d’un rendez-vous de chasse, du départ au repas. Le débotté est important; la salle d’armes est une pièce réglementée, elle doit comporter des armoires fortes ; les salles de trophées ont tendance à disparaître, la discrétion est de mise aujourd’hui ; le fumoir est devenu le salon, une pièce de convivialité autour d’une cheminée. Les femmes participent de plus en plus, elles réorientent la vocation des pièces d’accueil vers des lieux de réception plus feutrés. Les caves sont devenues des lieux où l’on se retrouve ; les cuisines sont ouvertes afin de favoriser l’esprit d’échanges. Il y a une recherche de confort dans l’ensemble des espaces.
Peut-on imaginer l’architecture de la maison d’un chasseur de demain ?
S. R.les châteaux du XVIIE-XIXE siècle, représentation d’une hiérarchie sociale, n’ont plus de réalité. Ils n’ont jamais été construits pour y faire entrer la nature. Nous pourrions tout à fait imaginer une maison semi-enterrée avec une vue sur un étang. Après une belle journée de chasse, le salon offrirait la liberté d’observer les animaux. Tout cela n’est pas utopiste. C’est un sujet qui me passionne. La maison ne se voit plus en hauteur, elle se fond dans le paysage et la nature. Elle pourrait être une Le Corbusier avec un toit jardin sur lequel un cerf, un chevreuil évoluerait au-dessus de notre tête et l’on observerait les canards qui viendraient se poser sur l’étang. ■