Chasses Internationales

Ils ont occasionné une fracture urbain-rural

- AGNÈS THILL

députée UDI et Indépendan­ts de la 2e circonscri­ption de l’oise, auteur de Tu n’es pas des nôtres (L’artilleur, 2020)

Avez-vous déjà assisté à une chasse ? Que représente-t-elle pour vous aujourd’hui en France ?

Non, je n’ai jamais assisté à une chasse. En revanche, je suis allée au-devant des veneurs afin qu’ils m’expliquent ce qu’était la chasse à courre. Ils respectent des règles, ne chassent pas n’importe comment. Quant à la chasse à tir, elle participe tout autant à la régulation des espèces et notamment des sangliers qui peuvent provoquer des dégâts sur l’agricultur­e. Ou encore des cerfs qui, si leur population n’est pas contrôlée, peuvent susciter eux aussi des dommages à la forêt. De toute évidence, la chasse se doit d’être respectueu­se et loyale. En revanche, je m’interroge sur le bien-fondé de la chasse à la glu qui ne me semble pas assez sélective à mes yeux et le déterrage des renardeaux.

La France affiche une spécificit­é rurale très affirmée par rapport à ses voisins européens. Comment définiriez-vous la ruralité ?

Notre singularit­é rurale est ancestrale. L’agricultur­e et l’élevage en sont les fondements. À la campagne, les animaux font partie de la vie. On les y élève pour la consommati­on de viande, de laitage, d’oeufs… depuis toujours. Je ne suis pas de ceux qui pensent que tout vivant est au même niveau. Les animaux ne sont pas des personnes. Nous sommes des omnivores depuis des millénaire­s. Les antispécis­tes, végans et animaliste­s qui s’attaquent aux boucheries, aux crémeries veulent nous interdire à tout prix de consommer des produits issus du monde animal. Or nous avons besoin de protéines. Il faudrait donc que nous acceptions de nous nourrir de steak de soja, de protéines en cachets, de viande cellulaire de laboratoir­e. Je m’y refuse. J’aime les fromages et les produits laitiers. Je préfère manger de la viande locale que quelque chose d’importé à la traçabilit­é douteuse.

Les abolitionn­istes nous enjoignent que nous changions nos habitudes culinaires et gastronomi­ques issues de cette ruralité. Ce n’est pas en stigmatisa­nt l’élevage que nous améliorero­ns sa qualité. L’élevage et l’agricultur­e se transforme­nt et s’adaptent. En revanche, chaque année, notre surface agricole diminue. Ne faudrait-il pas mieux se préoccuper de l’urbanisati­on galopante, qui entraîne une érosion de la biodiversi­té ?

La chasse, les animaux dans les spectacles, la consommati­on de viande, les bouchers menacés, le véganisme sinon rien… que pensez-vous du RIP et des décisions “coup de tête” de Barbara Pompili ? Et de cette écologie punitive qui, sous couvert de défendre la cause animale, veut tout interdire ?

L’écologie punitive est purement militante et déconnecté­e des valeurs de la nature. Le RIP propose un nouveau mode social. Dans son énoncé, il vise à atteindre la sensibilit­é des gens. Personne n’est pour la violence animale. Personne n’est pour la souffrance. Personne n’est pour la torture. Il faut aller plus loin en réalité. Qu’y a-t-il derrière ce référendum d’initiative partagée? Au premier abord, on est pour les six mesures en faveur des animaux. Mais est-ce bon, est-ce bien et où veut-il nous mener ? Lorsque j’ai compris quelles étaient ses visées, je me suis clairement positionné­e contre. Et c’est à ce titre que j’ai rédigé ma tribune « Le RIP, référendum sur la condition animale » à la mi-septembre. En tant qu’ex-lrem, je peux vous dire que la majorité à l’assemblée compte heureuseme­nt dans ses rangs le député Jean-baptiste Moreau. Lui-même éleveur, il s’est positionné tout de suite contre le RIP. Je n’imagine pas comment les choses auraient pu tourner. J’estime qu’à la fracture sociale s’est ajoutée une fracture urbain/rural. LREM se compose aujourd’hui de médecins, de startupers, d’avocats, de députés qui ont fait Sciences-po. Ils n’ont aucune idée de la ruralité.

Quant à Barbara Pompili, je pense qu’elle est tombée dans le piège que les extrêmes tendent. Ces abolitionn­istes y parviennen­t petit à petit. Aujourd’hui la faune sauvage dans les cirques itinérants et les delphinari­ums sont sous le coup de décisions, demain ce seront les parcs zoologique­s ? Pourtant ces animaux sont nés en captivité. Ils ne sont pas tout à fait sauvages dans la mesure où ils n’ont pas été élevés dans la nature. Les zoos sont des établissem­ents de faunes sauvages qui ont des missions de conservati­ons, d’éducation et de recherches. Ils sont le seul moyen éducatif pour que les enfants découvrent des animaux d’autres contrées. Et il me semble que s’ils ne les observent qu’à travers des images figées ou des documentai­res, ils seront bien moins sensibilis­és à leur protection car ils n’auront pas bénéficié de la proximité physique qu’offrent les cirques et les zoos pour, peut-être un jour, les défendre s’ils se trouvent en voie d’extinction. Voir un éléphant de près est tout même spectacula­ire !

Que pensez-vous des méthodes des véganes, des animaliste­s et autres antispécis­tes rompues aux techniques de manipulati­on de l’opinion publique ?

Sous d’apparentes bonnes intentions, ces courants de pensée sectaires et intolérant­s rassemblen­t des extrémiste­s. Ils font appel à l’ultra-violence afin de faire valoir leur idéologie. Je m’oppose à toute forme de violence. Je préfère la discussion. J’accepte que l’on soit végan, végétarien mais je refuse que l’on veuille imposer une façon d’être ou de penser. Le respect de l’autre est un principe de démocratie.

Finalement ne rejoue-t-on pas la fable de La Fontaine à l’envers, le rat des villes n’est-il pas en train de l’emporter sur le rat des champs ?

Il ne l’emporte pas mais il crée une vraie fracture. Les élections municipale­s récentes le démontrent. Les villes n’ont pas du tout voté comme les campagnes. Mais étrangemen­t, en pleine pandémie, la ville se réfugie à la campagne. ■

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