Portrait Patric Hollington
La marque de vêtements créée par Patric Hollington est née en 1974 à deux pas du Boul’mich’. Ce créateur talentueux de la mode masculine décédé l’an dernier bouleversa les codes et inventa un univers chic, artistique et rustique. Alban Decock a désormais les clés en main.
Les hommes sortent des sentiers battus pour faire avancer la société. Patric Hollington étaient de ceux-là. Il a consacré le plus clair de sa vie à la mode masculine. Avec Michel Schreiber, son associé au début des années 1960, il a cassé les codes du vestiaire masculin. Ancien journaliste, collaborateur un temps des services secrets britanniques (si, si !), Patric Hollington révolutionna à sa façon la manière de s’habiller. Cet Irlandais éperdument amoureux de la France, fasciné par l’architecture et l’opéra, le Bauhaus et le jazz, le design scandinave et la musique russe décida de s’affranchir du “costume-cravate” sans ne rien sacrifier à la distinction. « Mes vêtements, c’est le tissu et rien d’autre », clamait-il.
Après son divorce d’avec Schreiber, en raison de divergence de vues, Patric Hollington fonde sa marque et lui donne son nom. Il lui faut un lieu. Il choisit la rue Racine. Nous sommes en 1974 et, depuis, la boutique du VIE arrondissement de Paris n’a cessé d’oeuvrer afin de mettre en valeur ce style original reconnaissable entre tous. « Tout ce que Patric affectionnait de peintres, d’architectes, d’intellectuels se retrouvait dans sa boutique », nous raconte Hélène Pouppeville, la responsable phygital.
À cette époque, trois modèles émergent.
Hors du temps, ils sont emblématiques de la marque et toujours prisés aujourd’hui. La veste sans col, dite Nehru, le modèle à col charpentier et le gilet vingt poches ont acquis au fil du temps le statut d’icône de la griffe Patric Hollington désormais sous la responsabilité d’alban Decock. Le fameux vingt poches a été dessiné sur un coin de nappe de la Brasserie Balzar (Paris Ve) à quelques encablures de la boutique de la rue Racine. Autour de ce solide triptyque s’est constituée au fil des décennies une collection où chacun s’y trouvera. « Avec Hollington, vous êtes habillé différemment, vous êtes élégant, et il s’agit de votre style, explique Alban Decock. On vous regarde parce que vous détonnez un peu et vous conservez les codes de l’élégance masculine classiques. » Le chasseur, à l’affinité un tant soit peu artistique, appréciera la noblesse des étoffes et la résistance des tissus, comme il sera sensible à ces vêtements à la ligne rustique et authentique. La veste Savoie, par exemple, confectionnée dans des velours de laines grosses côtes, ou le modèle Odéon à col charpentier taillé dans des tweeds anglais, ou encore la veste Corrib saharienne en cuir de chèvre couleur sable auront sa préférence. Ceux qui poussent la porte du 9 de la rue Racine seront surpris de la prise en main qui leur est proposée. Longueur de manches de veste et celle des pantalons… tout est ajusté au magasin. « Les mesures standards ne conviennent pas à tout le monde. Souvent ce n’est pas terrible, confesse Alban Decock. La mise à la mesure rend une veste personnelle. Nous créons ici une intimité avec le client. » Mieux encore, le service my very own hollington (voir notre encadré page ci-contre) va lui offrir un ajustage totalement personnalisé.
Dans cette aventure formidable
qu’a menée Patric Hollington, la chemise est apparue un peu plus tard. « Au départ, Patric voulait se concentrer sur le vestiaire masculin, vestes et gilets », explique Alban Decock. Il eut l’idée de s’inspirer de la liquette –chemise très utilisée avant-guerre, boutonnée uniquement sur la partie supérieure.
« Quand on a un peu de ventre, les boutons qui bâillent c’est moche quand on s’assoit, me fait remarquer à juste titre Alban. La chemise remise au goût du jour par Patric se porte très facilement en dehors ou dans le pantalon. »
Et là aussi, la touche Hollington fait toute la différence. « Deux poches à la poitrine, toujours et bien sûr le pli d’aisance au dos et le double boutonnage au poignet », insiste Alban.
Ces détails, qui n’en sont finalement pas,
ont contribué au succès de la chemise Hollington, m’expliquent Alban Decock et Hélène Pouppeville. « Patric considérait la chemise comme un complément au vestiaire de ses vestes et gilets, et elle est devenue un vêtement principal. Un seul modèle existe. Nos clients l’apprécient, la trouvent aussi confortable qu’un tee-shirt et ne peuvent plus s’en passer. Elle se porte hors du pantalon, débraillée en quelque sorte, ce n’est pas grave. » Conclusion, l’élégance ne souffre pas d’incompatibilité avec la décontraction et le
fait d’être soi-même ajoute à la distinction. Si les chemises sont fabriquées avec des tissus londoniens, comme les imprimées Liberty reconnaissables à leurs fleurs, Hollington développe aussi des tissus. Par exemple, le jacquard composé de carreaux de couleurs pour les vestes col mao et les gilets. La marque a été pionnière sur des matières qui sont devenues très prisées par la suite. La veste doublée avec le même tissu fait partie des spécialités Hollington.
« La découpe du tissu et le façonnage sont deux étapes clés. C’est à ce moment-là que tout se joue, raconte Alban Decock. La couture est un métier inventif et très manuel, on ne se rend pas compte du nombre d’opérations nécessaires pour un vêtement, la main-d’oeuvre et le savoir
faire que cela induit, même pour quelque chose de simple. »
Toucher le tissu, participer aux opérations, Alban a un besoin vital de se trouver au coeur de l’ouvrage. Son destin de successeur de Patric Hollington semble avoir été écrit. Son histoire ? Il la résume avec une formule : « C’est le chauffeur livreur qui rachète la boîte. » Homme à tout faire à la boutique au début des années 1990, Alban Decock devient vendeur avant d’embrasser la carrière de prof d’histoire-géo. « Un jour, Patric m’a dit “Tu ne veux pas racheter la boîte ?”. C’est arrivé comme ça. »
Patric Hollington souhaitait que la marque lui survive mais ses enfants n’étaient pas intéressés. Il devint logique qu’alban la reprenne. Celui-ci accepta à une condition : « Que Patric reste avec moi, quand j’ai racheté en 2009 », explique cet autodidacte de la mode, originaire d’une famille de commerçants. « Je me définis comme le gardien du temple. J’adore autant le façonnage que la vente. Durant ces années, j’ai assimilé les codes de la marque et je me sens aujourd’hui très à l’aise pour les préserver et les adapter à l’air du temps sans ne rien dénaturer. »
Le charisme, le caractère, l’inventivité de Patric Hollington ont résonné chez celui qui était le plus proche de lui. Celui qui sut écouter, apprendre et accepter la transmission.
« Patric avait une perfection formelle qu’il n’imaginait pas. Une veste Hollington, comme un fusil Beretta, est reconnaissable entre toute. C’est cela le style. » Alors que nos économies traversent une période de crise sérieuse, il y a tout lieu de croire que la distinction et la créativité aideront à surmonter l’épreuve. Alban et toute l’équipe d’hollington se tiendront à cette ligne… de conduite.
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