Chasses Internationales

Gibiers avec un grand G en Écosse

En cette année 2020 très particuliè­re, j’ai eu la chance d’offrir deux grandes bouffées d’air pur, deux échappées belles en terres écossaises, au beau milieu de deux lockdown et autres restrictio­ns françaises et européenne­s.

- texte et photos Constant Boulard

Àu pays des moors, des grouses et du whisky, tout est mouvement, du ciel à la terre. Et, entre les deux, il faut avoir l’oeil. Les chasseurs que j’accompagne en sont bien conscients mais ne l’ont jamais expériment­é. C’est toujours enthousias­mant d’exaucer le rêve cynégétiqu­e de quelqu’un au paradis du petit gibier ailé. À savoir, lui faire chasser la mythique grouse. Le séjour de chasse sera aussi l’occasion de tirer d’autres gibiers, mais je vous en dirai plus… Avant même le départ, les esprits sont déjà en Écosse, bien que les pieds soient toujours rivés au sol français. Une inquiétude plane, notre voyage demeure suspendu aux décisions politiques. Elle est vite levée. Deux avions plus tard et aucun problème, nous foulons la terre écossaise. Le stress se dissipe laissant place aux sourires cachés derrière nos masques. Pas d’arrêt rituel dans un pub pour une rasade d’un bon whisky au goût de tourbe. Ils sont fermés ! Nous nous rattrapero­ns.

Après une heure de voiture, nous parvenons à un lodge du XVE siècle de charme et d’histoire dans le nord-est du comté d’inverness. Le poêle à bois ronfle fort dans la cuisine et répand une chaleur très agréable dans toute la maison. Nous déposons nos sacs, allumons la cheminée du salon et fêtons autour d’une table notre arrivée en Écosse. La nuit sera profonde. Le lendemain matin, après le rituel oeuf et bacon, nos guides arrivent. Tenues en tweed, cravate, bâton de marche, very scottish, isn’t it? Leur fort accent nous rappelle où nous sommes. L’armada de labradors du garde chef est prête. À ses côtés, son collègue est, lui, pro-springer. Tous les chiens sont au garde à vous, assis à attendre l’ordre de sauter dans le Defender afin de vivre leur “échappée” dans ces espaces si sauvages.

Répartis dans les deux 4x4, nous gravissons les collines et découvrons le ciel, l’air, la terre dont je vous parlais et le moor. Les premières braces de grouses décollent déjà au passage du véhicule anglais. Nous sautons hors du 4x4, nous équipons, les consignes de sécurité sont dispensées, la ligne est formée et nous avançons à pied dans les collines. Les premiers pas dans la bruyère surprennen­t. Le sol parfois sec,

parfois spongieux, s’avère plein de pièges. Jamais un pied peut être posé sereinemen­t, la végétation est instable. Après quelques centaines de mètres, le rythme est trouvé. Les premières grouses sont levées. Évidemment, elles en réchappent car beaucoup trop rapides. Ces oiseaux incroyable­ment sauvages sont de vraies bombes! Au décollage les grouses prennent déjà le vent. Les chasseurs ont l’occasion de tirer des compagnies qui longent la ligne de tir, les détonation­s sont nombreuses mais sans résultat. Le tir demande d’anticiper exagérémen­t le vol afin de pouvoir décrocher le graal. Les sourires illuminent les visages de chacun. Évidemment par la beauté des paysages, par l’organisati­on parfaite, par le déroulemen­t de la matinée. Mais aussi par le nombre d’oiseaux levés et enfin tirés. Ici une vérité règle la chasse : “Ne pas juger un raté de grouse avant d’avoir vous-même eu la chance de pouvoir vous mesurer à l’emblème écossais”… Néanmoins, certains d’entre nous s’offriront plusieurs doublés de grouses ; des doublés de pur plaisir.

Un casse-croûte dans un paysage féerique, des rires, des questions innombrabl­es aux guides, des caresses à nos chiens qui ont si bien travaillé (pas un oiseau de perdu), la pause méritée est aussi belle que la matinée de chasse. L’après-midi offrira autant de satisfacti­on.

Le lendemain matin, changement d’arme – cette fois des carabines en calibre 270 WM, avec ou sans bipied, avec ou sans silencieux –, changement de mode de chasse, changement de munitions. Tout change, hormis les guides, la motivation des chasseurs et les paysages. Les équipes se séparent chacun avec son guide pour la journée. Certains binômes partent en Land, d’autres en Argo, genre de quad passeparto­ut à huit roues. Les équipes prennent les quatre directions des points cardinaux, avec pour objectif de réduire la population de cervidés, très, voire trop importante sur le territoire. Les hardes font des dégâts considérab­les sur le biotope et la sylvicultu­re. Nous partons à pied en marchant dans les moors, la bruyère et l’horizon à perte de vue.

Des biches, des faons sont repérés à plusieurs centaines de mètres. Nous effectuons un grand détour, contournon­s les collines et tentons une approche. À bon vent mais encore bien trop loin, nous nous mettons à plat ventre pour… ramper au ras de la bruyère. Les trois cerfs en vue, trop occupés à bramer de tout leur poitrail, à se jauger, à courir derrière les femelles, ne soupçonnen­t pas ce qui se trame. Quel spectacle! Confortabl­ement allongés, les jumelles sur les yeux, invisibles des cervidés, nous admirons ces joutes au son du brame rauque des adversaire­s. Puis avec le guide nous entamons l’approche finale, espérons-nous.

Une légère butte à cinquante mètres nous servira de poste. Nous repartons à plat ventre. Sans un bruit, nous déplions le bipied et installons l’arme rayée. Une biche est désignée. Mais attention la queue de détente est sensible, un coup de doigt à cette distance, sera sans appel. Une légère pression, le coup porte. Grâce au modérateur de son, la harde s’éloigne sans être effrayée. La biche vacille et tombe. L’émotion et la joie envahissen­t mon chasseur. Il y a de quoi, la scène était grandiose.

Le retour vers le véhicule est très agréable et détendu. La biche est chargée dans l’argo et nous repartons dans ce décor bosselé. La chasse va se poursuivre. Certains vont tirer plusieurs animaux, d’autres iront se frotter à l’agilité des bécassines, bécasses et autres gibiers migrateurs dans un paysage tout à fait différent, au coeur des bocages, des ruisseaux et des forêts de pins.

Les journées s’enchaînent, toutes différente­s. Le troisième jour, une battue de haut vol – perdrix rouges, faisans et canards – est organisée. Tout est millimétré : les gardes tirés à quatre épingles, les chiens aux ordres dans un ballet orchestré. Les drapeaux fouettent l’air afin de pousser le gibier vers la ligne de tir, souvent placée en fond de vallon. Les hauteurs atteintes par le gibier sont stratosphé­riques. Certains faisans sont tout simplement hors de portée, mais les chasseurs les plus chevronnés décrochent parfois de jolis tirs.

À notre plus grand bonheur, nous vivons

une nouvelle chasse à la grouse dans les moors

et participon­s à des passées du soir aux canards et sauvagines. Le soir venu, la journée est décryptée au coin du feu avec de délicieux whiskys écossais. L’équipe compte quelques fous: réaliser le si difficile macnab en 2021 – pour les moins au fait, il s’agit, dans la même journée, de pêcher à la mouche un saumon, prélever une brace de grouse et tirer un cerf. Je leur laisse “un peu de mou” avant de leur dévoiler que je suis en mesure de concrétise­r leur rêve. Je vous laisse imaginer leur réaction !

Ainsi s’achève la première escapade, l’esprit libre et en terre sauvage car, une fois arrivés en France, nous sommes rattrapés par le climat sanitaire. Néanmoins cette évasion a chassé pour un temps dans la tête de chacun les contrainte­s dues à la pandémie. De mon côté, une joie en cache une autre puisque une seconde aventure perce le jour, non sans une certaine délectatio­n. Le meilleur antidote contre la chape de plomb.

ÉCHAPPÉE BELLE N° 2

C’est reparti! Me voici quelques semaines plus tard à Roissy-cdg avec d’autres chasseurs. Cette fois, je conduis mes amis dans le nord-est de l’aberdeensh­ire. Le transport aérien se déroule sans accroc. Les armes étant louées sur place, la tâche nous est rendue plus simple. Mon ami, et guide local, vient nous chercher à l’aéroport, quel plaisir de le retrouver, quel plaisir d’entendre son accent écossais et sa passion pour le gibier migrateur ! Seulement trente minutes de route et nous sommes au lodge. Le poêle (là ausssi) est allumé mais cette fois c’est une bière locale qui ouvre les débats. Et, pour accompagne­r nos discussion­s, une délicieuse odeur de cuisine chatouille notre appétit. Mes chasseurs interrogen­t notre hôte qui se garde de leur répondre. Le mystère ne se sera levé que le matin après une première nuit courte pour avoir veillé tardivemen­t. Nous grimpons dans le Defender, la remorque attelée est chargée de formes d’oies et embarque les labradors. Nous roulons quelques kilomètres dans l’obscurité totale, mon ami stoppe le véhicule avant de lancer : « Let’s begin the work ! » À chacun sa tâche. Certains assemblent les formes, d’autres les apportent à notre guide qui place savamment chacun des 300 leurres dans le champ d’orge. Le reste de l’équipe installe notre cache pour la matinée: une fois les filets de camouflage tendus, il faut les recouvrir d’herbe afin d’être le plus invisible possible. Il aura donc fallu une demi-heure de travail bien coordonné pour tout mettre en place.

Le véhicule est éloigné de la zone de gagnage des oies. L’aurore irise l’horizon, nous sommes prêts; les fusils semi-automatiqu­es en calibre 12 sont chargés de trois cartouches de plomb n° 3. Ces gros oiseaux sont si solides et lourds qu’il faut une charge suffisante pour les arrêter. Les premières lueurs jaune orangé réchauffen­t le coeur et les… mains. Puis viennent les premières oies solitaires. Elles volent et passent au-dessus de notre champ. Rapidement, des bandes arrivent, le guide joue de sa voix et de son appeau comme peu savent le faire. Les vols tournent, virevolten­t et descendent vers nos formes.

Les oies sont si proches, que nous entendons l’air passer à travers leurs plumes. Lorsque les oies à becs courts arrivent face au vent, et que les conditions sont réunies, l’ordre de tir est donné. Les premières salves se font entendre, mais rien ne tombe. On pense toujours ces gros oiseaux lents. Loin de là! Les premières cartouches sont manquées, trop en derrière de l’oiseau visé. Puis les tirs sont ajustés, se règlent et les premières oies tombent enfin. Les chasseurs découvrent les oies à bec court et les passent de main en main. Je discerne les sourires derrière les cagoules. La quête est belle et le poste idéal : nous faisons descendre vers nos formes probableme­nt 2 000 oies. Quelques-uns, emportés par la féerie, oublient que des chocs à répétition finissent par bleuir l’épaule… Midi sonne, nous levons le camp. Nous rangeons tout le matériel mais rien n’arrête les paquets d’oies qui continuent à

descendre vers le champ. En ramassant les innombrabl­es douilles qui jonchent le sol, je me rends compte que la première matinée a largement dépassé les espoirs de chacun pour la semaine.

Une petite sieste pour certains ou un café prolongé pour les autres après un solide déjeuner tardif et nous repartons pour une passée du soir. Nous découvrons une petite mare, quelques roseaux et un plan d’eau. Rien d’incroyable. Ma confiance envers mon ami guide est totale mais je sens que les chasseurs sont circonspec­ts. Pas longtemps. Le premier vol de colverts nous surplombe avant que les sauvagines ne se fassent entendre et… soient pris à partie. La passée est tout simplement folle. La quantité et la diversité de gibier d’eau laissent tout le monde rêveur. Durant une demi-heure, à un rythme cadencé, les coups claquent. Finalement la nuit stoppe cette chorégraph­ie; les armes sont déchargées et les retrievers prennent le relais. Leurs allers-retours nous laissent découvrir la diversité de canards tirés ce soir. Les yeux pleins d’étoiles, nous rebrousson­s chemin dans la nuit jusqu’au lodge.

Le lendemain, bécasse à la billebaude. Nous partons pour les forêts de pins et de bouleaux, que les dames des bois chérissent tant. Le panachage des fougères, des herbes hautes et des buissons est une aubaine pour elles et pour nous. Nous parcourons quelques bocages, faisons les haies, les lisières. Chacun tire sa carte du jeu. Bécasses, lapins, sarcelles, faisans, perdreaux gris, perdreaux rouges, bécassines, pigeons… que la chasse est belle ! Revoici la billebaude d’antan de nos pères et grands-pères dans les bocages normands ou picards. À la différence près que la qualité rime ici avec la quantité de gibier grâce à la gestion du territoire très stricte de mon ami.

Cette belle journée se conclut par une nouvelle passée. Nous sommes en place autour d’une petite mare, les sifflets de notre guide sont un vrai spectacle. Il passe en revue les appels de siffleurs, sarcelles, colverts… Les oies cendrées “accourent” les premières. Nous sommes retranchés dans les roseaux. Elles cassent bientôt leurs ailes et plongent en piqué. Nous surgissons et faisons mouche. Les doublés pleuvent après les triplés d’oies à bec court. C’est un festival de sauvagines, virevoltan­t, plongeant, montant en chandelle. La réussite dépasse tous les espoirs. Tant et si bien qu’au lodge ce soir-là, mes chasseurs bloquent une date en 2021.

Après la quête aux mordorées, les jambes lourdes, nous optons pour une nouvelle chasse à l’oie plus reposante, moins pour les épaules… Et en cette matinée, des milliers d’oies couvrent le ciel de leurs vols et de leurs cris. Ce spectacle est unique dont cette zone de chasse a le secret. La partie de chasse sera de toute beauté pour tous.

Le séjour de chasse se poursuivra sur le même rythme. L’intensité émotionnel­le des chasses et des fusils ne faiblira pas. Le groupe de copains se scindera à Paris sous un ciel bien moins clément car il faut à nouveau faire face à la triste réalité. Le nuage noir de la pandémie n’est pas dissipé, pas encore en tout cas, mais l’espoir est bien là. En 2021, il y aura bien d’autres embellies, nous retrouvero­ns le comté d’aberdeen, vaille que vaille !

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 1
1
 ??  ?? 2
1. Premier jour, nous apercevons les premiers vols de grouses sur le moor écossais. 2. L’indispensa­ble Defender, qui donne tant de sel à la chasse outre-manche. 3. L’écosse est un paradis cynégétiqu­e. Quelques braces de grouses en mains, je me réjouis ici du succès de mes clients. Il y a de quoi!
2 1. Premier jour, nous apercevons les premiers vols de grouses sur le moor écossais. 2. L’indispensa­ble Defender, qui donne tant de sel à la chasse outre-manche. 3. L’écosse est un paradis cynégétiqu­e. Quelques braces de grouses en mains, je me réjouis ici du succès de mes clients. Il y a de quoi!
 ??  ?? 3
3
 ??  ?? 1
1
 ??  ?? 2
1. Nous allons opérer une approche minutieuse, trois cerfs s’époumonent. En voici un aux côtés de biches non conquises encore. 2. Retour de battue de très haut vol sur des faisans, des perdreaux et des canards.
3. Nous avons soigneusem­ent préparé nos affûts et, aux premières lueurs, nous entrons dans le vif du sujet!
2 1. Nous allons opérer une approche minutieuse, trois cerfs s’époumonent. En voici un aux côtés de biches non conquises encore. 2. Retour de battue de très haut vol sur des faisans, des perdreaux et des canards. 3. Nous avons soigneusem­ent préparé nos affûts et, aux premières lueurs, nous entrons dans le vif du sujet!
 ??  ?? 3
3
 ??  ?? 1
1
 ??  ?? 1. Une constellat­ion d’oies, dans la matinée nous voyons un nombre incalculab­le de vols.
2. C’est aussi cela la chasse, l’engagement des labradors. Quel panache !
3. Une vraie billebaude d’antan dans sa diversité, la quantité en plus. Tout le secret de la gestion de mon ami sur place. 3
1. Une constellat­ion d’oies, dans la matinée nous voyons un nombre incalculab­le de vols. 2. C’est aussi cela la chasse, l’engagement des labradors. Quel panache ! 3. Une vraie billebaude d’antan dans sa diversité, la quantité en plus. Tout le secret de la gestion de mon ami sur place. 3
 ??  ?? 2
2

Newspapers in French

Newspapers from France