Chasses Internationales

La galerie Xavier Eeckhout

- par Éric Lerouge

Xavier Eeckhout a fait deux écoles. L’une est classique, l’autre empirique, expériment­ale plus aventureus­e. La première se vouait à l’immobilier la seconde à la sculpture d’art animalier. Il a éprouvé de l’affection pour la première, il s’est épris de la seconde dont la flamme plus passionnel­le l’a mené vers la profession de marchand d’art. Tout commence dans l’oise près de Senlis, la nature l’environne, la forêt, l’équitation, la chasse de petit gibier remplissen­t une vie à la campagne et au contact des animaux.

À son retour de l’armée en 1995 et après sa formation dans une école d’immobilier, il monte sa propre agence, mais observe un intérêt singulier pour les bronzes animaliers. Il se souvient: « à l’âge de 15 ans, j’avais acheté des éperons très jolis en argent sur une petite brocante et c’est l’ancien conservate­ur du musée Hermès qui me les avait achetés à 3 000 francs, une somme. Cette première vente a déclenché un déclic et j’ai compris que les petits bronzes que je convoitais pouvaient avoir une valeur ».

Le temps passe, qui se compte en quelques mois, puisqu’il installe très vite un stand d’antiquités aux Puces de Vanves, dans le XIVE au sud de Paris le samedi-dimanche. Pendant la semaine, il travaille dans l’agence qui tourne très bien, prend deux heures pour aller à Drouot, tous les mardis il chine à Neuilly, les mercredis à Sceau et les jeudis à Boulogne et Nanterre.

« J’ai décidé de revendre mes parts de l’agence. Je ne sais pas si c’était de l’inconscien­ce mais je n’imaginais pas que les débuts allaient être aussi durs. Fort heureuseme­nt mes parents m’ont aidé. Ma camionnett­e Renault Express m’a accompagné de 2000 à 2006, durant cette période compliquée… », dédramatis­e-t-il. En 2005, il s’installe rue Saint-lazare, « je vendais beaucoup mais rien de cher, une belle pièce par mois. En 2005, j’ai fait ma première exposition sur la sculpture animalière du XIXE siècle ». Après ce nouveau cycle de deux ans, il déménage au 8, rue de la Grange-batelière dans une petite boutique tout près de Drouot. Il va y gagner ses galons d’expert et, jusqu’en 2015, travailler­a aussi pour une dizaine de maisons de vente, Piasa, Morel, Audap & Mirabaud, Delvaux, l’hôtel des ventes de Senlis, puis Sotheby’s et Christie’s pour la sculpture animalière du XXE. « Ce qui change tout, ce sont les salons. J’ai été sélectionn­é pour faire la Brafa à Bruxelles en 2010, puis la Biennale de Paris en 2012 et la Tefaf de Maastricht en 2015. » Confronté à une clientèle internatio­nale sur des foires de l’art majeures, il fourbit ses armes, se fait un nom et prend acte du chemin parcouru depuis la porte de Vanves. L’instinct guidant ses intuitions, il traverse la Seine, change de rive et s’installe en 2018 au coeur de Saint-germaindes-prés dans 150 mètres carrés sur trois étages, non sans écraser une larme pour le quartier historique des antiquaire­s qu’il abandonne.

Nous y sommes. L’atmosphère y est tamisée. Des faisceaux de lumière exaltent tout un bestiaire de bronze, de plâtre, de pierre qui semble nous écouter doctement. Xavier Eeckhout, chemise blanche, pull gris col en V, jean anthracite, chaussure de cuir, est lové dans un fauteuil à ma gauche, prête beaucoup de soin à ses réponses, dans un timbre chaud. Autour de nous, sur les murs des dessins des oeuvres animalière­s de Mateo Hernandez (1885-1949), devant nous un joli bronze de Cerf couché de Marcel Lémar (1892-1941). Deux presque inconnus, deux coups de coeur de Xavier Eeckhout. C’est sa patte. S’il se passionne pour l’immense Rembrandt Bugatti, le génial François Pompon, les seconds couteaux mais prodigieux Charles Artus, Georges-lucien Guyot et Roger Godchaux, il possède ce don de braquer un projecteur sur des artistes qui deviennent valeur montante. « C’est en façonnant son oeil au contact des grands sculpteurs au musée d’orsay, à la Piscine de Roubaix ou au musée des Années 1930, que l’on décèle le beau, le pur et que l’on détecte la copie. Je souris aujourd’hui à l’idée des pièges dans lesquels je suis tombé. La signature, les arêtes, la patine, les fontes… sont autant de gages d’authentici­té. » Nous achevons notre conversati­on sur l’année sombre que nous vivons et l’espoir de revoir fleurir les salons dans un avenir proche. Xavier Eeckhout me tend un catalogue à la couverture de carton épais et recouvert d’une toile écrue, simplement intitulé Sculptures. Je quitte le 8 bis, rue Jacques-callot, jette un oeil sur une Tête de lionne de Guyot, il est bon de voir de l’art figuratif dans le VIE parisien. La perspicaci­té d’un homme a un côté céleste.

 ??  ?? 1. Biche axis aux aguets, bronze (49x59) de Rembrandt Bugatti (1884-1916) signé et numéroté 4. 2. Cerf couché, bronze (40x34,5) de Marcel Lémar (1895-1941) signé et numéroté 4.
1. Biche axis aux aguets, bronze (49x59) de Rembrandt Bugatti (1884-1916) signé et numéroté 4. 2. Cerf couché, bronze (40x34,5) de Marcel Lémar (1895-1941) signé et numéroté 4.
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