Spiritueux Les vodkas
Au pays du whisky roi (et des spiritueux vieillis sous bois), la vodka fait figure de mal-aimée. Peu considérée, peu consommée, elle est encore associée, à tort, aux soirées étudiantes très arrosées. Pourtant, de nombreuses marques, françaises en tête, lui redonnent toutes ses lettres de noblesse.
◆ Commençons par abattre un mythe : la vodka (“petite eau” en russe) de pomme de terre n’existe (presque) pas en dehors de l’allemagne et de la Pologne. Il y a bien eu une production d’eau-de-vie à base de pomme de terre dans ces pays aux XVIIIE et XIXE siècles (les céréales étaient alors réservées à l’alimentation afin d’éviter les famines) mais l’amidon nécessite des moyens importants et coûteux pour le transformer en alcool potable. Très rares sont les marques qui y requièrent. On en compte deux en France : Retha La Blanche (40 %), produite avec la variété alamaria, AOP pommes de terre primeurs de l’île de Ré; et Faronville (42 %). Cette distillerie, située entre Orléans et Chartres, a été créée en 2018 par un jeune couple d’agriculteurs, spécialisé dans la culture de la pomme de terre. Et Pauline et Paul-henri Leluc sont en train de donner un sacré coup de jeune à la vodka, avec un produit délicieux, du champ à la bouteille.
◆ Car le retour de la vodka au premier plan passe et passera par des spiritueux de qualité. C’est Grey Goose (40 %) qui a ouvert le bal. Créée en 1997 par un maître de chai réputé de Cognac, François Thibault, cette marque a lancé la catégorie des vodkas premium. Élaborée à partir d’une sélection des meilleurs blés d’hiver de Picardie et réduite avec l’eau pure de la source de Gensac-la-pallue en Charente, Grey Goose a connu le succès aux Étatsunis avant d’envahir le monde, des boîtes de nuit branchées aux plus prestigieuses tables étoilées, en passant par les bars à cocktails des grandes capitales occidentales.
◆ Les deux grandes rivales de la pionnière Grey Goose ont pour nom Belvédère (40 %) et Cîroc (40 %). La première est une marque polonaise (même si elle appartient aujourd’hui à LVMH), élaborée depuis 1993 à partir d’une variété ancienne, le seigle d’or de Dankowski, et s’approvisionne en eau dans un puits artésien. La seconde est une création 100 % française qui doit son succès à une innovation. Légalement, selon le règlement européen des spiritueux, une vodka doit être élaborée à partir d’un alcool neutre d’origine agricole. Dans la plupart des cas, cet alcool neutre est fabriqué à base de céréales (blé, maïs) ou de betteraves, deux matières premières très bon marché. Jean-sébastien Robicquet, le créateur de Cîroc, est parti d’alcool vinique, produit à partir des trois P du raisin – peau, pulpe, pépin – résidus de la vinification. Un coup de génie qui place très vite Cîroc dans le top des meilleures vodkas nouvelle génération. Autant pour sa qualité que par la pub créée par les marques concurrentes, qui saisissent la justice – en vain – pour interdire les vodkas de raisin. ◆ La brèche étant désormais ouverte, de nombreuses marques rivalisent d’ingéniosité pour s’imposer. Le Philtre (40 %), qui vient d’être lancé par les frères Beigbeder avec l’aide du même Jean-sébastien Robicquet, reprend la même recette mais propose une bouteille écoresponsable en verre recyclé du plus bel effet. Guillotine (40 %) et Veuve Capet (38 %), qui connaissent aujourd’hui un certain succès, communiquent sur l’origine champenoise (pinots noir et meunier, chardonnay) de leurs raisins. Guillotine a aussi décliné son produit en proposant Héritage (45 %), une version vieillie en fût de chêne, et en s’associant avec Petrossian pour une version infusée avec 20 grammes de caviar osciètre (40 %). Le caviar, c’est aussi le parti pris de la jeune marque L’orbe (40 %), lancée par Shéhrazade Schneider, jeune entrepreneuse de talent. Expérience de dégustation garantie.
◆ Tout aussi surprenant (et réussi), la distillerie Manguin, située sur l’île de la Barthelasse à Avignon vient de lancer Oli’vodka (42 %), une vodka distillée après l’infusion de trois variétés locales d’olives. C’est James Bond – grand amateur de vodka Martini (vodka, vermouth, olive) – qui va être content. ■