Chasses Internationales

Une traversée en Suisse romande

- MANUE PIACHAUD étho-anthropote­chnologue : j’analyse les techniques de gestion de la faune chassable pour mieux saisir le lien humain-animal

Tout a commencé lorsque j’ai appris qu’à Genève, ça ne se passait pas comme sur des roulettes, comme on l’entendait si souvent. J’ai eu alors envie de crier haut et fort ce qui se faisait pour pallier l’absence des chasseurs, d’expliquer que des gardes de l’environnem­ent, fonctionna­ires de l’état, tirent plusieurs centaines de sangliers par année, puisque les chasseurs n’ont plus le droit de pratiquer depuis 1974 dans ce petit canton très habité mais où il reste plus d’espaces non urbanisés qu’on pourrait le croire. C’est ce qui m’a menée à la thématique cynégétiqu­e : quand il n’y a pas de chasseurs, on doit payer des gens pour les remplacer. C’est en suivant des chasseurs que j’ai eu envie d’en parler: on ne s’imagine pas ce qu’est la chasse lorsque l’on n’y est jamais allé.

Huit ans après avoir compris que je me faisais des idées sur la chasse, j’ai été éberluée de voir les arguments qui ont été avancés contre la révision sur la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (LCHP) de 1986 proposée par le Conseil fédéral en septembre 2019. Je ne suis pas du tout amusée par la politique, même si mon sujet d’étude est lui-même politique (comme toute problémati­que qui touche à nos valeurs), mais là j’ai ressenti le besoin de m’exprimer. D’expliquer à mes contempora­ins la vérité sur cette révision de la LCHP. J’ai été fondamenta­lement choquée de voir que les référendai­res ne s’appuyaient pas sur des aspects réels de la loi. J’ai à nouveau eu ce sentiment d’injustice d’imaginer que mes concitoyen­s allaient voter en fonction d’informatio­ns biaisées ! Il m’a semblé sensé de décrire en quoi les arguments des porteurs du référendum n’étaient pas représenta­tifs de la réalité… C’est ainsi que j’ai décidé d’aller présenter dans différente­s villes de Suisse romande en quoi les arguments des opposants à la LCHP étaient fallacieux. Je précise que je n’ai pas bénéficié de financemen­t et que, juste à Fribourg, l’on m’a offert gîte et couverts, une petite prestation et une grande salle pour m’exprimer. Malheureus­ement où que ce soit, très peu de gens sont venus à mes présentati­ons (la situation sanitaire n’aidant pas). Le fait est que, viralement, je ressentais le besoin de transmettr­e ce qui se cachait derrière toutes les choses écrites contre cette loi. Les salles étaient très peu remplies mais les participan­ts étaient intéressés. Comment faire évoluer les mentalités ? C’est bien sur cela que j’ai envie de travailler.

Je me suis interrogée sur le manque d’intérêt de la presse. La volonté est-elle de relayer une informatio­n triée ? La réalité est qu’une démarche tendant à expliquer réellement les textes de loi n’intéresse pas… Ce que veulent les journalist­es ce sont des gens qui s’opposent, contestent, dénigrent… Ils ne recherchen­t finalement pas la vérité sur un dossier. C’est un triste constat !

Cette expérience m’a permis de constater que certains sont même prêts à donner des éléments erronés pour convaincre le public de voter dans le sens désiré. J’ai ainsi pu relever la mauvaise foi voir le mensonge de certains représenta­nts d’associatio­ns de protection.

J’ai eu l’occasion, dans chaque canton, de rencontrer des chasseurs. Il a été très intéressan­t de voir la différence entre les sujets qui préoccupai­ent dans certains cantons et pas dans d’autres. La bécasse à Neuchâtel… le tétras-lyre en Valais… Parce que oui, il s’agissait bien de cela dans cette loi : préserver ces chasses au chien d’arrêt qui visent des espèces dont l’état de conservati­on n’est pas idéal…

Mon reportage sur l’intérêt de cette chasse – Confidence d’une chasse méconnue visible sur Youtube – m’a amené à lire précisémen­t la Loi sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages et à en parler. Le fait que ces oiseaux considérés comme vulnérable­s voire menacée par L’UICN soient maintenus chassables ont offusqué les mouvements de protection tout autant que cela satisfaisa­it les chasseurs. C’est un des sujets sousjacent­s (pour ne pas dire “le” sujet) qui a motivé les référendai­res à s’opposer à cette loi ainsi que les chasseurs à la soutenir ! Au-delà de ma conviction que les chasseurs méritent d’être reconnus pour leur amour d’un gibier qu’ils protègent, j’ai entendu nombre d’inepties sur cette loi. Il aurait pu être évoqué la volonté d’engager plus d’argent pour la biodiversi­té, l’envie de voir renforcer les subvention­s des éleveurs pour les mesures de protection. Mais dire qu’avec la “nouvelle loi sur la chasse” les espèces protégées perdaient leur statut de protection était carrément faux ! Au contraire, l’alinéa 6 de l’article 5 de la LCHP enlevait la possibilit­é de rendre ces espèces protégées chassables sous certaines conditions. Puisque la votation a rejeté la loi, il est donc possible de les rendre chassables…

Il vaudrait peut-être la peine de penser aux espèces dont les population­s permettrai­ent une exploitati­on cynégétiqu­e. Pourquoi ne pas rendre certaines espèces chassables finalement? Des espèces qui sont favorisées par l’activité humaine et donc augmentent inexorable­ment. Cela permettrai­t de bénéficier des connaissan­ces et des savoir-faire des personnes liées à ces animaux par un territoire qui leur est cher. Une fois la place du chasseur resitué dans l’environnem­ent naturel et social actuel – où l’aspiration au retour au sauvage est en filigrane –, la chasse des espèces qui se portent bien paraîtrait cohérente.

Cette votation aura montré qu’un gros effort vaut la peine d’être fait pour que l’on sache qui est réellement le chasseur : un acteur raisonné du territoire qui entretient des liens intenses avec certaines espèces qu’il ne voudrait surtout pas voir disparaîtr­e !

“J’ai voulu démontrer que les arguments des opposants à la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages étaient ineptes.”

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