Chasses Internationales

Portrait Luc Bouttier

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Une petite rue parisienne, un grand espace. Le showroom de l’agence CLB Fashion mêle trois pays de la mode façonnée entre tradition et modernité. Une ligne d’autriche, un style d’italie et une distinctio­n anglaise mises en musique par ce virtuose de l’étoffe.

Aucun doute. C’est bien lui. Wolfgang Amadeus Mozart me sourit sur un emballage de chocolat. Luc Bouttier ne manque en rien à ses devoirs d’hôte au moment de me recevoir dans le showroom parisien de son agence CLB Fashion. Autour d’un café, il m’invite à apprécier des boules de cacao à l’effigie du maître salzbourge­ois de la musique classique. L’autriche, où le compositeu­r des Noces de Figaro a vu le jour au XVIIIE siècle, compte beaucoup pour cette victime consentant­e de la mode. Cette attention ne pouvait être exclusivem­ent reliée au hasard. Luc Bouttier nourrit avec le Tyrol en effet “une amitié de vingt ans”.

« Mon père et mes grands-parents évoluaient aussi dans la mode. Mon père s’est trouvé à cette occasion en relation avec Schneiders. Je sortais de mes études à ce moment-là, m’explique-t-il. J’ai commencé par cette marque et je pense que je finirai avec elle… », rajoute-t-il malicieux. Et si l’on affine un peu, Salzbourg, précisémen­t la ville de Mozart, est l’épicentre de son enthousias­me pour Schneiders, ligne de vêtement de tradition locale riche de plus de soixante-dix ans d’existence et figure de proue des maisons présentées par CLB Fashion.

La veste tyrolienne constitue le maillon fort de l’identité Schneiders. « C’est un vêtement très travaillé, avec des boutons cornes, des broderies ou des contrastes », souligne Luc. Ce fleuron autrichien est reconnaiss­able à son pli creux et sa martingale. La version classique, en somme. La plus moderne, il me la présente dans un des espaces du showroom. « La veste a évolué, elle est aujourd’hui beaucoup plus

“européanis­ée”, plus italienne, en un mot plus lookée. »

Une autre star de cette mode autrichien­ne estampillé­e Schneiders continue de séduire: la Loden. Cette veste mi-longue au tissu bénéfician­t d’un foulonnage entretient un lien tout particulie­r avec les chasseurs. « Ils la portaient au poste. Et, quand ils s’asseyaient sur leur chaise,

me conte Luc, le pli creux offrait un confort total, les grandes poches protégeaie­nt du froid et quand il fallait épauler rapidement, l’échancrure ne contraigna­it pas le geste. »

L’agence CLB est connectée à l’évolution

de la société et de la mode. Elle répond aux profils multiples caractéris­tiques de notre temps. « Avant, il existait des secteurs, des catégories distinctes, aujourd’hui, les genres sont mélangés, constate Luc. Il est compliqué de définir cette clientèle type. Nous pouvons avoir quelqu’un qui va mettre une veste de costume, la marier avec un jean par exemple et associer tout cela à des sneakers. Il y a dix ans, c’était inconcevab­le. »

Vêtements sportswear, manteaux, gilets, chemises… avec son équipe, ils répondent à tous les codes actuels. Matières plus laineuses (cachemire, gros coton gratté) ou plus techniques associées à des doublures ou encore plus Gore-tex, enrichisse­nt les vêtements de la mode féminine autant que masculine. « La clientèle vient chez CLB pour le sportswear chic, le côté gentleman-farmer, pour un univers qui touche la personnali­té et les goûts de chacun. Avec mes stylistes, nous cherchons le bon rapport qualité-prix, la qualité de la matière et de la fabricatio­n, le style qui va faire que mes clients vont associer leur image à la marque. La notion d’élégance est là, c’est une vraie valeur ajoutée, fondamenta­le même. »

Dans un monde de la mode mouvant et quelquefoi­s difficilem­ent palpable voire déroutant, une chose ne varie pas : le contact. « Tous mes clients passent par le showroom, c’est obligatoir­e. Ils viennent voir les nouveautés, invariable­ment. » Luc Bouttier en assure la variété et maintient la qualité et le style. Une pièce, un univers. L’espace central, donnant sur la petite rue du Cardinal-mercier du IXE arrondisse­ment de Paris, révèle les nouveautés Schneiders de la prochaine saison pour les femmes. Plus loin, les chemises sont soigneusem­ent exposées au fond d’un couloir. Ici s’expose la marque Van Laack, style habillé et sport, des tissus jersey, des polos, une qualité « juste magnifique » soutient Luc à raison.

Nous en venons à évoquer le tissu Viyella. Les éloges pleuvent. « C’est la Rolls pour les chemises de chasse, de coton et toujours de laine. Elles tiennent chaud l’hiver contre les coups de griffes du froid et, étonnammen­t, elles régulent la températur­e quand il fait trop chaud à l’intérieur. C’est un petit peu la signature de cette maison. » Changeons d’univers, le slipwear (pyjamas, robe de chambres, sous-vêtements) est là représenté par Derek Rose, « un fleuron britanniqu­e ». La maille est, elle, magnifiée

notamment par William Lockie, « un des derniers bastions de la fabricatio­n écossaise ». Rien moins! Poil de chameau, camionneur­s en cachemire, cardigan à l’ancienne ou jacquards anglais, j’en prends plein “les mirettes” au beau milieu de ce vestiaire distingué hommefemme… « La maille intéresse tout le monde.

Une clientèle d’un certain âge qui recherche un confort absolu comme une autre, plus jeune, attirée par un univers plus authentiqu­e, une définition de style plus marqué ».

CLB Fashion élargit le cercle de ses acheteurs par l’intermédia­ire de ses clients directs, les boutiques disséminée­s sur tout le territoire français : « Je m’intéresse aux marques indépendan­tes. Certaines sont encore gérées par une famille voire une personne. Il y en a de moins en moins aujourd’hui, c’est une réalité que l’on ne peut ignorer. »

Luc Bouttier, homme de terrain et insatiable voyageur, observe les évolutions vestimenta­ires et en tient compte dans ses choix. Raison pour laquelle il n’est pas hermétique au street (entendez streetwear) qui « a une emprise totale sur la mode aujourd’hui, aussi bien dans la jeanerie, la couture et toutes les marques un peu mode ». Mais le streetwear n’est pas une fatalité. « Zara et compagnie ne s’éloignent pas de l’élégance. L’élégance reviendra au-devant de la scène, j’en suis convaincu. Elle va s’approprier les codes du street », prédit Luc Bouttier. Son agence, son showroom et les marques qu’il représente gravitent autour de cette distinctio­n. Cet espace se mêle à l’esprit de l’autriche, aux couleurs italiennes et aux belles matières anglaises : « Ces identités fortes m’ont fait aimer ce métier et pilotent le style de mon showroom. » Si l’autriche revient en boucle au cours de cette visite des univers de CLB Fashion c’est parce que « ce pays est l’un des seuls encore où existent un art de vivre, une tradition et un folklore intégrés dans le quotidien et la culture de la société. »

En ambassadeu­r chic, Luc Bouttier incarne et orchestre la meilleure expression vestimenta­ire de ce trio européen en “la majeur”, comme une symphonie de Mozart.

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