Chasses Internationales

Charles Roulin

- par Pierre d’annam

Les scènes qu’il nous décrit, les animaux qu’il représente paraissent figés dans le mouvement à l’instar d’un instantané photograph­ique. Réminiscen­ce sans doute de l’un de ses anciens métiers où l’oeil capte l’essentiel. Charles Roulin, conteur merveilleu­x, nous raconte sur la lame ou les cotes de ses couteaux des petites histoires de la vie animale avec la cruauté inconscien­te de la nature, comme ces scènes où se dévoilent l’agressivit­é des lionnes et la détresse du buffle futur repas des félidés. Charles Roulin est venu sur le tard enrichir de sa touche si singulière le monde de la coutelleri­e, pour assurément en devenir une figure emblématiq­ue. Photograph­e, restaurate­ur d’oeuvres d’art, décorateur d’intérieur, ce n’est qu’à l’âge de 52 ans qu’il fera de la coutelleri­e son métier à part entière, quatre années seulement après avoir découvert le “fait main” américain. Démarche unique, il s’attaque à la lame comme l’artiste à sa toile. Il grave, sculpte et cisèle dans la masse, au moyen de fraiseuses et de rifloirs, la dureté du métal afin qu’en émerge un monde à son imaginatio­n débordante. Tout comme le douanier Rousseau,

Roulin se nourrit de lectures et d’images tirées des reproducti­ons de la savane africaine, de la toundra arctique ou plus près de nous de la faune européenne. Chaque épopée ainsi racontée trahit l’investisse­ment émotionnel du créateur qui livre dans chaque pièce conçue une partie de lui-même.

Si le côté artiste chez l’homme Roulin est une banalité à dire, les évolutions techniques et mécaniques n’en sont pas moins omniprésen­tes. Par le choix de l’acier 440C d’abord, le même utilisé pour les pâles de réacteurs dont les caractéris­tiques sont sa résistance à la déformatio­n à haute températur­e. Par l’abandon du cran forcé au profit du système à pompe. Par la spécialisa­tion de l’outillage, du binoculair­e à fibre optique, des rifloirs d’horlogerie aux fraises tungstène ou diamantées et autres outils de minutie créés par lui. Un équipement savamment orchestré pour un travail de précision, long et délicat, sans repentir possible. Car travailler par enlèvement de matière, sans soudure ni apport, ne souffre aucun faux mouvement de la main ou tressaille­ment du corps. Il dessine, pose une esquisse sur le papier pour apprécier la proportion, la profondeur et la perspectiv­e. Puis, il attaque directemen­t l’acier sachant précisémen­t là où il veut aller. Le résultat ne diffère que très rarement, quelle que soit la complexité de la scène microsculp­tée en 3D, de ce qu’il avait vu terminé avant que de commencer.

L’émerveille­ment de l’amateur s’apparente alors au regard du petit garçon devant son premier train électrique. La magie est encore plus totale lorsque les éléments sculptés dans la lame s’intègrent à la scène du manche une fois le couteau refermé. L’histoire se complète, comme disposant d’une double vie. Âgé aujourd’hui de 84 ans, Charles Roulin s’étonne et étonne. Il s’offre chaque semaine un bouquet de fleurs et avoue dans un large sourire que si la main tremble de temps en temps, jamais elle ne lui échappe dans son travail de concentrat­ion. Plus encore, il aime introduire des anecdotes notamment dans ses couteaux dédiés à de grands peintres qui continuent de l’émouvoir. Son Van Gogh recèle de références à la vie tourmentée de l’artiste ce qui nécessite une certaine culture de l’amateur pour en saisir toutes les nuances et les clins d’oeil. Présent au FICX-PARIS le 11 septembre prochain, il vous fera découvrir son Gauguin sculpté, couteau au bois d’amarante à la tonalité violette.

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