Chasses Internationales

Delphine Déramé

- par Éric Lerouge

Des oh, des ah, à chaque fois que j’ouvre mes boîtes de plume, je suis envahie par la beauté des dessins et des couleurs que la nature a secrètemen­t esquissés. Sa maison atelier de Thouaré-sur-loire en pays nantais est dépourvue de coffre-fort. Pourtant elle abrite des trésors : ses plumes, un savoir-faire et l’enthousias­me de la création. Delphine Déramé est une toute jeune dans le métier et à la fois capée… Elle récoltait déjà des plumes dans sa plus tendre enfance dans la ferme d’élevage de volaille en plein de champs de ses parents en Bourgogne mais ne s’est lancée dans l’aventure de la plumasseri­e qu’il y a peu finalement et a créé son enseigne, Fleur de plumes, en octobre 2019. Ses deux lignes de vie n’en ont fait qu’une le jour où, lassée de courir après quelque chose qui ne lui était plus sien – elle était directrice de clientèle pour un grand groupe agroalimen­taire –, elle a décidé que cet autre soi, ce goût pour l’univers de la plume, lui apporterai­t tout ce dont elle avait besoin: la créativité, l’expériment­ation, l’élaboratio­n d’une marque, la sienne. Cette aspiration s’ancre avec la rencontre à 15 ans d’une plumassièr­e, Claudette Joyeux qui venait s’approvisio­nner à la ferme. Elle lui enseigne un geste qui lui permet de confection­ner des fleurs, qui, à leur tour, financent ses études. Bien qu’elle coure entre sa vie profession­nelle et celle de maman, elle cultive les bienfaits que lui procure la réalisatio­n de fleurs. Et puis germe une idée. Tout lâcher ! Et faire coïncider son attrait pour la nature, la respecter et en finir avec le négoce de l’agroalimen­taire pas toujours conforme avec ses conviction­s, elle qui a été élevée au grand air n’est pas dupe.

« J’ai décidé de suivre une formation au Lycée Octave-feuillet à Paris, qui forme les plumassier­s. Aujourd’hui nous sommes une cinquantai­ne, il y a très peu de temps il en restait six. Nous devons ce renouveau à Nelly Saunier et Dominique Pillard, avec qui je nourris un contact permanent. » Elle va tester et vérifier sur un salon que ses créations ne sont pas rejetées par une morale sur le bien-être animal qui peut être dévastatri­ce. Ses fleurs, sa démarche, son engouement plaisent! Pur hasard, Claudette Joyeux lui propose un jour son stock de plumes avant de mettre un terme à son activité. Sinon tout part chez Jean-paul Gauthier ! Plumes de pintade vulturine, de faisans argus géant, crossoptil­on et tragopan, de nandou… les boîtes de Claudette enferment un trésor inestimabl­e. C’est un nouveau pas vers la constituti­on de ce qu’elle a mis en route.

Son atelier lumineux de vingt mètres carrés en mezzanine accueille son imaginaire. Son couteau à friser, celui à parer, les ciseaux, la pince du fourreur, la pince à épiler et sa main travaillen­t à l’unisson de son univers poétique. Sa création est cadencée par sa production et le réapprovis­ionnement de sa réserve. De septembre à la mi-janvier, les chasseurs lui fournissen­t les plumes de faisan, de perdrix, de bécasse, de canard… Les parcs et les propriétai­res d’oiseaux participen­t aussi à l’enrichisse­ment de sa collection en plumes de geai, de pigeon, de perroquet… Elle s’abstient de se fournir en plume de Chine ou d’afrique parce que le marché manque de transparen­ce. « De rencontre en rencontre, je vais bientôt faire la connaissan­ce de bijoutiers nantais à la retraite. Je décide alors de sublimer mes plumes par la bijouterie et j’ai acheté leur fonderie d’étain. »

Aujourd’hui dans son garage avec ses moules en silicone, elle fond l’étain dans son four, ébarbe les petites pièces et les envoie chez son argenteur à Lyon. Des manchettes, des boucles d’oreilles, des bagues d’une incroyable beauté trouvent alors une quintessen­ce complèteme­nt naturelle. C’est certaineme­nt dû à l’exigence à laquelle elle s’astreint afin que chaque bijou soit le calque de son imaginaire. Graphique, colorée, ferme, plus souple, chaque plume est associée dans un soin et une précision d’horloger jusqu’à ce que le beau affleure. L’artisanat d’art répond à un appel, une foi, une culture, une transmissi­on, une observatio­n, que la sensibilit­é de Delphine Déramé panache dans la grande tradition des plumassier­s.

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