Sweet home Faïencerie de Gien
Le bicentenaire, ce n’est pas juste une rétrospective ! Yves de Talhouët (photo) réapparaît dans l’embrasure de la porte de son bureau et me présente le dernier-né de la manufacture : un vase Jardin de Kyoto de plus d’un mètre de haut. L’objet, inspiré d’une urne de 1878, est magistral. Ses motifs épurés – fleurs de cerisiers bleu camaïeu, roses et orangées sur fond céladon – rappellent les porcelaines chinoises des origines. « C’est une des rééditions de pièces anciennes pour nos 200 ans. Une série limitée à vingt exemplaires, numérotée et estampillée
“Gien 1821-2021” », souligne le président de la Faïencerie, aux manettes depuis sept ans.
Nuances subtiles et lumineuses, finesse, rondeur et douceur du volume… l’effleurement du bout des doigts de la matière de ce Kyoto s’impose comme une caresse interdite. « L’élégance à la française, le foisonnement dans la couleur, suivre les tendances en restant fidèle au passé : c’est cela Gien ! Du rêve, de la douceur, de la gaieté, de la chaleur… La faïence est sensuelle, douce à la main et chaude à la lèvre. C’est une âme intemporelle, une touche unique à laquelle nous consacrons beaucoup de temps ».
Ouverte aux aquarellistes, peintres, céramistes et autres designers, la Faïencerie de Gien cultive depuis toujours des partenariats artistiques afin de stimuler la créativité de l’entreprise, membre de l’illustre Comité Colbert et labellisée Entreprise du patrimoine vivant. Ainsi sont nées des pièces et services emblématiques peints à la main inspirés de la Renaissance italienne comme les Pivoines de 1875 – dont la déclinaison japonisante fait l’objet aujourd’hui d’un timbre Pivoines bleues pour le bicentenaire –, mais aussi Les Grands Oiseaux de Félix Braquemont, Chevaux du vent de Marine Oussedik, Rambouillet de Jean Bertholle – commandée par le président René Coty en 1958 –, Sologne, service animalier dessiné par Estelle Rebottaro, Chambord, mariage moderne du noir et blanc du photographe Georges Carillo, et, qui sait, peut-être les créations à venir des trois artistes internationaux du bicentenaire qui interviendront chacun sur deux pièces hors norme. « Cela participe du rebond de la Faïencerie, comme la restauration du musée inauguré en fin d’année. »
L’excellence, la Faïencerie la façonne à deux pas du musée dans des ateliers presque d’un autre âge où des maîtres faïenciers perpétuent, pour la plupart, les mêmes gestes qu’il y a deux cents ans : mélange des onze terres différentes pour la préparation de la matière et de la barbotine, coulage, modelage, cuissons des biscuits, garnissage, ébarbage, émaillage, peinture à main levée et depuis un temps plus récent la chromolithographie… Une orchestration de gestes techniques et précis qui sculptent, habillent et subliment. « Gien, c’est la marque de la couleur et du décor qui sait se moderniser sans perdre son âme, poursuit Yves de Talhouët. Si l’art de la table reste notre racine, nous sommes aussi présents dans tous les domaines de la décoration ».
Avec 700 000 pièces produites par an dont 15 % pour le marché américain, la Faïencerie est 100 % séduisante : des tables d’aristocrates et de l’orient Express hier à celles de l’élysée et de personnalités en vue aujourd’hui. Je ne serai pas là pour le tricentenaire, il y a de grande chance que la Faïencerie le fêtera !
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