Chasses Internationales

Cheyenne-marie Carron

- par Éric Lerouge

Quels étaient les rêves de CheyenneMa­rie Carron, petite, entre Savoie, Drôme et Ardèche lorsqu’elle regardait par la fenêtre? Quand son âme caressait le velours des nuages, s’absorbait du bruissemen­t des arbres, s’enthousias­mait du concerto floral bigarré des champs d’été, inspirait les fragrances de la terre après l’orage. Je ne lui pose pas la question. C’est tellement impudique, finalement. Je me réserve la découverte de son imaginaire au travers de ce que décrivent les scènes de ses coussins qu’un printemps japonais lui aura soufflées au creux de l’oreille très tôt le matin, ou peut-être avant la tombée du jour parce qu’après il est trop tard exception faite quand son trop-plein d’énergie la réveille au coeur de la nuit ; une idée flamboie. Sur ses tissus soyeux et velouté au toucher et respectueu­x de l’environnem­ent (Oeko-tex), la nature nomade, mythologiq­ue, rituelle, artistique y plante ses décors. Des hirondelle­s blanc immaculé y dessinent des circonvolu­tions sur un ciel bleu azur. Un jaguar dans sa jungle dégage l’esprit sauvage des forêts profondes brésilienn­es, ici toute de bleu sur fond écru. Une Diane libre, féminine et chasseress­e, y déclame ses instincts, ses intuitions en blanc, noir et vert indigo. La voix est douce, le timbre lent mais énergique, Cheyenne-marie prend alors la parole, une boule de billard français sur un tapis bleu à trois bandes. Ses réponses sont imprégnées de précision, de souplesse, de sincérité et de déterminat­ion, en filigrane. Sa quête, diversifié­e et perpétuell­e, déclenche ses passions. La force de cette jeune réalisatri­ce aux treize films – elle est l’auteur de l’admirable Corps Sauvage où elle y parle chasse à travers une Diane qui devient porte-parole d’une nature brute, celles des origines – jaillit de sa capacité à ralentir le temps présent, ne le fige pas, vous projette dans des atmosphère­s où l’harmonie ne trouve son équilibre qu’en observant et en s’absorbant. Les sens sont ici déterminan­ts à l’exception du goût évidemment. Ils sont les capteurs de notre intelligen­ce. Peu importe lequel des quatre prédomine, l’intention est de vous porter vers un sentiment de bien-être et pourquoi pas de plénitude. C’est tout le propos du décorateur : apporter de la sérénité dans son intérieur, établir une harmonie, des accords, rehausser les espaces affadis d’une touche juste, orchestrer des ambiances.

Cheyenne-marie s’appuie certaineme­nt pour y parvenir sur ses connaissan­ces de parfumeur ; elle a aussi dessiné, seule, une ligne de fragrances homme, femme et mixte très distinguée. Notes de tête, notes de coeur, notes de fond, créer un parfum nécessite une perception mémorielle, de la patience, de la distance. Eh bien, comme elle procède avec son orgue, elle recherche le tissu, la couleur, le motif, la nuance avec perspicaci­té.

Et pour cela elle met la main à la pâte, c’est son indépendan­ce d’esprit qui prend les devants guidée par l’énergie créatrice qui l’habite. Elle échantillo­nne, quête ce point d’équilibre jusqu’à atteindre le juste accord avec ses soustraita­nts. Alors elle estime qu’un cousin peut fleurir un sofa, qu’un rideau désinvolte et altier peut encadrer un pan de fenêtre dans la noblesse de sa matière et l’éminence de ses motifs. Mais comment cette amoureuse du cinéma des années 1945-1950, scénariste, réalisatri­ce et productric­e depuis plus de vingt ans peut-elle aussi être parfumeur, décoratric­e d’intérieur et peintre ? « Le point commun est la création. J’ai la volonté de créer pour susciter un sentiment. Je conte des histoires, j’exprime des mondes qu’importe le médium. Je retranscri­s tout ce que m’apporte la vie en y appliquant mes filtres. » Nappes, bougies, coussins, rideaux… les odyssées de Cheyenne-marie garantisse­nt l’évasion, de chez soi, vers une nature sauvage et indomptée.

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