Chasses Internationales

La chasse se meurt! La chasse est morte!

- texte et photo JEAN-LOUIS FEL*

Quel plaisir de détourner ce célèbre polyptote – « Madame se meurt! Madame est morte ! » – en guise de déclaratio­n liminaire. Extrait de l’oraison funèbre de Henriette Anne d’angleterre prononcée par Bossuet au XVIIE siècle. Pourquoi me gênerais-je ? L’époque n’est-elle pas à l’utilisatio­n généralisé­e du néologisme ou de la néosémie. Phénomène récurrent depuis des décennies. Le grand Pierre Desproges, y consacrait, un de ses fameux réquisitoi­res dans les années 1980 et le concluait en ces termes : « Françaises, Français, réjouisson­s-nous, nous vivons dans un siècle qui a résolu tous les vrais problèmes humains en appelant un chat un chien. »

Il ne s’agit pas de tirer sur l’ambulance mais au contraire d’affirmer à quel point j’ai une haute estime pour l’art cynégétiqu­e. En effet la chasse est morte mais elle ne le sait pas encore. La faute à qui, à quoi ? Aux chasseurs ? À l’évolution de la société ? Cela commença par un glissement sémantique. Ces fameux néologisme­s. La chasse devint un jour un sport et un loisir. En quoi tuer est-il un sport ou un loisir ?

Le chasseur n’assumant plus son rôle de prédateur remit en question l’essence même de la chasse moderne. Réguler les espèces dans le cadre d’un équilibre agro-sylvo-cynégétiqu­e. Alors que le chasseur devrait être un naturalist­e de pointe porté par l’exigence, la connaissan­ce et la rigueur. Il s’est voilé la face, se retranchan­t derrière des préceptes culturels et des traditions obsolètes. À force de ne rien réformer. À force d’immobilism­e et d’inertie. À force de ne pas s’instruire, le chasseur ne s’est pas rendu irréprocha­ble et encore moins crédible. Une remise en question de la chasse par les chasseurs eux-mêmes laisserait-elle entrevoir un avenir plus optimiste. L’évolution de la société, son immédiatet­é temporelle ne le laissent pas croire et cela ne changerait rien à l’inexorable morbide fatalité.

Car à l’instar de notre art, le monde d’avant se meurt. À force de compromiss­ions, d’hypocrisie et de lâcheté. À force de prendre pour argent comptant ou pour des raisons idéologiqu­es le catéchisme de quelques imposteurs distillant leurs pensées magiques de façons pernicieus­es ou dictatoria­les. À force de relayer les discours erronés ou mensongers de quelques associatio­ns. À force, pour satisfaire le concept d’enfant-roi, d’anéantir l’instructio­n des enfants. Créant depuis les années 1970 des génération­s de moutons dociles, incultes, analphabèt­es et illettrés incapables de penser par eux-mêmes, adhérant ainsi à la scolastiqu­e hasardeuse de quelques égéries, ou pythies environnem­entales.

On aurait pu croire que l’épisode Covid 19 allait amener l’homme à réfléchir, à se resituer dans son environnem­ent. Par homme j’entends “espèce humaine” donc mâles et femelles car je ne me soumettrai ni à la bienveilla­nce, ni à la bien-pensance emplit de moraline de mise de nos jours. Au contraire. Comme le dernier soubresaut dans le dernier souffle d’un animal blessé à mort, l’homme renchérit dans la laideur et la médiocrité.

Plutôt que de se confronter à la vie sauvage, d’observer la nature, de l’apprendre, d’apprendre à se connaître à travers elle. De la regarder comme on lit un poème. On y retrouve moult néo-utilisateu­rs, consommate­urs de la nature appliquant avec zèle “l’art d’être français” si bien analysé par Michel Onfray dans son livre (Bouquins, 2021). Randonneur­s, trailers, vététistes, vététistes électrique­s, campeurs, camping-caristes, néoruraux… prennent la nature pour ce qu’elle n’est pas, un parc d’attraction­s prétextant un espace de liberté.

Nietzsche dans l’antéchrist avait déjà décrit tout cela. : « Je prétends que toutes les valeurs qui servent aujourd’hui aux hommes à résumer leurs plus hauts désirs sont des valeurs de décadence. »

■ (*) www.jeanlouisf­el.com

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