La chasse se meurt! La chasse est morte!
Quel plaisir de détourner ce célèbre polyptote – « Madame se meurt! Madame est morte ! » – en guise de déclaration liminaire. Extrait de l’oraison funèbre de Henriette Anne d’angleterre prononcée par Bossuet au XVIIE siècle. Pourquoi me gênerais-je ? L’époque n’est-elle pas à l’utilisation généralisée du néologisme ou de la néosémie. Phénomène récurrent depuis des décennies. Le grand Pierre Desproges, y consacrait, un de ses fameux réquisitoires dans les années 1980 et le concluait en ces termes : « Françaises, Français, réjouissons-nous, nous vivons dans un siècle qui a résolu tous les vrais problèmes humains en appelant un chat un chien. »
Il ne s’agit pas de tirer sur l’ambulance mais au contraire d’affirmer à quel point j’ai une haute estime pour l’art cynégétique. En effet la chasse est morte mais elle ne le sait pas encore. La faute à qui, à quoi ? Aux chasseurs ? À l’évolution de la société ? Cela commença par un glissement sémantique. Ces fameux néologismes. La chasse devint un jour un sport et un loisir. En quoi tuer est-il un sport ou un loisir ?
Le chasseur n’assumant plus son rôle de prédateur remit en question l’essence même de la chasse moderne. Réguler les espèces dans le cadre d’un équilibre agro-sylvo-cynégétique. Alors que le chasseur devrait être un naturaliste de pointe porté par l’exigence, la connaissance et la rigueur. Il s’est voilé la face, se retranchant derrière des préceptes culturels et des traditions obsolètes. À force de ne rien réformer. À force d’immobilisme et d’inertie. À force de ne pas s’instruire, le chasseur ne s’est pas rendu irréprochable et encore moins crédible. Une remise en question de la chasse par les chasseurs eux-mêmes laisserait-elle entrevoir un avenir plus optimiste. L’évolution de la société, son immédiateté temporelle ne le laissent pas croire et cela ne changerait rien à l’inexorable morbide fatalité.
Car à l’instar de notre art, le monde d’avant se meurt. À force de compromissions, d’hypocrisie et de lâcheté. À force de prendre pour argent comptant ou pour des raisons idéologiques le catéchisme de quelques imposteurs distillant leurs pensées magiques de façons pernicieuses ou dictatoriales. À force de relayer les discours erronés ou mensongers de quelques associations. À force, pour satisfaire le concept d’enfant-roi, d’anéantir l’instruction des enfants. Créant depuis les années 1970 des générations de moutons dociles, incultes, analphabètes et illettrés incapables de penser par eux-mêmes, adhérant ainsi à la scolastique hasardeuse de quelques égéries, ou pythies environnementales.
On aurait pu croire que l’épisode Covid 19 allait amener l’homme à réfléchir, à se resituer dans son environnement. Par homme j’entends “espèce humaine” donc mâles et femelles car je ne me soumettrai ni à la bienveillance, ni à la bien-pensance emplit de moraline de mise de nos jours. Au contraire. Comme le dernier soubresaut dans le dernier souffle d’un animal blessé à mort, l’homme renchérit dans la laideur et la médiocrité.
Plutôt que de se confronter à la vie sauvage, d’observer la nature, de l’apprendre, d’apprendre à se connaître à travers elle. De la regarder comme on lit un poème. On y retrouve moult néo-utilisateurs, consommateurs de la nature appliquant avec zèle “l’art d’être français” si bien analysé par Michel Onfray dans son livre (Bouquins, 2021). Randonneurs, trailers, vététistes, vététistes électriques, campeurs, camping-caristes, néoruraux… prennent la nature pour ce qu’elle n’est pas, un parc d’attractions prétextant un espace de liberté.
Nietzsche dans l’antéchrist avait déjà décrit tout cela. : « Je prétends que toutes les valeurs qui servent aujourd’hui aux hommes à résumer leurs plus hauts désirs sont des valeurs de décadence. »
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