Chasses Internationales

Yoyo administra­tif

- MANUE PIACHAUD étho-anthropote­chnologue (techniques de gestion de la faune chassable pour mieux saisir le lien humain-animal)

Quelle peut être la réaction d’un non-chasseur quand il apprend qu’un État a encore changé d’avis ? Pas une fois mais trois fois en moins de trois mois sur le même sujet ! Quelle peut-être son impression quand il voit qu’en une manifestat­ion la roue peut tourner en faveur d’une infime partie de la population ? Comment peut-il réagir quand il entend que finalement, après des sollicitat­ions fortes de Onevoice et la LPO, il a finalement été décidé que les quotas d’oiseaux ne devaient pas être accordés. Comment ne pas trouver la situation comique voire ridicule ?

Quelle amertume a pu émerger lorsqu’il est ressorti que les chasseurs arrivaient à faire changer le gouverneme­nt d’avis par une manifestat­ion de 50 000 personnes ? Quelle incompréhe­nsion a dû émerger de savoir que les chasses traditionn­elles allaient reprendre quelques jours finalement ? Mais qui le savait ? Certains ont cru que leurs coutumes avaient encore un avenir possible. Tout ça a donné l’impression que le lobby des chasseurs restait important, que son poids politique était une réalité… alors qu’il n’en est rien! La suppressio­n de la capture aux gluaux l’a montré (lire ma chronique dans le dernier numéro). Encore une fois les chasseurs y ont cru, encore une fois ils ont été trompés… Cela a juste permis de donner l’impression que les mouvements des chasseurs ont bien plus de poids que 80 000 manifestan­ts qui demandent la liberté de respirer sans masque et/ou de ne pas être obligés de se vacciner. Cela a juste pu faire éclore une rancoeur chez le non-chasseur peu intéressé, qui voit ça de loin et n’y connaît rien. Le 26 octobre, le juge des référés du Conseil d’état a donc tranché en suspendant « en urgence » les autorisati­ons de prélèvemen­ts de plusieurs oiseaux (grives, merles noirs, vanneaux, pluviers dorés, alouettes des champs) par des techniques de chasses traditionn­elles, alors que les arrêtés d’autorisati­on du gouverneme­nt venaient d’être publiés.

Que doit penser ce non-chasseur face à un État qui joue au yoyo ? Celui qui apprend par voie de presse que ces chasses traditionn­elles sont à nouveau autorisées (le 18 septembre après avoir été suspendue le 6 août) puis de nouveau interdites. Il y a le sceptique qui se dit peut-être que les chasseurs ont tout pouvoir dès qu’ils se mobilisent en nombre. Celui-ci s’était déjà probableme­nt fait la remarque lors du confinemen­t d’octobre 2020 que les chasseurs avaient un droit démesuré d’aller dans les bois alors que la consigne était de rester chez soi ! Peut-être aura-t-il un jugement définitif à l’encontre de la chasse sans se renseigner. Mais il y a aussi celui qui sourit à voir l’état faire n’importe quoi: interdire, autoriser, suspendre. Cela n’est pas sérieux, vraiment !

Comment le grand public peut-il se faire une idée véridique face à l’informatio­n véhiculée ? Je suis convaincue que ce n’est qu’en voyant de près les pratiques de la chasse qu’il peut comprendre qu’elles ne mettent pas en danger la biodiversi­té.

Les chasses traditionn­elles ne sont pas barbares. Elles font perdurer des savoirs ancestraux sur la chasse d’oiseaux sans faire appel aux armes à feu. Elles nourrissen­t un lien proche avec les animaux qu’elles ciblent. Leurs gestes sont précis. Leurs prélèvemen­ts minimes. Cette passion fait partie de la vie de ces chasseurs qui sont prêts à sauver leur pratique à tout prix ! Le président de la fédération de chasse du Lotet-garonne directemen­t concerné a même appelé à ne pas respecter les décisions du Conseil d’état. C’est un acte de résistance en soi. Car ces chasses sont le noyau du monde cynégétiqu­e français; à leurs origines et jusqu’à la Révolution, elles étaient pratiquées par le bas peuple qui n’avait ni chiens ni faucon. Malgré la démocratis­ation des armes et l’améliorati­on de leur précision, les chasses aux pantes, matoles et tenderies n’ont pas disparu grâce à quelques férus.

Qui leur a donné la parole une seule fois pour qu’ils l’expliquent ? Qui est convaincu de l’impact positif que peut avoir leur discours sincère? Comment faire prendre conscience que ce n’est pas par une bataille “juridico-politique” que ces chasses seront sauvées mais par une informatio­n claire et récurrente auprès du grand public? En écoutant un passionné, il devient possible. De comprendre même si l’activité ne nous donne pas envie. J’ai pu vérifier que l’intensité de l’amour d’un mode de chasse se voit dans le regard des passionnés. Ils en vibrent plus qu’ils ne peuvent l’expliquer mais en les regardant faire on ne peut qu’être sensibilis­és.

Les premiers à inciter à aller sur le terrain sont sans aucun doute les membres du Conseil d’état. Ceux-là mêmes qui ont déjà supprimé la capture aux gluaux convaincus qu’elle n’avait plus sa place dans notre époque. Mais comment acter une vérité alors que les faits n’ont pas été vérifiés sur le terrain ?

Ces décideurs semblent moins croire en la valeur culturelle de ces chasses et plus prompts à les juger cruelles ! Il est urgent que les chasseurs se montrent prêts à montrer ouvertemen­t à tous leur pratique pour être compris et non plus salis et que la presse en soit mise au courant. Il est urgent que le public entende la parole de ceux qui sont tant dénigrés. Il est urgent enfin que l’image de la chasse ne soit plus seulement basée sur la seule perception de journalist­es influencés et mal informés.

Qui a donné la parole aux chasses traditionn­elles ? Qui est convaincu de l’impact de leur discours sincère ? Le grand public doit être informé clairement.

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