CULTURE FLORENCE CADÈNE
Entre les sourires de marbre et les consciences porcelainées, soudain, une folle envie de vivre. Spontanément. Sans autorisation ni préavis, sans code fossoyeur de déontologie, sans droit oublieux de tous les devoirs. Parce que la vie, comme la pensée, est une énergie dont l’essence est le mouvement. Même l’hibernation est une action au ralenti. Celui qui attend n’est déjà plus ; celui qui ne pense plus l’est tout autant. Alors, empruntant les failles d’un système extatique, en voiture, direction les Yvelines, un samedi matin très tôt, à rebours de l’existence. Partout l’hystérie, puis Bouafle, village tranquille et son clocher au cadran insoucieux du temps qui passe. Sur toutes les lèvres un seul mot, stroboscopique, imprimé dans tous les esprits, sauf ici peut-être… Ouvrez les yeux...
Nous arrivons chez Florence Cadène. Un portail s’ouvre sur un moment d’humanité pour un rafraîchissement de l’âme devenu nécessaire: c’est un jardin ensauvagé où trois petits chiens arrivent bientôt, folâtres, au clapotis d’une fontaine solaire tournoyant dans une grosse bassine en zinc au-dessus de poissons rouges parmi de petits bambous. Entendez le vent qui respire. Il est là le souffle de vérité : à l’air libre. Doucement, les rayons du soleil pénètrent à travers les vitres de l’atelier cathédrale adossé à la maison et révèlent les oeuvres fleurissant sur les hauts murs de pierres anciennes : zèbres, girafes, panthères, ours, éléphants, quelques portraits… autant de souvenirs de Zanzibar, du Kenya, du Sri Lanka…
« Il y en a beaucoup moins, explique Florence, car un marchand de tableaux m’en a pris une vingtaine cet été. » Combien de temps met-elle pour achever une oeuvre ? Des mois, parfois plus. Elle peut initier une toile et revenir dessus des années après, une fois qu’elle a trouvé la solution. Pour Florence, oiseau de nuit, le temps semble elliptique : elle vient d’achever sa meute de lycaons après trois années de lente maturation sans que sa composition n’en soit heurtée. Bien au contraire. L’ensemble, parfaitement homogène, donne l’impression d’avoir été réalisé d’un seul jet.
Au chevalet, une vue rapprochée d’un zèbre : « le projet avance, mais je me suis un peu disputée avec son oeil », dit-elle amusée. L’oeuvre en cours raconte le processus créatif de l’artiste sur toile de lin : d’abord le fusain pour fixer le dessin et les parties laissées à l’état d’esquisse, puis l’huile, qu’elle travaille en réserve. Peu d’arrière-plans, voire plus du tout – paysage ou collage – afin de mettre en valeur l’animal et ses attitudes souvent pleines de tendresse. Parfois quelques feuillages, à l’exemple de la Rencontre, grande composition de panthères commandée par un amateur, quelques feuilles d’or ou de cuivre sur lesquelles évolue lentement la lumière du jour. La palette de l’artiste est certes restreinte, mais tout en retenue et en finesse : bruns, verts, blancs, noirs et bleu de Prusse. L’artiste a délaissé les effets texturés – notamment les adjonctions de sables –