Ses dates clés
toutefois l’habitude de toujours dessiner longuement son modèle avant de sculpter ; il réalisa aussi de nombreuses gravures sur bois.
Pour les animaliers, 1934 est une date importante: celle du “zoo de Vincennes”, héritier de la ménagerie de l’exposition coloniale de 1931. Le Parc zoologique de Paris imaginé sur le modèle du zoo de Carl Hagenbeck à Stellingen en Allemagne permet aux visiteurs de voir des animaux sauvages dans des cages sans barreaux. En 1937, Vincennes héberge 900 mammifères et 3000 oiseaux. Lémar y passe de longs moments, puisant l’inspiration notamment dans la grande diversité d’ours présentés et sous la grande volière des rapaces, avant de retourner travailler dans son atelier de la rue de Châtillon.
Les travaux de Marcel Lémar sont vite reconnus: il participe dès 1920 au Salon des indépendants et y expose presque chaque année jusqu’à sa mort. À Paris, il participe au Salon d’automne, à l’exposition coloniale, est visible à la galerie Georges Petit lors de la 13e exposition de la Société des artistes animaliers français… De nombreux articles de presse lui sont consacrés. En 1930, il adhère au Groupe des Douze fondé par François Pompon et Jane Poupelet, qui accueille notamment Jouve, Guyot et Margat.
Lémar met fin à ses jours le 20 octobre 1941, à l’âge de 49 ans, sans doute brisé moralement par l’irruption d’un nouveau conflit mondial, lui qui avait difficilement survécu au premier. Dans son testament, il lègue l’ensemble de son fonds d’atelier à l’état, qui choisit un certain nombre de sculptures et de dessins et cède le reste au profit des artistes nécessiteux via le Salon d’automne et le Salon des artistes indépendants, conformément aux volontés testamentaires de Marcel Lémar. En 1942, une exposition rétrospective lui est consacrée à la Société nationale des Beaux-arts, une association Les Amis de Lémar et de Chopard est créée et un livre en hommage à ces deux amis est publié en 1943. Puis l’artiste tombe dans l’oubli. Il y aurait tant à dire sur ces mystérieuses éclipses qui ont frappé la postérité de tant d’artistes, dont Rembrandt Bugatti et Joseph Pallenberg (voir Chasses Internationales n° 19)…
Bruno Gaudichon, conservateur en chef du musée de Roubaix, raconte dans les Marcel Lémar de La Piscine (Silvana Editoriale, 2013) que la première oeuvre de l’artiste à entrer dans les collections du musée était « un solide Crapaud buffle, compact comme un gros galet, découvert au hasard d’une étagère dans les réserves du Fonds national d’art contemporain en 1992 »… Achat de l’état en 1932, il n’avait pas d’attribution. Au fil des années, l’ensemble des oeuvres du legs Lémar, stocké dans les réserves du Musée national d’art moderne, fut déposé à Roubaix. La famille de l’artiste enrichit encore la collection avec des plâtres originaux, des bois gravés et un fonds documentaire.
Les sculptures de Lémar ont leur propre personnalité: proches par certains aspects des oeuvres de Pompon, Guyot, Petersen, Artus, elles s’en distinguent néanmoins. Les sujets sont stylisés mais sans erreur morphologique, grâce à ses études au Muséum. Il y a comme une naïveté touchante chez ces ours, bisons, batraciens, avec leur grosse tête, leur oeil bien rond qui révèle l’étonnement et la bienveillance. Mais il est difficile de classer Lémar car, au cours de sa brève carrière, son style a évolué. Ainsi, son Antilope koudou et son Hippopotame pourraient être de Petersen, Gibbon et son petit n’aurait peut-être pas été renié par Sandoz tandis que ses sculptures en pierre montrent l’influence cubiste. L’éléphant en pierre de Volvic est d’une étonnante simplicité de ligne, marqué par l’influence de l’art déco. Quant à son Jabiru, il ressemble presque à Homme qui marche de Giacometti, bien postérieur !
L’oeuvre de Lémar laisse une impression de grande simplicité, de probité de l’artiste, ce qu’il exprimait ainsi : « Ma vie a toujours été droite et j’ai toujours oeuvré pour mon idéal d’art. »
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(*) Damien Colcombet est sculpteur et expert en bronzes animaliers anciens (www.colcombet.com). ◆ Je remercie La Piscine de Roubaix qui m’a aidé à enrichir l’iconographie de ce portrait.