PORTRAIT DE CHEVAL
Après avoir tourné en Grand Prix sous la selle de sa propriétaire, Alizée Roussel, le hongre oldenbourg de 14 ans, entame une nouvelle carrière avec une cavalière plus jeune que lui.
Don Amour de Hus
«C’est avec une émotion certaine, postait le mois dernier sur sa page Facebook Alizée Roussel, que je vous annonce que j’ai pris la décision d’arrêter mon fidèle Don Amour sur le Grand Prix. » L’alezan quitte le devant de la scène après avoir signé une ultime victoire dans un inter II au Mans après un classement dans le Grand National juste avant le confinement. Épilogue d’une belle carrière sportive qui, désormais, se poursuivra à plus petit niveau où il a glané un titre national avec sa nouvelle cavalière.
Un séjour outre-Rhin
Été 2006, l’espace manque à PetitMars (Loire-Atlantique), un groupe de poulinières suitées du Haras des Hus est envoyé en Allemagne. Parmi elles, Rumira et son poulain Don Amour né un peu plus tôt en avril. Là-bas, il grandit paisiblement auprès de sa mère. En 2009, fraîchement débourré chez Hans Heinrich Meyer zu Strohen, il est de retour au Haras de Hus où Alizée Roussel est alors en formation aux côtés de Jessica Michel. Elle se souvient très bien de sa première rencontre, à distance, avec Don Amour : « J’étais en vacances et la cavalière restée au haras me donnait régulièrement des nouvelles. Elle m’a envoyé une photo prise au box du nouvel arrivé en m’annonçant qu’il serait dans mon piquet. » Entre le hongre et la jeune cavalière alscacienne va se nouer une forte complicité au fil du temps à tel point que dans l’année de ses cinq ans, celle-ci l’achète. Elle avoue aujourd’hui avoir hésité un temps avec un autre cheval mais « l’entraîneur Hans Heinrich Meyer zu Strohen et Jessica (Michel, ndlr) m’ont persuadée que je devais choisir Choupi. » Choupi ? Il s’agit de son sobriquet lequel ne doit rien au hasard. « Il était tout petit (1,58 m au garrot, ndlr), avec une tête trop mignonne, voilà pourquoi ce surnom. Et puis parce que Don Amour, c’est un peu long à dire (rire). »
Un grand émotif
Sur le plan du caractère l’alezan est particulier, sa propriétaire le qualifiant même avec affection «d’autiste».
« C’est un introverti, hyper sensible. »
Encore jeune cheval, son émotivité est totale. Lorsque quelqu’un entre dans son box, il s’accule au fond de celui-ci. « S’il avait pu se réfugier sous l’abreuvoir il l’aurait fait. » Alizée l’a amadoué aux friandises, « du coup, il est un peu mal élevé (rire).» Don Amour, un nom qui lui sied à merveille, car l’alezan est avide de contact envers les gens, et leur manifeste avec une grande délicatesse. « Jamais il ne va mettre un coup de boule (sic). » Dans l’écurie on ne l’entend pas. De prime abord rien de ce que nous révèle de lui sa cavalière-propriétaire est perceptible. Sa nature émotive fait, par exemple, qu’il est impossible de pénétrer dans son box avec un carton, quelle qu’en soit la taille. « Il est capable de grimper au mur. C’est un truc de fou. » Plus jeune il avait peur des autres chevaux lorsqu’ils étaient montés, croiser un autre cheval était mission impossible pour Alizée. « Le fait d’aller au pré avec un congénère l’a aidé à atténuer cette phobie. » Sous la selle Choupi est exactement le même. « Il a un coeur énorme et donne tout. Ce qui lui coûte beaucoup. »
Au travail, Don Amour de Hus mouille la chemise au propre comme comme au figuré. « Il transpire très rapidement et respire fort. » En concours le stress de l’oldenbourg est à son comble mais il le domine, ne faisant aucun écart. « Il faut être attentif à ces petits signes de fébrilité, insiste Alizée, sinon on aurait tendance à le bousculer. »
La qualité numéro 1 de ce cheval réside dans son envie de bien faire. Elle supplée à ses allures naturelles qui, en toute objectivité, n’ont rien d’extraordinaire, excepté son très bon pas. Tout ce que donne à voir en reprise Don Amour de Hus provient de l’acquis et non de l’inné. « Si on le laisse trotter et galoper rênes longues, on n’a pas envie de monter dessus », reconnaît Alizée Roussel. Et puis physiquement, le cheval a du charisme, même s’il reste un petit modèle toisant 1,62 m.
Don Amour de Hus est celui qui a ouvert grand les portes du haut niveau à sa cavalière.
Le sésame d’Alizée
Don Amour de Hus est celui qui a ouvert grand les portes du haut niveau à sa cavalière. « Si l’on prononce mon nom, c’est au sien qu’il va rester associé pour longtemps. » En effet Choupi est à jamais pour Alizée Roussel son premier cheval de Grand Prix. Transition toute trouvée pour survoler les grands moments de sa carrière sous la selle de sa propriétaire à laquelle il apportera notamment quatre victoires internationales dans des 3***. Le petit alezan fut champion de France des 5 ans, fin 2011, lors d’un concours international à Biarritz Don Amour fait retentir La Marseillaise pour la première fois pour Alizée le jour de ses 22 ans. L’année suivante il est sélectionné pour le championnat du monde des 6 ans, vice-champion de France des 7 ans. En 2016, il offre à sa cavalière une médaille de bronze au championnat de France Pro1. « Il n’a cessé de progresser de Grand Prix en Grand Prix », atteignant en 2019 une note de plus de 67 % à Compiègne dans une épreuve Pro Elite du Grand National. À Corzé, près d’Angers (Maine-et-Loire), où Alizée s’est installée il y a quatre ans, Don Amour de Hus occupe une place à part parmi la vingtaine de pensionnaires de l’écurie AR Dressage. Chaque jour, il va au paddock et il adore. Parmi leurs moments de complicité, il en est un qu’Alizée nous raconte : « le soir lorsque je viens le couvrir, il approche son nez tout près de mon oreille, et hennit doucement. »
Choupi entame une pré-retraite active. Au printemps dernier Alizée a senti que d’aller en concours n’était plus associé pour lui à du plaisir. « Cela devenait dur, lui demandant d’aller au-delà de ce dont il est capable. » Désormais il tourne en Children sous la selle d’une jeune élève d’Alizée Roussel, Fleur Weijkamp, à laquelle il a permis en octobre dernier de remporter le titre de championne de France As Minimes. Quelle âme de champion !