Cheval Magazine

Un clinic avec Anne-Sophie Serre

- PAR MARIE SERIEYS. PHOTOS : THIERRY SÉGARD.

Vous la connaissez, cela fait déjà plusieurs années que la cavalière de l’Équipe de France de dressage, Anne-Sophie Serre, vous prodigue ses conseils techniques. Cette fois, nous l’avons suivie en live lors d’un stage exceptionn­el qu’elle a donné dans les Yvelines, loin de ses terres du Sud, en décembre dernier.

Anne-Sophie Serre, pour ceux qui ne le savent pas encore, a été sacrée championne de France Pro Elite en 2020 avec sa jument Actuelle de Massa. C’est aussi avec cette lusitanien­ne baie qu’elle a participé activement à la qualificat­ion de l’Équipe de France pour les Jeux olympiques de Tokyo. À contexte exceptionn­el, situation exceptionn­elle. Crise sanitaire oblige, les cavaliers profession­nels adaptent, comme nous tous, leur emploi du temps. Pour Anne-Sophie, c’est l’occasion de proposer des stages, comme ce fut le cas dernièreme­nt. Quoi de plus réjouissan­t et formateur que de pouvoir bénéficier des conseils et des techniques d’une grande cavalière pour progresser dans le respect du cheval ? C’est la chance qu’ont eu une dizaine de couples lors d’un clinic, en région parisienne pendant deux jours, dans une ambiance studieuse et très conviviale. « Les stages ne sont pas une partie que nous avons encore beaucoup développée puisqu’habituelle­ment nous n’avons pas beaucoup de temps à nous avec les sorties en concours. Nous sommes souvent absents des écuries, et nous avons aussi une vie de famille et essayons de passer du temps avec nos enfants en dehors des week-ends de compétitio­n », explique AnneSophie. Ce fut donc un privilège pour la dizaine de stagiaires présents sur ce clinic que nous avons tenu à vous faire partager également. « L’intérêt de ce type de stage est d’aborder les choses de façon différente, d’entendre une autre manière de dire les enseigneme­nts. Il ne faut parfois pas grand-chose de plus pour que le cavalier comprenne », lance Anne-Sophie, qui essaye toujours de trouver la véritable cause du problème rencontré. « Ce n’est pas toujours ce que l’on croit, la vraie source du problème est en fait plus profonde. Il s’agit plus souvent de la façon dont l’exercice est abordé plutôt qu’un problème de capacité du cheval à le réaliser. » Un sentiment partagé par l’une des stagiaires du jour, Léna, présente avec son cheval de Pro1, Diamondgio LTH Dressvalue. « Même si on a un entraîneur habituel, je pense qu’il est très intéressan­t d’avoir des avis différents sans pour autant dire qu’il faut en changer tous les quatre matins ! Cela permet d’avoir un oeil nouveau, qui nous sort de notre routine et cela nous rappelle aussi que la maison est faite pour travailler les bases. » Anne-Sophie a vraiment insisté sur ce point.

Garder le contrôle

C’est dans cette optique de respect du cheval, qu’Anne-Sophie Serre a axé le travail de Léna avec son très grand Diamondgio. « Il a débuté la séance comme s’il allait à la guerre, comme s’il était prêt à aller dérouler tout de suite », s’amuse à comparer la cavalière de l’équipe de France. « Il était trop expressif et ne fonctionna­it pas assez avec son dos. On voulait trouver un trot plus relâché qui lui permet d’utiliser plus son dos. Le thème de la séance était de sensibilis­er Léna à changer le fonctionne­ment de son cheval, notamment dans le début de travail, pour qu’ensuite elle puisse obtenir un trot plus naturel, qui swing, et non pas juste avec les jambes qui bougent fort. » Et c’est notamment sur le travail des cessions à la jambe qu’Anne-Sophie a fait redescendr­e un peu la pression dans le trot avant de poursuivre la séance au galop sur de grandes diagonales pour enchaîner avec un travail au galop à faux tout en effectuant des transition­s. « Conserve le même rythme sur le petit côté en étant à faux puis sur la longueur, pousse les hanches vers le pare-bottes pour le garder en ligne puis avance un peu avant de reprendre à nouveau sur le petit côté », peut-on entendre du bord de piste. Un enchaîneme­nt permettant d’améliorer la qualité du galop et donc de préparer le travail autour des pirouettes. C’est d’abord sur le grand cercle de 20 mètres qu’Anne-Sophie a mené Lena sur le travail du rassembler, avant de lui demander de pousser les hanches vers l’intérieur. « On s’assure de la qualité de l’allure et du rassembler

avec un cheval droit et seulement ensuite, on lui demande de rentrer les hanches sur le grand cercle. Il ne faut pas tout demander en même temps mais bien dissocier les exercices. Une fois qu’il était installé dans ce galop rassemblé tout en restant devant, alors elle pouvait rentrer les hanches. Je lui ai fait d’abord contrôler les hanches sur un grand cercle pour la faire travailler sur sa rêne extérieure, afin que, grâce à ça, elle contrôle l’équilibre des épaules. » Et si pour Diamondgio ce travail de pirouette n’est pas nouveau, le but était de trouver le bon contrôle en entrée et sortie du mouvement. Ce sont sur des quarts de pirouettes qu’Anne-Sophie a souhaité tester ce contrôle du mouvement en poursuivan­t sur une pirouette « bougeante », selon les mots de la coach. « On a déplacé la pirouette, c’est-à-dire que, de son quart de pirouette je lui disais de ressortir comme si elle était toujours dans le mouvement pour venir à nouveau tourner quelques mètres plus loin, le tout avec un cheval qui avait toujours envie de rentrer et sortir, tout en contrôlant les épaules grâce à l’action de la rêne extérieure. » Et pour Anne-Sophie, pas de mystère, si vous rencontrez des problèmes de rotation dans la pirouette, c’est que vous n’en contrôlez ni l’entrée ni la sortie. Pour poursuivre sa séance autour du contrôle et du confort, Léna a évoqué un souci pour trouver le bon passage de son très grand cheval. Pour cela, Anne-Sophie a surtout orienté la cavalière vers un travail au trot enlevé. « Cela aide le cheval à se mettre en place dans son dos. Il n’a pas la charge du poids du cavalier qui doit toujours chercher à travailler son cheval dans le confort. Cela a aussi un côté plus fun et si vous arrivez à le faire au trot enlevé, vous n’aurez pas de problème à vous mettre ensuite au trot assis », explique Anne-Sophie qui prêche le travail en s’amusant pour ne pas tomber dans la répétition du quotidien. « Nous avons d’abord trouvé un trot comme je le disais en plaisantan­t, pour “pas cher”, plus naturel et plus en place. À partir de là, avec un cheval connecté, au bout des rênes, et avec une encolure bien sortie, on a commencé à tasser - et pas freiner ! - le trot. On demande au cheval de se grandir dans son trot pour aller vers le passage. » Et c’est en jouant sur les transition­s entre le trot « normal » et le « doux » passage que Diamondgio a pu trouver son équilibre pour rentrer - et sortir dans le passage par le dos.

Vers la bonne évolution

C’est avec Jetlag de Massa que la philosophi­e de travail des chevaux d’Anne-Sophie s’est faite la plus ressentir. En effet, si Diamondgio a de très grandes allures impression­nantes, la séance de travail avec le croisé lusitanien et sang allemand était plus orientée sur la recherche d’un trot calme, dans lequel le cheval pouvait prendre son temps afin de bouger son corps et de mettre ses postérieur­s en place. « L’essentiel de mon travail est axé sur le fonctionne­ment du cheval. Il est important pour moi d’avoir un cheval qui reste souple et qui utilise son dos. Un cheval améliore ses allures quand il sait se servir de son corps et que le travail de base a été bien fait en amont, c’est-à-dire qu’il utilise son dos, qu’il sort son encolure et qu’il garde ses postérieur­s en place. Tout cela s’acquiert au fur et à mesure de la formation et de l’évolution du cheval. Je ne pense jamais à l’expression mais je pense à avoir un cheval qui me porte bien et qui soit capable de repartir et d’avancer de façon fluide, insiste-t-elle en précisant, avec Jetlag, le but de la séance était de travailler avec lui et pas contre lui. Nous nous sommes attardées sur sa longueur d’encolure, qu’il puisse en sortir la base pour garder un dos souple, pour avoir une allure de base qui reste toujours correcte, vers l’avant mais sans précipitat­ion. » Et c’est par les transition­s qu’Anne-Sophie a pu guider Claudia, la cavalière de Jetlag, vers la recherche du bon rythme de trot. « L’objectif est de raccourcir l’arrière et de rallonger l’avant, lance Anne-Sophie, que le mouvement passe à travers le dos jusqu’à la bouche pour améliorer le contact et éloigner le bout du nez du cheval ». Et c’est dans un « petit » trot que Claudia devait chercher le contrôle de l’allure afin d’obtenir de son cheval qu’il couvre plus de terrain qu’il ne court. « Les transition­s permettent de jouer sur les ampli

« J’ai beaucoup apprécié sa philosophi­e, qu’elle dise que l’on peut effectuer des mouvements techniques et compliqués tout gardant un cheval relâché. » LÉNA

« N’oubliez pas que l’activité doit toujours être optimale, quelle que soit l’allure et quel que soit le rythme que vous choisissez d’imposer au cheval »

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ANNE-SOPHIE SERRE
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Anne-Sophie Serre, cavalière de l’équipe de France de dressage.
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Travail du contact pour Claudia et Jetlag de Massa, un cheval issu de l’élevage avec lequel travaille AnneSophie Serre.

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