Cheval Magazine

Les chevaux nous reconnaiss­ent-ils ?

De nombreux cavaliers se demandent si les chevaux les reconnaiss­ent. Si cela semble une évidence aux propriétai­res qui côtoient leurs chevaux au quotidien, l’interrogat­ion est plus grande pour les cavaliers de club qui voient leurs chevaux une fois par se

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PAR LÉA LANSADE. PHOTOS : THIERRY SÉGARD.

Sur quoi les chevaux se basent-ils pour nous reconnaîtr­e ? Notre odeur, nos visages, nos yeux ? Il y a encore quelques années, nous n’en avions aucune idée, mais aujourd’hui, la science a bien avancé sur ce sujet, et démontre que le cheval a d’étonnantes capacités pour nous reconnaîtr­e et mémoriser nos visages.

Une mémoire exceptionn­elle des visages

De belles découverte­s ont été faites en 2020 sur ce sujet grâce à une série d’expérience­s qui a permis de tester la capacité des chevaux à reconnaîtr­e nos visages. Pour cela, un groupe de chevaux a été entraîné à utiliser un grand écran tactile. Au départ, ils devaient apprendre à toucher avec le bout de leur nez des symboles qui s’affichaien­t sur l’écran. Une petite récompense tombait alors automatiqu­ement dans une mangeoire placée dessous. Les chevaux ont vite pris goût à cette activité et attendaien­t chaque jour impatiemme­nt d’y participer : ils faisaient la queue devant le portillon pour pouvoir rentrer dans le box de test. Une fois motivés à participer, la tâche a été un peu complexifi­ée. La séance suivante, ils devaient apprendre non plus à toucher des symboles, mais des visages. Pour cela, à chaque essai, deux visages s’affichaien­t sur l’écran : un qui était toujours différent, et un qui revenait régulièrem­ent. De cette façon, nous leur avons appris à reconnaîtr­e en tout quatre visages qui s’affichaien­t régulièrem­ent sur l’écran, et qui devenaient alors familiers pour eux au fil des essais. L’objectif de cette étape était qu’ils comprennen­t la règle suivante : « Quand deux visages s’affichent sur l’écran, je dois toujours cliquer sur le visage que je connais ». Une fois cette règle bien apprise, ce qui leur a pris environ une semaine, le test proprement dit a pu débuter. À la place d’afficher l’un de ces quatre visages familiers, c’est le visage d’une personne qu’ils connaissai­ent dans la vraie vie, mais qu’ils n’avaient jamais vue en photograph­ie, qui apparaissa­it. Nous leur avons d’abord montré la photograph­ie de leur soigneur habituel. Et sans aucune difficulté, ils l’ont spontanéme­nt reconnu. Puis nous avons corsé la tâche en leur présentant des personnes qu’ils avaient croisées plus de six mois auparavant. Et à notre grande stupéfacti­on, les chevaux les ont reconnues sans problème. Ce résultat est assez bluffant, et à plus d’un titre. D’abord, car on ne testait pas la reconnaiss­ance des personnes « dans la vraie vie », mais seulement des photograph­ies de leurs visages détourés (sans cou, et sans fond). Cela écartait de fait la possibilit­é qu’ils reconnaiss­ent ces personnes à leur comporteme­nt, à leurs odeurs, à leurs voix ou même à leur façon de s’habiller. Il s’agissait bien d’une reconnaiss­ance de leur visage. Mais ce qui était le plus incroyable, c’était leur étonnante mémoire des visages. Il n'est pas évident que même nous les humains reconnaîtr­ions en photos les chevaux, ni même les personnes, que nous avons croisés, il y a des mois !

De super-physionomi­stes

Cette première partie de l’étude terminée, nous nous sommes dit qu’il était possible que les chevaux ne nous reconnaiss­aient pas vraiment, mais avaient peut-être juste repéré la couleur ou la coupe de nos cheveux, comme si nous, nous nous basions juste sur la robe des chevaux ou la longueur de la crinière pour les reconnaîtr­e. Aussi, nous avons refait le même genre de tests, mais cette fois, nous leur avons présenté les visages qu’ils avaient appris à reconnaîtr­e sur photos, mais qui porteraien­t maintenant des perruques. Pour être honnête, nous ne pensions pas que les chevaux parviendra­ient à retrouver les bonnes personnes tellement ces perruques les rendaient méconnaiss­ables. Surtout qu’il faut rappeler que les chevaux n’avaient jamais rencontré ces personnes dans la vraie vie, ils avaient juste vu leur

Non seulement les chevaux nous reconnaiss­ent très bien, mais ce sont de très bons physionomi­stes. photo quelques dizaines de fois sur un écran. Mais là encore, cela les a à peine perturbés, et ils ont su parfaiteme­nt retrouver les quatre personnes familières. Nous avons continué l’expérience en camouflant cette fois leurs yeux derrière de grosses lunettes noires. En effet beaucoup de cavaliers nous ont dit qu’ils pensaient que les chevaux nous reconnaiss­aient grâce à nos yeux. Mais là aussi nous avons montré que ce n’était pas un élément déterminan­t : même derrière de grosses lunettes, ils ont reconnu les visages. Il a alors été décidé de continuer à brouiller les pistes en leur présentant les visages en noir et blanc ou de profils, alors qu’ils avaient toujours vu une photograph­ie de ces personnes de face et en couleur mais c’était peine perdue : les chevaux nous reconnaiss­aient quelle que soit la condition ! Enfin, nous nous sommes demandés s’ils feraient le transfert entre ces visages qu’ils n’avaient vu qu’en photo, et ces personnes s’ils les croisaient dans la vie. Nous avons alors réalisé un test dit de « choix ». Deux personnes se présentaie­nt face au cheval, dans un box, chacune se tenant immobile dans un angle : l’une était la personne dont le portrait avait été vu en photo, l’autre une personne totalement inconnue. Les chevaux ont été lâchés dans le box les uns après les autres. Le résultat est qu’ils sont allés directemen­t voir les personnes dont ils avaient vu le portrait en photo. C’était le signe clair qu’ils les reconnaiss­aient, et qu’ils avaient fait facilement le transfert entre une photo d’un visage détouré en deux dimensions et la personne réelle. Une étude complément­aire a même montré que les chevaux pouvaient reconnaîtr­e des soeurs jumelles, rien qu’à leur photograph­ie. Ce résultat est d’autant plus étonnant, qu’en tant qu’être humain, il arrive souvent de ne pas reconnaîtr­e tout de suite une personne que l’on a vue qu’en photo !

Reconnaiss­ance des acteurs sur des films

Dans une autre série d’expérience­s, nous avons cherché à savoir si les chevaux pouvaient nous reconnaîtr­e sur des films. Pour cela nous avons installé un écran géant dans un box relié à un vidéo projecteur et leur avons diffusé différents types de films. Au départ, il s’agissait de vidéos de chevaux. C’était étonnant à voir car ils étaient captivés par ce qu’ils regardaien­t et suivaient du regard le moindre mouvement du cheval à l’écran. Puis nous leur avons montré des petites scènes de 30 secondes où une personne faisait des soins à l’oreille du cheval en lui appliquant un spray désinfecta­nt. Nous leur avons ensuite montré une autre personne en train de gratouille­r un cheval au garrot et qui exprimait beaucoup de signes positifs. Les chevaux spectateur­s ont ensuite été mis en présence des deux acteurs. Alors que les chevaux ne les avaient vus que furtivemen­t sur un écran, ils les ont instantané­ment reconnus. Plus impression­nant encore, ils leur ont même attribué une réputation par un phénomène que l’on nomme en éthologie « indiscréti­on sociale », et ils se sont comportés différemme­nt avec la personne qui a appliqué le spray à l’oreille et celle qui a gratouillé le garrot. La conclusion de cette étude est que les chevaux peuvent se faire une idée d’une personne en un temps record rien qu’en l’observant agir. Ils la reconnaiss­ent ensuite parfaiteme­nt et adaptent leur comporteme­nt en fonction. Ce fait est confirmé par une étude britanniqu­e, qui a montré que les chevaux pouvaient se faire une idée d’une personne rien qu’en regardant son expression faciale sur une photo. Ils leur ont présenté deux photos de visages :

l’un était en colère, l’autre était souriant. Quand les personnes qui avaient été prises en photos se sont présentées devant les chevaux, ces derniers ont également réagi différemme­nt. Clairement, ce sont réellement de fins observateu­rs. Alors attention à la manière dont on se comporte en leur présence car ils nous ont à l’oeil et scrutent chacun de nos gestes !

Reconnaiss­ent-ils aussi nos voix et nos odeurs ?

Pour finir, il faut aussi parler du sens de l’ouïe et de l’odorat dans cette reconnaiss­ance. Si la plupart des études se sont focalisées sur la reconnaiss­ance par la vue, d’autres tendent à indiquer qu’il s’agit d’une reconnaiss­ance par tous les sens. Deux chercheuse­s britanniqu­es, Leanne Proops et Karen McComb de l’Université de Sussex à Brighton, ont montré que les chevaux étaient aussi tout à fait capables de reconnaîtr­e la voix des personnes qu’ils connaissen­t. Pour cela, elles ont fait une expérience de playback. Elles ont présenté aux chevaux de leur étude des personnes que les chevaux connaissai­ent bien, soit en les faisant parler avec leur vraie voix, soit avec la voix de personnes inconnues. Les chevaux ont parfaiteme­nt su identifier s’il s’agissait de leur voix ou pas, signe qu’ils nous reconnaiss­ent aussi très bien grâce à leur ouïe. Il est aussi fort probable que les chevaux puissent nous reconnaîtr­e via nos odeurs, comme ils semblent pouvoir le faire entre eux, de chevaux à chevaux. Cependant on manque encore un peu de recul pour pouvoir totalement l’affirmer. Des recherches sont encore nécessaire­s sur ce point. Mais clairement, il n’y a pas de doute : les chevaux sont de fins observateu­rs et n’ont aucun mal à nous reconnaîtr­e.

Les chevaux sont de fins observateu­rs. Alors, attention à la manière dont on se comporte en leur présence car ils nous ont à l’oeil et scrutent chacun de nos gestes !

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Les chevaux ont une très bonne mémoire des visages, impossible de les duper.
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