La grammaire et l’équitation
« La grammaire est, après le cheval, et à côté de l’art des jardins, l’un des sports les plus agréables. (…) Les amoureux de billard, de cheval ou de régates trouvent toujours à compliquer le jeu. (…) Quand on est amoureux de la langue, on l’aime avec ses difficultés. »
Celles et ceux qui, parmi les lectrices et lecteurs de Cheval magazine, éprouvent quelques difficultés avec la syntaxe ou l’orthographe, avec les déclinaisons et conjugaisons, devraient trouver quelque réconfort dans ces citations empruntées à Alexandre Vialatte, extraites d’un article paru dans La Montagne, un quotidien de Clermont-Ferrand, en décembre 1970. Voici donc un demi-siècle. On a un peu oublié aujourd’hui qui était cet Alexandre Vialatte (1901-1971) : c’était un merveilleux écrivain, un intarissable chroniqueur, auteur de centaines, de milliers de petits textes pleins de charme et d’humour. Bien qu’ayant une mauvaise vue, il portait un regard aiguisé (et tendre) sur la société de son époque. Une époque qui peut paraître lointaine mais qui n’était pas si différente, au fond, de l’actuelle, si bien que l’on peut se délecter aujourd’hui encore de ses billets pétillants d’intelligence. Ce qui justifie qu’on évoque ici sa mémoire est que ce grand styliste était aussi un passionné d’équitation, ce qui l’amena à établir entre ses deux centres d’intérêt des comparaisons, parfois audacieuses, telles que celle-ci : « Une langue, pour rester vivante, a besoin d’un frein et d’un éperon comme le cheval pour être dirigé. Sans l’éperon que sont les apports, les nouveautés, les inventions de la langue parlée, elle deviendrait vite une langue morte.
Sans le frein que sont les grammairiens, les puristes, les orthodoxes, elle changerait à une telle vitesse qu’en peu d’années on ne la reconnaîtrait pas. »
(10 décembre 1970)