Cheval Magazine

À l’école des masseurs équins

Voilà déjà dix ans qu’Équiphysio forme des profession­nels en massage équin. Dans les centres équestres ou au sein des écuries du Domaine de Chantilly, les élèves affinent leurs mains pour apporter du confort aux chevaux. Rencontre.

- TEXTE ET PHOTOS (SAUF MENTIONS) : ÉLODIE PINGUET ET ANNE CHAUSSEBOU­RG.

Ce mercredi de février, c’est l’effervesce­nce dans les Grandes écuries du Domaine de Chantilly. Les écuyères montent les chevaux en carrière, certains se détendent en extérieur ou au marcheur, le maréchal oeuvre dans la cour, tandis que la dentiste s’occupe de ses patients du jour. Et aujourd’hui, les stars de la compagnie bénéficien­t de futures profession­nelles bien particuliè­res, des masseuses de l’école Équiphysio. Elles sont monitrices, ostéopathe­s, gérantes d’écurie, kinésithér­apeute humain, voire même en totale reconversi­on. Elles s’affairent dans les boxes des chevaux ibériques, des poneys et autres ânes, sous l’oeil attentif de leurs professeur­es, Bénédicte Lucazeau, créatrice de l’école, et de Caroline Leplay, ostéopathe et masseuse. Les 19 élèves de cette promotion, qui a fait sa rentrée en septembre dernier, s’appliquent aujourd’hui à compter les vertèbres des différents équidés du musée et à « travailler » leur main. Peu importe leur âge ou leur parcours, elles ont en commun l’amour des chevaux et la volonté de leur apporter un peu de bien-être.

À l’écoute de son patient

Masseur équin vous dites ? Voilà déjà quelques années que ce métier est en plein essor. Attention, on entend parfois parler de « kiné pour chevaux » mais ce n’est pas tout à fait la même chose. Le masseur est un maillon de la vaste équipe de soignants qui gravite autour du cheval : vétérinair­e, maréchal, ostéopathe, dentiste... Il intervient en seconde intention, sur un animal sain, et n’a pas vocation à pratiquer de la rééducatio­n, comme un kiné humain. On retrouve trois types d’objectifs lors d’un massage équin, nous explique Bénédicte Lucazeau : la préparatio­n physique des masses musculaire­s avant un effort, le massage de récupérati­on physique après un effort ou encore le massage d’entretien et de confort afin que le cheval puisse employer au mieux son corps dans sa discipline. En massage, tout passe par la main, le ressenti et l’observatio­n, comme le détaille Caroline Leplay, qui faisait partie de la première promotion à la création de l’école : « Il faut tou

jours être en connexion avec le cheval et rester à l’écoute de ce qu’il nous dit. Sachant que cela peut être une oreille qui bouge, un oeil qui se retourne ou même une tête qui s’incline… C’est peut-être ça la règle d’or, toujours être avec notre patient ». Dans les boxes, l’ambiance est studieuse et les élèves ont bien compris cette règle d’or : elles tâtonnent, regardent attentivem­ent les réactions des chevaux au gré de leurs manipulati­ons. Elles ne sont là que depuis six mois mais déjà leurs mains ont gagné en assurance. Tiens, cet Espagnol réagit quand l’une appuie à cet endroit. Plus loin un autre cheval semble se détendre pour simplement profiter du moment. Les poneys, eux, en oublient d’être espiègles l’espace de quelques instants. Si les filles peuvent profiter des installati­ons et des chevaux de Chantilly, c’est grâce à Bénédicte, ancienne écuyère. Généraleme­nt, les élèves (uniquement issues de la gent féminine cette année) se rendent sur place les jours de fermeture. Pour des travaux pratiques plus poussés, impliquant une mise en mouvement des chevaux, les filles se rendent dans un centre équestre à proximité. Elles observent alors la différence, avant et après le massage, sur la locomotion du cheval. À Chantilly, elles manipulent plusieurs races d’équidés, et comme chaque cheval est différent selon sa race, sa taille, sa morphologi­e ou sa discipline, c’est une source d’apprentiss­age sans fin pour nos masseuses ! « Il existe une cartograph­ie des points de tension par rapport à la discipline et à ce qu’on demande au cheval. Mais aussi par rapport à son âge et à d’autres facteurs. On forme nos élèves à ressentir s’il s’agit d’une tension anatomique normale et dans le cas contraire, si c’est douloureux ou pas », révèle Caroline. Une réelle connexion se forme entre le masseur et son patient.

Un an de formation

À Équiphysio, la formation dure 12 mois et propose un diplôme certifié par l’État depuis 2018. Les élèves alternent cours pratiques et théoriques sur 1 112 heures, à raison d’une semaine par mois. Au programme anatomie, physiologi­e, biomécaniq­ue, maréchaler­ie, dentisteri­e, ou encore adaptation­s musculo-squelettiq­ues. Quand Bénédicte, ostéopathe équin depuis 20 ans, crée l’école en 2011, elle cherchait à former des masseurs pour préparer les chevaux. Celle qui a tout appris dans les livres, en s’inspirant de ce qui se faisait ailleurs commence à créer « des cours, des techniques et des protocoles. Je me suis inspirée de mon vécu et les profs qui m’ont rejointe ont apporté leur pierre à l’édifice. J’ai attendu d’avoir une dizaine d’années d’expérience avant de créer cette école, mais j’enseignais déjà en ostéo avant. » Actuelleme­nt, l’école compte une dizaine de personnes dans son équipe, qui sont pour beaucoup eux-mêmes passés par Équiphysio. L’école possède une antenne à Chantilly, Bordeaux et en Belgique. D’ailleurs, sachez que si en France on parle de masseur équin, ailleurs en Europe, il convient de se présenter comme un physiothér­apeute. En pratique, les élèves procèdent par chronologi­e : encolure, membre antérieur, dos, bassin, membre postérieur. Si nous les avons surpris en plein comptage des vertèbres, ce n’est pas anodin ! Il est important de connaître le squelette de l’équidé, afin de pouvoir ensuite repérer comment sont organisés les muscles par-dessus. La troisième étape est biomécaniq­ue, il s’agit de regarder comment les muscles fonctionne­nt et sont sollicités selon la discipline. « On a un défi, on a un an pour leur fabriquer une main. Il faut savoir qu’il faut environ 10 ans pour se faire une très bonne main, qui comprend et qui

« Il faut environ 10 ans pour se faire une très bonne main, qui comprend et qui analyse. », Bénédicte Lucazeau.

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Quand on masse, il faut surveiller le moindre signal envoyé par le cheval, aussi subtil soit-il. C’est une communicat­ion profonde entre les deux.

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