Sports équestres : Nations en devenir
Si l’on retrouve souvent les mêmes nations au palmarès des plus prestigieuses compétitions internationales, force est de constater ces dernières années l’émergence de nouveaux pays dans le paysage des sports équestres. Comme la Chine, le Maroc, mais aussi Israël, le Pakistan ou encore la Lettonie qui feront leur première apparition aux Jeux olympiques de Tokyo. Focus sur ces concurrents en devenir.
Allemagne, France, Royaume-Uni, PaysBas, États-Unis… Historiquement, les sports équestres ont principalement été dominés par des nations du monde occidental. Celles-ci ont en effet fourni la plupart des champions des dernières décennies, et s'imposent aussi par leur savoir-faire et leur grand nombre de pratiquants. Cette domination occidentale n'est sans doute pas prête de disparaître mais, au fur et à mesure de l'évolution des sports équestres, on voit de plus en plus de pays jouer sur son échiquier. Les derniers Jeux équestres mondiaux de Tryon ont par exemple rassemblé pas moins de 71 nations dans 8 disciplines. Des pays comme le Japon, Singapour ou encore la Lettonie y ont décroché des médailles en para-dressage. Les Jeux olympiques n'ont eux aussi jamais cessé de s'ouvrir à plus de nations : 9 pays lors de la première édition moderne en 1912, on est passé à une vingtaine dans les années 1950 et une quarantaine aujourd'hui. De nouvelles règles comme la réduction des équipes à trois cavaliers ont même été mises en place pour Tokyo, afin que les épreuves équestres des Jeux accueillent encore davantage de nations. En jumping, on passera ainsi de 15 à 20 pays, tandis que le dressage et le complet seront disputés par 15 nations, soit 5 de plus qu'auparavant. Israël, la Lettonie, le Pakistan ou encore le Grand-Duché de Luxembourg font partie des pays qui participeront pour la première fois aux olympiades équestres cette année, alors que le Maroc fera ses débuts en équipe à l'occasion de Tokyo.
La mondialisation du circuit de compétitions
Outre les nations participantes, les grands événements sportifs équestres se sont aussi mondialisés au travers de leurs destinations. À sa création, dans les années 1970, la Coupe du monde FEI de jumping ne comptait par exemple que des étapes en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord, alors que le circuit s'étend aujourd'hui au monde entier grâce à une quinzaine de ligues régionales. D'autres circuits ont aussi élargi leurs horizons, comme le Longines Masters qui a organisé en 2013 à Hong Kong le premier CSI 5* d'Asie depuis les Jeux olympiques de Pékin 2008. Il a été suivi peu de temps après par le Longines Global Champions Tour avec son étape à Shanghai. Au fil de son développement, cette série n'a d'ailleurs jamais cessé de conquérir de nouvelles destinations, comme par exemple Doha (Qatar) ou Mexico (Mexique).
Une véritable mondialisation des sports équestres est en marche depuis plusieurs années, mais il serait trompeur de croire qu'elle se limite au jumping ou au haut niveau. Outre des résultats et sélections dans les plus grandes compétitions, le développement des sports équestres passe aussi et avant tout par la création et l'expansion de véritables filières dans les pays émergents. Il s'agit d'un travail de longue haleine, car les freins sont multiples. « Dans certains pays comme la Chine, c’est surtout
la connaissance du cheval qui fait défaut », observe Kim Jiropas, fondatrice et directrice de Kiji Consulting, une agence qui oeuvre pour le bon développement de la filière équine (notamment en Asie) grâce à des mises en relation et organisations d'événements pédagogiques. « La culture du cheval est en effet limitée à certaines régions, et elle est essentiellement folklorique. Les Chinois disposent de chevaux de sport grâce aux importations, mais il leur manque encore les connaissances et professionnels en matière de soins, de génétique… » Et l'équitation est parfois encore considérée comme un sport dangereux. La pratique évolue toutefois vers toujours plus de sécurité et cette image est en train de changer, entre autres grâce au développement du tourisme vert, des loisirs d'extérieurs ou encore de l'influence européenne. « Certains jeunes Chinois partent étudier en Europe et y découvrent la culture équestre », illustre Kim Jiropas. « Il y a aussi un effet de mode lié à la notoriété de l’Europe et au fait qu’elle soit associée à un univers de luxe. »
Certains pays possèdent une culture et un savoir-faire équestres plus poussés, mais doivent faire face à des obstacles d'un autre type. Plusieurs fédérations nationales ont en effet du mal à fonctionner financièrement car leur taille est réduite et elles ne rassemblent que quelques clubs. D'autres rencontrent des problèmes plus organisationnels ou structurels. « Dans les anciennes colonies anglaises, il existe encore des formats un peu obsolètes comme les Horse Society, dont les statuts ne correspondent pas à la charte olympique », explique Jean-Philippe Camboulives, Directeur de FEI Solidarity. Créé en 2011 par la Fédération Équestre Internationale (FEI), ce programme a pour objectif de promouvoir et améliorer la culture équestre dans le monde en travaillant directement avec les fédérations nationales membres de la FEI. Sur les quelque 136 fédérations que rassemble cette dernière, pas moins de 90 bénéficient de l'aide de FEI Solidarity sous forme de soutien financier, programmes techniques et services de consultance. Le programme supporte et encadre aussi bien les athlètes que les fédérations nationales et leurs structures (centres équestres), la
Israël, la Lettonie, le Pakistan ou encore le Grand-Duché de Luxembourg font partie des pays qui participeront pour la première fois aux olympiades équestres cette année, alors que le Maroc fera ses débuts en équipe à l’occasion de Tokyo.
formation des coaches ou encore des actions en lien avec les valeurs des sports équestres (élevage, formation des vétérinaires et soigneurs, intégration sociale…).
Miser sur l’éducation
FEI Solidarity n'est certes pas le seul acteur à oeuvrer au développement des sports équestres dans le monde, mais il réalise cependant un travail conséquent. Depuis 2012, il a soutenu pas moins de 284 projets, comme un programme pour réformer les chevaux de course et lutter contre la pénurie d'équidés de sport en Asie du Sud-Est, un plan pour développer l'égalité des sexes dans le secteur équestre au Costa Rica, des actions « sport pour tous » et des formations de maréchalerie en Zambie. « Nos moyens restent malgré tout limités, c’est pourquoi nous misons sur l’éducation et le partage de connaissances via nos quelques 40 experts techniques », explique Jean-Philippe Camboulives. « C’est en effet le modèle le plus rentable. On voit par exemple qu’en Amérique du Sud et centrale, la formation porte ses fruits depuis quelques années et il y a de plus en plus de petits jeux, championnats et épreuves continentales qui sont des objectifs et motivations pour la filière. » En tant que chef de l'équipe de jumping du Brésil entre 2011 et 2015, le Français Jean-Maurice Bonneau a non seulement assisté à cette évolution, mais il y a aussi contribué. « Lorsque je suis arrivé au Brésil, l’objectif était de développer une équipe première pour les Jeux olympiques de Rio 2016 et les gros concours, et de relever le niveau des compétitions sur le territoire. L’évolution s’est faite sur de longues années et grâce à une combinaison d’éléments, mais on peut dire aujourd’hui que le Brésil est plus qu’un pays émergent au niveau des sports équestres. » Jean-Maurice Bonneau voit depuis lors d'autres nations éclore, comme Israël « qui peut être considéré comme un outsider pour les prochains Jeux olympiques », ou encore les pays est-européens et des Balkans. « Cette année à la Young Riders Academy (ndlr : programme de formation pour de jeunes cavaliers talentueux), nous avons par exemple des cavalières tchèque et estonienne. »
« En Amérique du Sud et centrale, la formation porte ses fruits depuis quelques années et il y a de plus en plus de petits jeux, championnats et épreuves continentales qui sont des objectifs et motivations pour la filière. »
Instaurer de vraies filières
Si le développement des sports équestres passe souvent par le recours à des outils et experts étrangers, l'objectif d'acteurs de terrain comme FEI Solidarity ou Kiji Consulting n'est pas de rendre ces nations dépendantes d'une aide extérieure, au contraire. Les formations, soutiens et conseils proposés par ces organismes visent en effet à instaurer et pérenniser de véritables filières dans ces pays émergents au niveau équestre. Il existe plusieurs moyens d'y arriver, mais l'investissement des structures et pouvoirs locaux est souvent décisif. « Il existe de très bons exemples en Afrique du Nord, comme par exemple en Algérie où l’équitation se démocratise, ou encore au Maroc, pays qui compte beaucoup de cavaliers et même un Institut National du Cheval dédié aux métiers équins », illustre le directeur de FEI Solidarity. « Il y a aussi des nations comme la Colombie, l’Equateur ou le Guatemala qui possèdent peu de moyens mais sont des pays équestres avec des fédérations qui travaillent bien. C’est également le cas de la Thaïlande, qui est bien structurée même si de petite taille. »
Impossible également de parler du développement mondial des sports équestres sans évoquer la Chine, qui apparaît comme l'une des plus grosses nations émergentes. « Les Chinois investissent beaucoup et l’on voit que tout évolue », remarque Kim Jiropas. « Le nombre de clubs explose, la formation se développe et, sur deux ans, nous avons par exemple doublé notre nombre de stagiaires en maréchalerie. » La Chine a toutefois encore beaucoup de chemin à parcourir, notamment en termes de formations professionnelles, d'élevage et d'éducation des chevaux, ou même de compétitions. « Il y existe des circuits et des compétitions FEI mais, comme le pays est immense, chaque province a sa fédération et il y a peu d’homogénéité sur le plan des concours », précise Kim Jiropas. Comme beaucoup d'autres pays, la Chine doit aussi relever le défi de la démocratisation de la pratique, laquelle est souvent liée à la croissance de la classe moyenne. D'une manière générale, l'équitation reste encore réservée à une élite. Cela n'empêche pas quelques cavaliers fortunés ou soutenus financièrement d'émerger sur la scène internationale, le plus souvent après s'être installés à l'étranger. Ce terreau est toutefois peu fertile au développement d'une véritable filière équestre et aux retombées positives que celle-ci peut avoir sur un pays. Une chose est sûre, du point de vue des sports équestres, l'histoire de ces pays ne fait que commencer. À suivre…
La Chine doit aussi relever le défi de la démocratisation de la pratique, laquelle est souvent liée à la croissance de la classe moyenne.