Une Adeline peut en cacher une autre
Dans notre petit univers équestre, les femmes écrivains (faut-il dire « écrivaines » ? L’Académie française recommande plutôt « autrices », féminin du mot auteur) ne sont pas très nombreuses. Les vraies cavalières sachant produire de la vraie littérature sont plutôt rares, mais il y en a au moins une : notre amie Adeline Wirth, qui fut, entre 1987 et 1990, la seule femme de l’Équipe de France de saut d’obstacles, devenue dans les années 2000 une romancière à succès. Nous avions donc une Adeline ; heureuse surprise, nous en avons maintenant deux ! C’est ce que j’ai découvert en lisant le nouveau roman d’une certaine Adeline Dieudonné, paru au mois de mars de cette année. Cette Adeline-là est une très gracieuse comédienne belge qui a surgi soudain dans le monde des Lettres en produisant, en 2018, un premier roman (La vraie vie ) qui a connu un succès foudroyant ; une moisson de prix littéraires (le Renaudot des lycéens, le Grand Prix des lectrices de Elle, etc.) et des centaines de milliers d’exemplaires vendus.Trois ans plus tard, la voilà revenue, avec Kérozène (éditions L’Iconoclaste), une sorte de thriller à la fois sombre et jouissif qui met en scène quatorze personnages n’ayant apparemment aucun lien entre eux, mais dont les aventures vont petit à petit se ramifier entre elles pour constituer in fine un ensemble cohérent. Et – autant vous prévenir – terrifiant !
La principale particularité est que, parmi ces quatorze personnages, figure… un cheval ! C’est complètement inattendu et totalement insolite : tout à fait, donc, dans le style de Adeline Dieudonné qui adore les situations abracadabrantesques. Que fait là ce cheval parmi treize autres personnages peu recommandables ? On ne sait pas très bien, mais il est le bienvenu, car c’est à lui que Adeline bis consacre le plus tendre, le plus paisible de ses quatorze chapitres. L’animal s’appelle Red Apple, et présente une certaine ressemblance avec Jappeloup, le petit cheval olympique.
Manifestement, Adeline Dieudonné a pratiqué l’équitation. Du moins semble-t-elle bien connaître les chevaux, et éprouver pour eux une affection profonde. C’est, de façon presque maternelle, en effet, qu’elle évoque l’enfance du poulain, avec compassion qu’elle raconte le déchirement que fut pour lui la séparation d’avec sa première cavalière. Tout cela serait charmant si cette Adeline ne pouvait s’empêcher d’arranger son histoire pour que, comme d’habitude, elle finisse mal.